"Vous pouvez voir le chef du village maintenant,"
Ces mots furent un immense soulagement pour Islinda qui tapait du pied impatiemment contre le sol. Elle était tellement nerveuse et voulait en finir au plus vite.
Islinda se leva du banc, entraînant Eli debout avec elle et lui adressa un sourire doux en voyant les questions sur son visage. C'était un enfant calme mais observateur, et Islinda était extrêmement reconnaissante de ne pas avoir à gérer de crises enfantines parce qu'elle était épuisée.
Elle lui dit, "Tu n'as pas à avoir peur, Eli. Nous sommes dans la maison de notre chef du village et il va nous aider à trouver ta mère, d'accord ?"
Le garçon hocha la tête en signe d'acceptation, et Islinda était tellement émerveillée par son obéissance qu'elle ne put s'empêcher de tendre la main, tentant de lui ébouriffer les cheveux de manière enjouée, mais son regard froid la transperça et elle s'arrêta net, la main suspendue en l'air.
Qu'était-ce que cela ? Son cœur ne put s'empêcher de manquer un battement et ce n'était pas de l'excitation mais de la peur. Eli n'était qu'un enfant, mais son regard perçant lui donnait presque une crise cardiaque. Les poils de ses bras se hérissaient et elle pouvait encore ressentir le froid. Le doute s'installa et Islinda commença à se demander si elle n'avait pas fait une erreur fatale. Et si c'était un ….
Cependant, avant qu'Islinda ne puisse confirmer son soupçon, Eli la surprit en prenant sa main qui était restée en suspens dans les airs, et commença à la frotter contre ses cheveux soyeux et noirs. Ses sourcils se levèrent, de la confusion se lisant sur son visage devant ce geste.
"Tu peux me caresser autant que tu veux, grande sœur," Il sourit largement, avec innocence, et Islinda en oublia son soupçon.
Peut-être avait-elle mal interprété la situation. Mais Islinda savait clairement ce qu'elle avait vu, et cela restait comme un sentiment lancinant au fond de son esprit. Peut-être n'était-il pas à l'aise avec le fait que des gens le touchent et cela l'avait surpris, Islinda se chercha des excuses.
Qui sait ? Islinda aurait pu connaître la vérité à ce moment-là, cependant, son cœur humain simple et bienveillant ne voulait pas accepter que le doux enfant potelé qu'elle avait trouvé était un Fae rusé.
Eli tenait fermement sa main et elle abaissa le regard vers celle-ci, le geste faisant fondre son cœur. Elle dit, "Allons-y."
Ensemble, ils furent conduits dans le bureau du chef du village. Le chef du village était un vieil homme dans la soixantaine tardive aux cheveux gris foncé et aux yeux verts qui avaient été plus brillants dans sa jeunesse. Cependant, il était assez fort pour diriger leur petit village. Tandis qu'Islinda était occupée à détailler les traits de l'homme, le jeune garçon à ses côtés évaluait prudemment leur environnement.
"Islinda, qu'est-ce qui t'amène ici ? Ta belle-mère s'est disputée avec des villageois à nouveau ?" L'homme âgé demanda depuis son bureau, sans avoir remarqué le jeune garçon. Et oui, sa famille était connue pour des raisons évidemment "grandioses".
"Non, ce n'est pas ça…." Elle tira Eli devant elle et le vieil homme put le voir.
"À qui est cet enfant ? Je ne me souviens pas que tu aies été enceinte, même si je ne serais pas surpris qu'un de tes frères ou sœurs ait secrètement élevé un enfant."
Islinda rougit, se grattant l'arrière de la tête avec embarras. Oui, être embarrassée par sa famille était un euphémisme, et pourtant elle était malheureusement coincée avec eux.
"Non, je l'ai trouvé." Elle répondit, espérant en finir le plus vite possible.
Le chef du village lui demanda, "Tu l'as trouvé ?" Il fixa maintenant Eli, le scrutant intensément, "Où l'as-tu trouvé ?"
À cette question, Islinda regarda le garçon incertaine. Il n'avait pas besoin d'entendre cet aspect de leur conversation, mais elle ne pouvait pas non plus le laisser seul. Appelons ça l'instinct, mais quelque chose lui disait qu'Eli disparaîtrait à l'instant où elle détacherait son regard de lui.
"Sa mère l'a laissé dans les bois, tout près du Séparateur," Elle choisit le mot "laisser" à la place de "abandonner", s'assurant que le chef comprenne le message.
L'homme se raidit, ses yeux s'écarquillèrent légèrement avant qu'une expression d'inquiétude ne prenne le dessus sur ses traits. Les villageois détestaient le mot "Séparateur" sachant que le mur n'était qu'un pont de leur monde vers le monde des créatures qui avaient autrefois ravagé leurs terres.
Le chef poussa un profond soupir, "Je vais devoir demander autour de moi et consulter les villages voisins à propos d'un enfant disparu. Cela aiderait s'il pouvait fournir une description ou des informations sur sa mère, mais il se fait tard et je crois que l'enfant doit être épuisé."
Comme pour répondre, Eli tituba et Islinda le rattrapa instinctivement, une peur s'emparant de son corps. La culpabilité la rongeait, le garçon devait être fatigué après cette randonnée à travers les bois - même si techniquement c'est elle qui l'avait porté ici - il avait dû errer dans les bois à la recherche de sa mère et devait avoir faim.
Elle se tourna pour demander au chef, "Est-ce possible pour vous de le prendre pour la nuit ? Je ne peux pas l'emmener chez moi -"
Eli la coupa, enroulant sa taille autour de la sienne. Il geignit, "Non, grande sœur. Je veux aller avec toi."
Pour un enfant, sa prise était une forte emprise et Islinda ne pouvait pas s'en libérer même si elle avait essayé.
"Eli, tu ne comprends pas. Je ne peux pas t'emmener chez moi -"
"Non, grande sœur. S'il te plaît, ne me laisse pas comme ma mère aussi. Je veux rester avec toi. Ne me laisse pas non plus."
Son cœur se serra à ces mots, ressentant les peurs d'Eli alors que les larmes coulaient sur son beau visage et sa résolution s'écroula. Elle ne pouvait pas faire ça. Islinda ne pouvait pas le laisser seul.
"D'accord, tu viendras avec moi." Elle n'avait d'autre choix que de céder, incapable de le supporter le cœur brisé, "Tu viendras avec moi." Elle s'accroupit et l'enveloppa fermement dans son étreinte chaleureuse.
Ainsi, tandis qu'Islinda se demandait comment elle allait affronter sa famille avec un jeune enfant, Eli pensait,
'Mission accomplie. '