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Chapter 2 - L'Héritage des Lignées Maudites

Depuis des siècles, les elfes avaient entretenu une méfiance presque viscérale envers les vampires. Ces créatures, immortelles par la corruption de la vie même, étaient tout ce que les elfes méprisaient. 

Le sang des elfes était pur, lié à la magie de la terre et des étoiles. Comment envisager une alliance avec des êtres aussi pervertis par leur propre quête d'immortalité ?

Elle prit une inspiration profonde et s'efforça de garder sa voix ferme.

« Une alliance ? » Sa voix, bien que calme, trahissait une pointe de dégoût. « Avec un vampire ? »

La silhouette sombre s'avança, sortant des ombres pour révéler ses traits. Son visage était aussi pâle que la lune, ses traits sévères et acérés comme sculptés dans le marbre. Ses cheveux noirs encadraient un regard glacé, des yeux où le rouge et l'or dansaient comme un feu éternel. 

Il n'était pas qu'un simple vampire.

« Kaelen Riv' Thevan, prince de Noxaris, » déclara-t-il d'une voix qui résonna dans l'air glacé du sanctuaire. 

Chaque mot vibrait d'une autorité incontestable, tranchant comme une lame.

Lyria sentit sa main se crisper davantage sur la garde de son épée. Chaque fibre de son être lui hurlait de se méfier, de se préparer à attaquer si nécessaire. Pourtant, quelque chose dans la posture du vampire, dans la manière implacable avec laquelle il la regardait, la retenait. Son instinct de guerrière l'avertissait, mais il y avait autre chose dans cet homme. 

Une détermination froide, une urgence dans ses yeux qui la troublait.

Mais elle ne pouvait pas lui accorder sa confiance. Pas encore.

« Princesse d'Eryndor, » continua Kaelen, ses yeux ne la quittant pas un instant, « je viens ici pour la même raison que toi. La survie. »

Ce mot résonna en elle comme un coup de tonnerre. La survie. Ce terme avait pris un sens si particulier ces dernières années, alors que son peuple glissait lentement vers l'oubli. 

Les elfes, jadis immortels dans leur grandeur, étaient désormais réduits à un vestige d'eux-mêmes. Mais comment une alliance avec un vampire pouvait-elle être la solution ? 

Tout en elle se révoltait contre cette idée.

Elle ouvrit la bouche pour protester, mais Galanor reprit la parole, brisant la tension.

« Nous sommes ici pour discuter d'une prophétie, » déclara-t-il, son ton empreint de gravité. 

« Une prophétie qui dépasse les querelles ancestrales entre nos deux peuples. »

Une prophétie...

Les elfes n'avaient plus prêté attention aux prophéties depuis des siècles. Jadis, elles avaient guidé leurs actions, mais avec le déclin de la magie, ces présages étaient devenus des légendes poussiéreuses, bonnes à raconter lors de longues nuits d'hiver. 

Une prophétie commune aux elfes et aux vampires ? Cela semblait impossible.

Galanor leva lentement la main vers le ciel, prononçant des mots dans la langue ancienne des elfes, une langue que seuls les plus sages pouvaient encore comprendre. 

Un grimoire de pierre, posé sur l'autel, se mit à vibrer faiblement. Ses pages jaunies par les âges s'ouvrirent, révélant des symboles gravés dans une langue oubliée.

Les runes gravées sur les pages du grimoire scintillaient faiblement sous la lumière des étoiles. Leur éclat semblait lutter contre l'ombre qui régnait autour d'eux, comme une étoile mourante s'accrochant à sa dernière lueur. 

Galanor tourna les pages avec une lenteur cérémonieuse, chaque geste empreint d'une révérence que Lyria n'avait plus observée depuis des décennies. Les symboles anciens, gravés dans la pierre du grimoire, dansaient sous ses yeux fatigués. 

Même pour elle, ces inscriptions étaient presque méconnaissables. 

La langue des Premiers Elfes, jadis maîtrisée par les plus grands érudits, s'était perdue avec les siècles. Elle ressentit un pincement de tristesse à l'idée que leur savoir, comme leur magie, s'éteignait.

« La prophétie est claire, » dit Galanor d'une voix plus forte, son ton solennel coupant le silence pesant. « Elle parle d'une union improbable entre nos deux peuples, unis non par choix, mais par nécessité. »

Il fit un geste vers les runes qui s'illuminaient faiblement, comme si elles cherchaient à capturer l'attention de Lyria, à imprimer leur vérité dans son esprit. 

Galanor tourna une page, pointant un passage où les symboles s'animaient presque d'eux-mêmes, réagissant à leur présence.

« Lorsque la terre sera stérile et que les étoiles pleureront des larmes de sang, un elfe et un vampire uniront leurs forces, » récita Galanor avec gravité. 

« Leur sang mêlé fera renaître les terres et restaurera l'équilibre des royaumes. De cette union naîtra un nouvel espoir. »

Lyria sentit ces paroles pénétrer son esprit comme une lame glacée. Une union ? Avec un vampire ? 

C'était inconcevable. 

Tout ce que son peuple avait défendu, tout ce qui faisait la noblesse des elfes, la pureté de leur lien avec la nature, semblait être piétiné par ces mots. 

Son instinct lui criait de rejeter cette prophétie. Comment une Valenor, portant la magie des anciens dans ses veines, pouvait-elle envisager de mêler son sang à celui d'une créature aussi éloignée de la lumière que les vampires ?

Elle détourna les yeux du grimoire, son esprit tourbillonnant dans un maelström d'émotions. Elle savait ce que ces mots impliquaient, mais son cœur se révoltait. 

Était-ce cela, son destin ? 

Sacrifier ce qu'il restait de sa lignée pour une prophétie obscure et incompréhensible ? 

Elle avait toujours cru que sa famille avait été la gardienne de la pureté elfique, l'incarnation même de la magie et de la nature. Comment pouvait-elle envisager de briser cette tradition sacrée ?

Son regard se porta de nouveau sur Kaelen, cherchant quelque chose dans ses yeux rouges, un signe, une faiblesse, une quelconque humanité. Mais ses traits restaient impassibles, aussi froids et inaccessibles que le marbre. Ce prince vampire ne semblait pas affecté par les implications de la prophétie, ou du moins, il le cachait avec une maîtrise troublante. 

Lyria sentit une pointe de colère monter en elle.

Pourquoi moi ? pensa-t-elle. Pourquoi devrais-je être celle qui porte ce fardeau ?

Elle murmura presque pour elle-même, sa voix brisée par le doute et la frustration. « Pourquoi devrais-je être celle qui accepte cette union ? Pourquoi mon sang ? »

Galanor, qui observait en silence, répondit enfin, sa voix basse et pleine de tristesse. « Parce que tu es la dernière des Valenor, Lyria. La dernière héritière d'une lignée qui a toujours protégé la magie et les terres d'Eryndor. C'est ton devoir. »

Ces mots se plantèrent en elle comme une flèche empoisonnée. Le dernier des Valenor. Ce titre, autrefois si glorieux, n'était désormais plus qu'un fardeau insupportable. 

Le poids des générations passées pesait sur ses épaules, et chaque pas qu'elle faisait la rapprochait d'un choix qui scellerait le destin de tout ce qu'elle avait jamais connu. Elle n'avait jamais cherché cette responsabilité. Son père l'avait souvent avertie que la couronne n'était pas un privilège, mais un sacrifice...Elle ne l'avait compris que trop tard.

Kaelen, toujours aussi impassible, prit enfin la parole, brisant le silence pesant qui s'était installé.

« Je comprends ce que tu ressens, princesse, » dit-il, sa voix basse et maîtrisée. 

« Mais crois-tu que cela soit plus facile pour moi ? Nous sommes ici parce que nos peuples sont au bord de l'extinction. Que cela nous plaise ou non, nous devons suivre cette voie, ou tout ce que nous sommes sera réduit à néant. »

Lyria le fixa avec un mélange de colère et de défiance. Que pouvait-il savoir de ce qu'elle ressentait ? 

Ce vampire, cette créature qui avait passé des siècles à survivre par des moyens obscurs, pouvait-il vraiment comprendre le poids de la couronne qu'elle portait ? 

Il n'avait jamais ressenti ce lien sacré avec la terre, ce lien qui mourait sous ses pieds.

« Tu parles de sacrifice comme si cela t'était égal, » rétorqua-t-elle, sa voix tremblant légèrement. 

« Mais tu n'as aucune idée de ce que cela représente pour moi. Je dois sacrifier non seulement mes croyances, mais aussi l'honneur de ma lignée, la pureté de notre sang. Tout ce que mon peuple a protégé pendant des siècles ! »

Pour la première fois, Kaelen sembla hésiter. Un léger froncement de sourcils troubla l'impassibilité de son visage. Il la fixa un instant, puis répondit d'une voix plus grave, presque dure.

« Ne crois pas que je sois indifférent à cela, » dit-il enfin. 

« Moi aussi, je dois renoncer à quelque chose. La fierté de ma lignée, la méfiance de mon peuple envers les tiens... tout cela devra être mis de côté pour cette alliance. Si cela ne tenait qu'à moi, crois-moi, je préférerais te voir en tant qu'ennemie sur un champ de bataille. Mais ce n'est pas une question de préférence. C'est une question de survie. »

Ces mots résonnèrent en elle, frappant plus fort cette fois. 

La survie. 

Il n'y avait pas d'échappatoire. Les elfes étaient sur le point de disparaître, tout comme les vampires. 

Leur haine ancestrale, aussi légitime qu'elle puisse être, n'avait plus d'importance face à l'immensité de la menace qui pesait sur eux.

Lyria ouvrit la bouche pour répondre, mais un craquement soudain brisa l'instant. Un bruit sec, sinistre, provenant des profondeurs de la forêt. 

Elle se figea, et le regard de Kaelen se porta immédiatement vers l'obscurité entre les arbres. Le vent, qui s'était calmé un instant, se leva à nouveau, charriant des sons menaçants à travers la clairière.

« Qu'est-ce que c'était ? » murmura Lyria, le cœur battant.

Galanor leva la tête, ses yeux plissés scrutant les ténèbres. « Ils arrivent. »

Le vieux mage sembla soudain plus fragile alors qu'il prononçait ces mots. Ses mains tremblantes se levèrent lentement, formant des gestes rituels, invoquant des sorts de protection que Lyria reconnaissait à peine. Un bouclier lumineux, pâle et vacillant, enveloppa le sanctuaire. Mais elle sentait que cette barrière était mince, fragile. 

La magie, même celle des plus sages, n'était plus ce qu'elle avait été autrefois.

Lyria saisit la garde de son épée, et dans un mouvement fluide, la dégaina. Le métal elfique scintilla faiblement sous la lumière des étoiles. 

À ses côtés, Kaelen dégaina une lame effilée, aussi noire que la nuit. Ses mouvements étaient rapides, précis, comme ceux d'un prédateur prêt à bondir. 

Il semblait en alerte, chaque fibre de son être tendue, à l'écoute du moindre bruit.