Je me réveillai en sursaut, le cœur battant et l'esprit encore embrumé. La lumière douce de la chambre de Stella m'entourait, un espace que je connaissais bien, à la fois réconfortant et familier. J'avais passé tant de nuits ici, à rire, discuter, et oublier mes soucis l'espace d'un week-end. Mais aujourd'hui, la chaleur de cet endroit n'effaçait en rien le poids sur ma poitrine ni la douleur sourde qui m'écrasait.
Stella entra dans la pièce, son regard empli d'inquiétude et de douceur. Elle s'assit à mes côtés, prenant doucement ma main.
— « Eh, comment te sens-tu ? » demanda-t-elle, sa voix tendre comme une caresse.
Je pris une inspiration profonde, cherchant mes mots. Mais il n'y avait pas de façon élégante de le dire.
— « Comme si un train avait fait l'aller-retour sur ma dépouille… »
Elle esquissa un léger sourire, mais ses yeux restèrent sérieux. Derrière elle, Miles, adossé au mur, nous écoutait en silence, ses bras croisés et les sourcils froncés.
— « Pourquoi tu ne nous as rien dit, Ava ? » demanda-t-il d'une voix qui trahissait un mélange de reproche et de douleur.
Je baissai les yeux, serrant les draps entre mes doigts.
— « Il m'en a interdit, » murmurai-je, honteuse. « Si j'en parlais, mes parents et moi serions bannis… »
Stella et Miles échangèrent un regard, leurs visages s'assombrissant d'incompréhension et de colère.
— « Quoi ?! » s'écrièrent-ils en chœur.
— « Mais il n'a aucun droit de faire cela ! » ajouta Stella en me serrant plus fort la main. « Qui croit-il être pour imposer une chose pareille ? »
Je sentis ma gorge se serrer à l'évocation de Jace et du pouvoir qu'il détenait sur ma vie.
— « Nous ne jouons pas dans la même cour, tu sais… » répondis-je doucement, résignée. « Il est l'héritier de la meute. Moi, je suis juste… une oméga. »
Le silence tomba dans la pièce, lourd, pesant. Il n'y avait rien de plus à dire. Ils savaient ce que cela signifiait dans notre monde, même si je pouvais lire dans leurs yeux qu'ils refusaient de l'accepter. C'était la première fois que je les voyais aussi silencieux, aussi désarmés.
Je pris une inspiration pour retrouver un peu de contenance avant de poursuivre.
— « Dans une semaine, je pars pour l'université. »
Stella me regarda, abasourdie, tandis que Miles secouait la tête, comme s'il refusait d'entendre ces mots.
— « Mais pourquoi ? Les vacances viennent tout juste de commencer, Ava ! L'université ne débute pas avant deux mois ! » s'exclama Stella, sa voix trahissant son incompréhension.
Un rire amer m'échappa. Cette situation n'avait rien de rationnel, et je savais que mes amis étaient tout aussi impuissants que moi face à cette réalité imposée.
— « Je n'ai pas le choix, Stella. Jace veut me voir partir le plus tôt possible. Il a inventé toute une histoire à son père et aux miens, prétendant qu'il y avait des cours cet été pour aider les étudiants les plus motivés à s'avancer… »
Miles serra les poings, son regard sombre et empli de rage.
— « C'est vraiment un cauchemar, » murmura-t-il, les yeux baissés.
— « Je sais… » murmurai-je, une tristesse résignée dans la voix. « Je n'ai jamais voulu que ça se termine ainsi. »
Le silence s'étira à nouveau entre nous, seulement brisé par ma respiration un peu tremblante. J'essayais de rester forte, mais la douleur de cette séparation forcée et l'incertitude de mon avenir me terrassaient. Mes amis restaient là, figés, aussi incapables que moi de trouver une solution. Nous savions tous que la volonté de Jace surpassait les nôtres et que, pour le moment, il avait gagné.
Je me redressai lentement, essuyant les larmes qui menaçaient de déborder, et forçai un sourire pour leur montrer que j'allais bien, même si je savais que personne dans cette pièce n'était dupe.
— « Bon, je vais rentrer. Mes parents doivent être inquiets, » dis-je en me levant, la voix légèrement tremblante malgré mes efforts.
Stella se leva à son tour, m'enveloppant dans une étreinte chaleureuse qui me fit un bien fou.
— « Tiens-nous au courant, d'accord ? » me chuchota-t-elle, ses yeux remplis d'un mélange de tristesse et de détermination. « On est là pour toi. Quoi qu'il arrive. »
— « Oui, et s'il te fait encore du mal, on trouvera une solution, » ajouta Miles, une lueur de défi dans le regard.
Je hochai la tête, reconnaissante d'avoir des amis comme eux. Des amis qui, malgré les risques, étaient prêts à tout pour moi. Nous nous disons au revoir en échangeant des sourires tristes, et je quittai la chambre, portant en moi un mélange d'appréhension et d'espoir.
Le trajet vers chez moi fut un long moment de silence où mes pensées tournaient en boucle. Je n'avais pas encore trouvé comment affronter ce futur incertain, mais les mots de Stella et de Miles résonnaient en moi, m'apportant une force nouvelle. Peut-être n'étais-je pas si seule, après tout.
Quand j'arrivai enfin à la maison, ma mère m'attendait, le visage marqué par l'inquiétude. Elle s'approcha et me prit dans ses bras, et je sentis ma gorge se serrer à nouveau, envahie par l'émotion.
— « Ava, ma chérie… » murmura-t-elle en caressant mes cheveux. « J'étais si inquiète… »
— « Je vais bien, maman, » répondis-je, même si je savais que ces mots n'étaient qu'à moitié vrais.
Elle me lâcha, son regard scrutant mon visage pour y lire la vérité.
— « Tu es sûre ? »
Je forçai un sourire, espérant la rassurer.
— « Oui. J'ai juste… eu besoin de parler avec Stella et Miles. »
Elle hocha la tête, comprenant l'importance de ces amitiés qui me soutenaient malgré tout. Mon père nous rejoignit, son regard empli de douceur et de tristesse mêlées. Il posa une main réconfortante sur mon épaule, et je sentis un semblant de paix m'envahir.
— « Nous sommes fiers de toi, tu sais ? » murmura-t-il. « Peu importe ce qui arrive, tu es notre fille, et rien ni personne ne changera cela. »
Ces mots furent comme un baume pour mon cœur meurtri, une promesse silencieuse que, quoi qu'il arrive, je ne serai jamais totalement seule. La peine était toujours là, tapie au fond de moi, mais elle semblait moins insurmontable, moins étouffante.
Cette nuit-là, allongée dans mon lit, je laissai mes pensées vagabonder, bercée par l'amour de mes parents et le soutien indéfectible de mes amis. La route serait longue et semée d'embûches, mais je décidai, malgré la douleur, de me battre. Pour moi, pour ceux que j'aime, et pour prouver que je n'étais pas simplement « l'ombre » de la meute.