Elena se réveilla le lendemain matin bien avant l'aube, le cœur battant, une angoisse glaciale serrant sa poitrine. Ses mains étaient moites, et elle sentit son estomac se tordre douloureusement alors qu'elle reprenait pleinement conscience de l'endroit où elle se trouvait. Elle avait à peine dormi, ses pensées tourbillonnant sans répit toute la nuit. À chaque fois qu'elle fermait les yeux, les visages de sa famille et de ses amis surgissaient, projetant des flashs de vie qu'elle semblait déjà avoir perdue. Elle se redressa, tirant la couverture jusqu'à son menton, s'accrochant à cette simple barrière comme à une ancre. "Je suis vraiment ici. Ce n'est pas un cauchemar."Elle se sentait piégée. Tout ce qu'elle connaissait, tout ce qui faisait sa normalité, lui semblait si loin, presque irréel à présent. La veille, elle avait sérieusement envisagé de fuir. "Et j'ai échoué..." pensa-t-elle, l'estomac noué. "Dimitri m'a trouvée en quelques minutes à peine." Elle n'avait même pas réussi à quitter la cour du bâtiment. Tout cela la dépassait, et l'idée d'être emmenée dans cette école magique, dans un monde qu'elle ne comprenait pas, l'effrayait profondément.Elle se leva doucement et jeta un coup d'œil par la fenêtre, elle sentit un courant d'air glacial frôler son visage. La nuit s'estompait à peine, le ciel encore bleu sombre et lourd, teinté d'une pâleur inquiétante qui annonçait l'aube. À travers la vitre, elle aperçut la cour pavée du ministère, froide et austère, baignée dans une lueur grisâtre. Les pavés, usés et polis par le temps, formaient un motif géométrique presque hypnotisant, comme si même la cour elle-même était conçue pour imposer de l'ordre et de la rigueur.Au centre de cet espace, un petit bassin d'eau noire et immobile trônait, reflétant faiblement la pâle lumière du ciel. Il semblait plus un symbole qu'un élément décoratif, une ombre liquide au cœur de cette cour froide et immuable. De rares lanternes accrochées aux murs projetaient des halos tremblants sur les pierres, amplifiant la sensation d'isolement. Les murs du ministère, hauts et impassibles, se dressaient autour de la cour, enfermant l'espace comme les parois d'une cage.Elle inspira profondément, essayant d'atténuer le sentiment oppressant qui grandissait en elle. "Si seulement je pouvais dire non... juste cette fois." Elle savait pourtant que ce n'était qu'une illusion : le choix ne lui appartenait plus. Plus elle en apprenait sur ce monde, plus elle sentait que les règles étaient inflexibles, qu'elle était prise dans un filet invisible dont elle ne pourrait s'échapper.Quelques statues anciennes, aux traits érodés par les âges, montaient la garde, figées dans des postures solennelles. Leurs visages, à moitié effacés par le temps, semblaient observer Elena avec une intensité silencieuse, ajoutant au poids oppressant de l'endroit. Aucun bruit ne venait troubler le silence, pas même le chant d'un oiseau ou le murmure du vent. C'était comme si ce lieu rejetait toute vie, absorbant jusqu'au moindre souffle dans une immobilité implacable.Elle songea aux premiers rayons du soleil filtrant par la fenêtre de sa chambre chez ses parents, perçant les rideaux et dessinant des motifs lumineux sur son lit et inondant son espace de chaleur. Elle pouvait presque sentir le parfum du café et de la tarte l'attendant pour le petit déjeuner. Maintenant, tout lui semblait gris, froid, étranger. Ici, seule la lumière froide et impersonnelle de l'aube se déversait dans la cour, comme si le lieu même rejetait toute trace de vie. Elle sentit un frisson lui parcourir le dos. Tout dans cette cour semblait vouloir lui rappeler qu'elle n'appartenait pas à ce monde, qu'elle était ici comme une étrangère. "Si je dis que je ne veux pas y aller ?" pensa-t-elle, un instant désespérée. Ils n'allaient pas la laisser partir. Elle sentit un frisson lui parcourir le dos. "Je suis vraiment piégée."Un bruit à la porte la sortit de ses pensées. Seraphina entra doucement, ses ailes translucides flottant délicatement derrière elle. La fée semblait à la fois paisible et sérieuse, une combinaison qui mettait toujours Elena mal à l'aise. Seraphina lui adressa un sourire rassurant.— Il est temps, Elena, murmura-t-elle doucement. Nous devons partir pour Aldaria.Elena sentit son cœur se serrer à l'idée. Partir. Pour de bon cette fois. Elle fixait la fenêtre, ses pensées tournoyant dans sa tête comme un nuage sombre et dense, lorsqu'un bruit dans le couloir interrompit son élan. Un bruit dans le couloir fit bondir son cœur. Elle tourna la tête et vit la porte s'ouvrir doucement, révélant la silhouette imposante de Dimitri. Lorsqu'il entra, sa présence sembla aspirer tout l'air de la pièce, la laissant oppressée. Elena sentit immédiatement son estomac se tordre davantage. "Pourquoi est-il ici ?" Elle se redressa instinctivement, sentant la gravité de sa présence. Sa démarche calme et mesurée la perturbait, les mains dans les poches, son visage impassible projetant une sérénité troublante qui semblait contraster avec la tension palpable dans la pièce.Il jeta un coup d'œil rapide à Seraphina avant de poser les yeux sur Elena, un regard perçant qui la fit frissonner. Elle se sentait soudain observée, exposée, comme si Dimitri pouvait lire à travers elle chaque pensée, chaque émotion. Un murmure de panique monta en elle alors qu'elle réalisait qu'avec lui là, chaque échappatoire devenait un rêve lointain.— Je vous accompagnerai aujourd'hui, déclara-t-il d'un ton neutre, comme s'il annonçait une formalité.Elena sentit sa gorge se nouer. Elle avait espéré, même vaguement, que Seraphina serait seule à l'emmener. La fée avait au moins une douceur qui l'apaisait un peu, mais la présence de Dimitri la ramenait brutalement à la réalité. Il n'y avait pas d'échappatoire avec lui là. Pas de fausse sécurité.Elle osa croiser son regard, cherchant à comprendre ses intentions, mais ses yeux gris restaient insondables. Pourtant, elle y perçut une lueur fugace, un éclat de quelque chose qui la troubla. Une peine ? Une mélancolie ? Elle n'en était pas sûre, mais cela ne la rassurait en rien. Dimitri semblait, lui aussi, réfléchir à ce qu'il voyait en elle, comme s'il percevait chaque recoin de sa peur. Elle s'efforça de garder un ton ferme malgré le tremblement dans sa voix.— Pourquoi ? Pourquoi viens-tu ?Dimitri s'approcha un peu plus, son ombre sembla dévorer l'espace autour d'eux. Elena sentit sa peau frémir sous son regard, comme si sa présence seule intensifiait le poids qui écrasait sa poitrine. Il resta silencieux un instant, un éclat réfléchi dans ses yeux gris, comme s'il pesait chaque mot qu'il s'apprêtait à prononcer.— Il est important que tout se passe bien pour ton arrivée à Aldaria, répondit-il finalement, sa voix calme et mesurée. Il y a des formalités que je dois superviser... et je veux m'assurer qu'aucun obstacle ne vienne compliquer les choses.Il disait cela avec calme, mais Elena n'était pas dupe. "Il ne me fait pas confiance. Il sait que je veux encore fuir."Elle baissa les yeux, sentant la panique monter de nouveau. "Je dois trouver un moyen de m'échapper avant d'arriver là-bas. Une fois à Aldaria, il sera peut-être trop tard." Elle n'avait pas encore de plan, mais elle devait rester sur ses gardes, surveiller la moindre ouverture. Si elle pouvait trouver un moment où Dimitri était distrait, ou si Seraphina lui donnait une chance de s'éloigner... mais même cela semblait de plus en plus improbable.— Très bien, murmura-t-elle, résignée pour l'instant. Seraphina la regarda avec bienveillance, comme si elle sentait ses craintes mais n'en disait rien. Elena prit une profonde inspiration et hocha la tête, comme pour se convaincre qu'elle était prête. "Je vais trouver une solution. Il le faut."Dimitri la dévisageait toujours. Son visage était impassible, mais ses yeux exprimaient quelque chose de plus profond, elle capta un éclat fugace dans ses yeux, presque comme une peine contenue. "Il sait ce que je ressens, réalisa-t-elle, troublée. Il a déjà vu des gens dans ma situation. Il sait que j'ai peur." Était-ce une marque de compassion ou une autre ruse pour la contrôler ?— Nous partons dans une demi-heure, déclara Dimitri avant de se détourner et de sortir de la pièce.Lorsqu'il eut quitté la pièce, Elena laissa échapper un souffle tremblant qu'elle ne savait pas avoir retenu. Le tic-tac de l'horloge résonnait dans son esprit, chaque seconde amplifiant le martèlement dans sa poitrine. "Une demi-heure", pensa-t-elle, le cœur au bord des lèvres. Le compte à rebours avait commencé, et avec lui, la sensation d'urgence qui tambourinait à ses tempes. Le temps semblait devenir son ennemi.