Après la longue visite d'Aldaria, Elena se retrouva seule avec Seraphina dans ce qui serait sa chambre pour les années à venir. La pièce, bien que spacieuse et décorée avec un style féerique, semblait l'étouffer. Assises sur le grand lit aux draps d'un blanc éclatant, Seraphina continuait de parler, lui racontant des anecdotes sur l'école, ses propres aventures en tant qu'étudiante de dernière année, et les différents types d'élèves qu'elles rencontreraient. Elle semblait excitée à l'idée qu'Elena commence cette nouvelle vie, inconsciente du chaos qui régnait dans l'esprit de sa nouvelle protégée.Elena, quant à elle, avait du mal à se concentrer sur ce que disait Seraphina. Une sourde inquiétude montait en elle, exacerbée par une présence qu'elle ne voyait pas, mais qu'elle sentait. Quelque chose n'allait pas.Dimitri était parti sans un mot. Après son rendez-vous avec la directrice, il n'était même pas revenu la voir, comme si la situation ne le concernait plus. Ce comportement, froid et distant, la laissait avec un sentiment de vulnérabilité encore plus grand. Elena ne pouvait s'empêcher de ressentir un vide oppressant à la pensée que Dimitri soit parti sans un mot, sans un dernier regard. Elle aurait espéré — même sans trop savoir pourquoi — qu'il revienne la voir, qu'il dise quelque chose pour apaiser l'angoisse qui la rongeait depuis son arrivée. Au fond, elle avait compté sur sa présence, sur ce semblant de lien, si ténu soit-il, qui semblait la rattacher à quelque chose de familier dans ce monde inconnu.La froideur de son départ sans explication la frappait, comme un abandon implicite. Elle se sentait terriblement naïve d'avoir espéré autre chose, d'avoir vu dans son comportement distant une once de bienveillance.Sans qu'elle puisse le contrôler, une vague de déception s'empara d'elle. La façon dont il avait posé sa main sur son front pour apaiser la voix dans sa tête, le regard perçant qu'il avait eu lorsqu'il lui avait dit qu'elle n'était pas seule... Tout cela lui semblait maintenant creux, vidé de sens. Puis il y avait cet enseignant, Aerendyl, avec son regard perçant. Pourquoi avait-elle l'impression que ses yeux la suivaient partout, même quand il n'était pas là ?Et, comme pour couronner le tout, la voix dans sa tête était revenue, plus cynique et moqueuse que jamais.— Ah, voilà notre chère prisonnière dans sa nouvelle cellule. Ça te plaît ? murmura-t-il avec une pointe d'humour noir.Elena se raidit légèrement, essayant de ne pas réagir. Elle ne voulait pas alarmer Seraphina, qui semblait vraiment enthousiaste pour elle. Mais la voix poursuivait :— Dimitri, ce grand héros, t'a déjà abandonnée. Charmant, n'est-ce pas ? Il te voit juste comme un autre dossier à classer. Et cette école... Tu as remarqué à quel point ils ont l'air parfaits, ici ? Ce n'est pas normal, pas du tout.Elena tentait d'ignorer la voix, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir un certain malaise. Cela se transformait peu à peu en colère. Pourquoi se sentait-elle si affectée ? Pourquoi comptait-elle, même inconsciemment, sur quelqu'un qui semblait déterminé à garder ses distances ? Elle serra les poings, s'efforçant de réprimer ce mélange de frustration et de tristesse. Dimitri l'avait introduite dans ce monde sans lui donner les moyens de le comprendre, et maintenant, il la laissait affronter seule les regards méfiants des élèves, la voix qui la hantait, et cette école qui l'intimidait bien plus qu'elle ne l'aurait cru. — Elena, tu m'écoutes ? lança soudain Seraphina, interrompant ses pensées.— Oh, pardon, j'étais... ailleurs, répondit Elena avec un sourire forcé.Seraphina rit doucement et lui tapota la main.— Ne t'inquiète pas, c'est beaucoup à digérer. On va aller au secrétariat pour que tu récupères ta liste de cours et ton emploi du temps, ça va t'aider à te sentir plus à l'aise.Le chemin jusqu'au secrétariat se fit dans un calme relatif. Seraphina continuait de parler, pleine d'entrain, tandis qu'Elena l'écoutait distraitement, essayant de repousser la sensation d'être observée. La voix dans sa tête la laissait tranquille, mais elle savait qu'elle reviendrait, comme une ombre insidieuse.Arrivées au secrétariat, une fée au visage sévère leur tendit quelques papiers. Elena jeta un coup d'œil à sa liste de cours : elle n'en avait que très peu pour commencer. N'étant pas encore classée dans une spécialité, et n'ayant aucune idée de ses pouvoirs, elle devait débuter avec des matières basiques et générales. Cela la rassura un peu. Ses journées seraient peu remplies au début, et elle aurait le temps de s'adapter... du moins, c'était ce qu'elle espérait.— Ne t'en fais pas, dit Seraphina en lui souriant. Au début, c'est normal d'avoir moins de cours. Tu n'as même pas encore découvert tes pouvoirs ! Mais en attendant, je te conseille d'aller observer certains cours pour comprendre comment tout fonctionne ici. Je pourrai t'accompagner.Elena hocha la tête, tentant de sourire. Elle avait du mal à croire qu'elle se trouverait un jour à l'aise dans un tel endroit.— Tu ne fais pas partie des leurs, tu n'es pas née dans ce monde. Jamais tu ne te sentiras chez toi ici, lui assura la voix, rauque, lente, mauvaise.Après avoir récupéré les papiers nécessaires, elles se dirigèrent vers le réfectoire pour le premier déjeuner d'Elena à Aldaria. Le chemin les conduisit à travers d'autres corridors, tout aussi impressionnants que ceux qu'elles avaient déjà visités. La salle à mangé, immense, ressemblait à une salle de banquet royale. De longues tables s'étendaient sous un plafond enchanté qui reflétait un ciel ensoleillé, bien que dehors le temps soit gris et menaçant. Des élèves de toutes sortes y étaient déjà installés, des fées, des elfes, des métamorphes, tous parfaitement à l'aise dans cet environnement.Les regards des autres élèves étaient comme des lames invisibles, tranchants, insidieux, et omniprésents. Alors qu'Elena et Seraphina s'installaient au réfectoire, une vague de murmures parcourut la salle, s'élevant puis redescendant comme un souffle collectif. Chaque étudiant semblait suspendre ses propres conversations, tous happés par la présence de l'humaine au milieu d'eux, quelque chose de si rare que les mots ne suffisaient pas. Elena se sentait de plus en plus étrangère à ce monde. Elle regardait autour d'elle, tentant d'appréhender la diversité des êtres magiques présents. Les fées, perchées avec grâce aux bords des longues tables, tournaient leurs regards brillants vers Elena, leurs yeux scintillant d'une curiosité à la fois légère et méfiante. De jeunes métamorphes, dont certains à moitié transformés, restaient figés, mi-animaux, mi-humains, l'observant d'un œil perçant, comme si elle représentait une énigme qu'ils n'avaient encore jamais croisée.Des elfes, aux visages fins et expressifs, chuchotaient discrètement entre eux, leurs yeux perçants passant de Seraphina à Elena, des sourires subtils ou des froncements de sourcils glissant sur leurs visages. Personne n'osait s'approcher, mais tous restaient attentifs, analysant chaque mouvement d'Elena avec une minutie troublante. Leurs regards semblaient transpercer les murs de la réserve et du calme que Seraphina tentait de lui inspirer.Ses yeux glissèrent involontairement vers une porte au fond de la pièce, se demandant s'il y avait un moyen de s'échapper. Mais c'était une idée folle. Où pourrait-elle aller ?— Tu pourrais essayer de fuir maintenant, ricana la voix dans sa tête, ressurgissant soudainement. Mais tu sais bien que ça ne marcherait pas. Ils te retrouveraient en un instant. Tu n'as aucun pouvoir, tu n'es rien ici.Elena inspira profondément, essayant de ne pas céder à l'angoisse qui montait en elle.Les murmures devenaient des échos lancinants, amplifiés par l'acoustique magique de la salle, se répercutant sur les murs et le plafond enchanté. Certains étudiants se penchaient vers leurs amis pour chuchoter, sans cesser de la fixer, comme pour se rassurer en se disant qu'ils n'étaient pas seuls à la trouver étrangère.Elena sentait la pression de ces regards comme une couverture lourde et inconfortable. Elle ne parvenait plus à savourer quoi que ce soit, ni même à inspirer librement. Le poids de cette curiosité, de cette méfiance, semblait croître à mesure que les minutes passaient, et aucun murmure, aucun regard ne semblait lui offrir la moindre échappatoire.Parfois, elle levait les yeux pour croiser brièvement le regard de l'un de ces élèves. Ils détournaient vite la tête, mais l'éclat de leurs yeux restait gravé dans son esprit, comme un rappel cruel de sa différence et de son étrangeté en ces lieux. Ils savaient tous qu'elle n'était pas comme eux, qu'elle n'était pas une simple nouvelle élève.— Ça va ? demanda doucement Seraphina, remarquant son trouble.— Oui, ça va... Je pense juste que ça fait beaucoup d'un coup, répondit Elena, tentant de masquer sa peur.Seraphina acquiesça, compréhensive.— Je sais, mais tu verras, ça ira mieux. On va prendre les choses petit à petit, ils sont juste curieux, étonnés peut-être, mais la plupart sont plutôt sympas. Comme partout, je pense qu'il y a des personnes meilleures et des moins bons, mais rien de bien méchant, ne t'inquiète pas trop.Elena hocha la tête bien qu'au fond d'elle, elle n'en était pas si sûre. Elle sentait que quelque chose de plus sombre l'attendait, quelque chose qui n'avait rien à voir avec cette école en apparence idyllique.