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Chapter 2 - Plongée dans l'Abysse

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"Rêves-tu du monde extérieur ?"

C'était une phrase qu'Alice n'imaginait jamais entendre après tout ce temps. Des mots de tentation lui donnant espoir. Un espoir qui la pousserait pour finalement désespérer de sa captivité.

Serrant les poings, elle se demandait quel pourrait être le prix d'une telle idée. Le prix de la liberté qu'elle désirait tant depuis si longtemps.

"Donc…" demanda-t-il. "Veux-tu quitter cet enfer, et l'échanger pour un autre ?"

Elle hocha la tête. Car quel enfer pouvait être pire que celui qu'elle avait vécu ces dix dernières années ?

Ce pendant, l'homme vêtu de noir la regardait patiemment. Il pouvait voir le feu dans ses yeux, brûlant à l'idée de s'échapper. Pourtant, son visage ne révélait aucune émotion. Pour la fille devant lui, ses yeux étaient véritablement la fenêtre de son âme.

"Ou préférerais-tu rester enfermée dans cette chambre ?" ajouta-t-il, cherchant à la stimuler.

Il y avait en elle quelque chose qui lui rappelait le passé. Le souvenir d'une femme intrépide qu'il avait jadis connue.

Il pouvait voir la même détermination en elle que chez cette femme.

Réalisant que son espoir était sur le point de s'éteindre, Alice tendit la main dans un mouvement de panique. S'accrochant à ses manches, elle mordit sa lèvre avant d'ouvrir la bouche.

"Je ne veux pas rester… s'il te plaît." Elle articula avec difficulté. "Mais… je sais… un prix doit être payé. "

Elle voulait mieux transmettre ses pensées mais il y avait une limite à ce qu'elle pouvait dire. Alice n'était pas autorisée à interagir avec quiconque à part ceux qui la déchiraient, ainsi elle avait du mal à formuler les bons mots pour exprimer correctement ses pensées.

Clignant des yeux, perplexe, l'homme était à court de mots. La jeune dame en face de lui semblait être au début de l'âge adulte. Mais sa manière de parler était grossièrement assemblée. Un décalage de ton.

Il pouvait dire combien elle essayait de transmettre ses pensées mais manquait des mots pour le faire. Son regard désespéré espérant qu'il comprenne ce à quoi elle pensait.

Accroupi, l'homme poussa un long soupir avant de lever la main.

Croyant qu'il allait la frapper puisqu'elle s'était accrochée à lui, Alice recula. Elle ne voulait pas offenser son potentiel sauveur si elle pouvait l'éviter.

"???"

"J'allais juste te caresser la tête mais je suppose que ce n'est peut-être pas la bonne approche." L'homme haussa un sourcil.

"Mais, ce n'est pas grave. Il y a une vieille promesse que j'ai faite à quelqu'un. C'est très ennuyeux, d'ailleurs. Donc, j'espère que quelqu'un d'autre pourra m'aider à la réaliser. Je veux que tu sois celle-là. En échange, je t'offrirai une sortie d'ici. Mais ce ne sera pas facile."

Alice hocha la tête sans réfléchir à deux fois. Elle avait retenu l'idée de vengeance pendant de longues années. Elle n'allait pas abandonner si facilement.

L'homme sourit.

"Très bien. Ma requête est que je veux que tu survives dans l'Abysse. Voyage plus loin que quiconque a voyagé, découvre la vérité à travers la boue et le sang. C'est dans l'Abysse que tu m'aideras à réaliser ma promesse. C'est aussi dans l'Abysse que tu trouveras ce que tu cherches. Que ce soit la vengeance ou une nouvelle vie." dit-il.

Ses paroles l'arrêtèrent un instant avant qu'elle ne hoche de nouveau la tête. Elle ne comprenait pas tout à fait les conséquences de son accord avec ce marché, mais cela n'avait pas d'importance pour elle.

Elle pouvait presque le goûter. La liberté.

"Maintenant, pour m'assurer que tu respectes ta part du marché, j'ai besoin d'une chose de plus."

Alice le fixa, les yeux emplis de confusion. Avant qu'elle ne puisse demander quoi, l'homme agit.

"Le prix final, c'est que j'ai besoin d'un œil." Il sourit d'une manière menaçante.

Depuis les ombres, une griffe s'avança avant qu'Alice ne puisse réagir et s'empara de son œil droit. En un mouvement rapide, elle arracha son globe oculaire.

La douleur fut une surprise pour elle car elle n'attendait pas l'attaque soudaine, cela la fit sursauter de panique. Elle ne hurla pas, cependant. Des griffes saisirent ses chevilles et commencèrent à la tirer vers le bas tandis que l'homme se gausait de la scène.

"Quand tu arriveras dans l'Abysse, cherche une femme appelée Allura, elle sera ta lumière guide. Connaissant ce qu'elle est, elle te gardera en sécurité."

Et en cet instant, la lumière disparut du monde d'Alice. Les ombres la consumèrent, ne laissant derrière elle que le collier mutilé qui lui avait volé sa liberté pendant toutes ces années.

Se tenant seul dans la pièce, l'homme inclina la tête en arrière et soupira. Des souvenirs doux-amers d'une époque depuis longtemps révolue inondèrent son esprit alors qu'il secouait la tête.

"J'ai donné à la fille l'Œil, ce qui permettra à Allura de la trouver." Sourit-il.

En sortant de la pièce, l'homme se trouva dans un couloir jonché de vêtements déchirés et de sang. Des lumières rouges vives clignotaient sans cesse dans les couloirs. Tout résultat de ses propres actes.

"On se retrouvera une fois que tu te seras fait une place dans l'Abysse. Je me demande comment Allura réagira en me voyant." murmura-t-il sur un ton joyeux avant de disparaître de l'endroit où il se tenait.

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Tomber dans les ténèbres, Alice avait l'impression de sombrer à travers l'océan.

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Ses membres lui semblaient liés et impossibles à bouger, écrasés par la pression qui l'entourait.

Pas de vue, pas de son, pas de sensation. Elle ne ressentait rien.

C'était étrange, de dériver sans but dans l'obscurité. Mais cela avait un effet étrangement apaisant sur elle. Ça lui donnait un moment pour digérer ce qui venait de se passer.

Elle ne savait pas si elle rêvait encore, si c'était juste un tour joué par son esprit pour échapper à la cruelle réalité de sa situation. Un plongeon dans la folie.

Mais si ce n'était pas un rêve, son cœur brûlait de l'envie de vivre. Son âme voulait se délecter de la haine dévorante cachée au fond du cœur d'Alice pour sa famille. Sa liberté était une opportunité en or, une qu'elle ne laisserait pas échapper quoi qu'il arrive.

Avec détermination traversant son esprit, Alice ouvrit brusquement les yeux dans l'obscurité, le regard fixe et concentré.

Tendant la main, elle griffa la boue qui l'entourait. L'obscurité visqueuse et épaisse lui frayait un chemin vers la surface tandis qu'un faible lueur de lumière parvenait à percer les couches d'ombres.

Avec la sortie à présent en vue et sa liberté à portée de main, elle grimpa avec une passion revigorée. Sa main éclata la surface de l'obscurité avec un grand éclaboussement. Attrapant l'objet le plus proche qu'elle put trouver, Alice hissa son corps hors des eaux visqueuses.

Lorsque sa tête jaillit de la surface, elle aspira une bouffée d'air, remplissant ses poumons tandis que l'énergie revenait dans son corps.

La nausée brûlait son esprit, mais elle se força à atteindre la terre ferme d'abord. Elle aurait tout le temps de succomber à la fatigue une fois qu'elle ne risquerait plus de se noyer dans les eaux profondes.

Le liquide étrange adhérait à elle comme de la colle et obscurcissait sa vision. Tout ce qu'Alice pouvait distinguer était un drôle de corps de sable. Il était illuminé d'une double teinte argent et pourpre, contrairement à l'or radieux que prend habituellement le sable.

Ignorant l'anomalie, elle se dirigea vers le bord avant de s'effondrer sur le sable. Regardant vers le ciel, elle ouvrit les yeux espérant voir le ciel bleu clair et les nuages passants de ses rêves, pour raviver le dernier vestige de sa raison et célébrer un retour à la liberté. Mais tout ce qu'elle pouvait voir était une étrange lune pourpre entourée de nuages noirs.

Pourtant, elle était libre de sa prison. Se dorant dans son évasion nouvellement trouvée de la captivité, la lumière de l'espoir revint dans ses yeux mais son expression restait de marbre.

C'était une habitude qu'elle avait développée, pour s'assurer qu'ils ne puissent pas se réjouir en la voyant souffrir. Même lorsqu'ils lui arrachaient la poitrine, son expression ne changeait pas.

'Où suis-je ?' Se demanda-t-elle.

L'homme qu'elle avait rencontré à la prison Zénia avait dit qu'il l'enverrait dans l'Abysse. Était-ce cela ? Cela lui semblait étrange. Alice ne connaissait même pas le nom de l'homme, pourtant elle lui devait une dette plus grande que la vie.

En essuyant du liquide étrange sur elle, une sensation obsédante qu'Alice ne pouvait pas tout à fait identifier palpita dans son esprit. Mettant de côté cette pensée, elle regarda son reflet dans le liquide noirâtre mais réfléchissant.

Grâce à la lumière de la lune, elle pouvait plus ou moins voir son visage. Le liquide qui la recouvrait était très réfléchissant en surface, malgré l'obscurité impénétrable des eaux proches d'elle.

La première chose qu'Alice vit furent ses yeux. Ils étaient maintenant d'un pourpre vibrant et son œil droit supposé manquant s'était reformé. Le sclère droit était maintenant coloré de noir et la pupille pourpre. Ses cheveux étaient en désordre et négligés après des années de négligence. Leur couleur d'origine était un brun foncé comme le reste de sa famille. Mais à la place du brun foncé se trouvait une division de blanc et de violet foncé, les cheveux neigeux prenant la droite au-dessus des yeux assombris tandis que le violet prenait la gauche.

'Mon œil n'était-il pas parti ? Pourquoi va-t-il bien maintenant ?' pensa Alice en observant son nouveau œil droit.

Les observations furent de courte durée car elle se mit soudainement à vomir, expulsant le même liquide noir qui remplissait le lac.

Ses yeux s'élargirent de panique alors que le liquide coulait de ses orifices. Elle avait l'impression que ses entrailles étaient découpées par des lames avant de se transformer en cette substance qui se forçait hors de son corps.

Dans cette panique, elle comprit dans quoi elle avait nagé.

Les eaux de l'Abysse.

Avec l'apparition de l'Abysse dans leur monde, la connaissance de sa nature malveillante fut partagée et diffusée à la plupart des gens, au point de devenir une partie du curriculum dans les écoles. Même les enfants connaissaient les eaux de l'Abysse, les mers noires du royaume des ténèbres.

Tout comme le Sang de l'Abysse, les eaux étaient contaminées par la même énergie malveillante qui corrompait chaque être résidant dans les gouffres creux de l'Abysse. Un humain normal en contact avec cette eau devrait être mis en quarantaine de peur qu'ils mutent et infectent les gens autour d'eux.

Toute personne malheureuse suffisamment pour être aspergée, ou pire, complètement immergée dans les eaux de l'Abysse verrait son être entier muter et se transformer en une bête malformée submergée par la soif de sang.

Même avec sa résistance mutée, Alice ne pouvait pas avoir ce liquide dans son corps pendant longtemps. De plus, elle n'avait plus le sang de guérison injecté par son collier pour se maintenir en vie.

Se forçant à vomir autant de ce liquide que possible, Alice sentit du sang couler de son nez. Sa vision ce brouilla de rouge sur les bords.

'Merde…' Jura-t-elle dans son esprit. Son corps perdit sa force, et Alice s'effondra dans la flaque de liquide noir qu'elle venait de régurgiter.

Elle savait que l'Abysse était composé de plusieurs couches, chacune remplie de ses propres dangers et s'étendant loin et large comme la surface.

Avec un sentiment de nausée se répandant dans son esprit et la faiblesse prenant le dessus, Alice s'effondra contre le sable argenté tandis qu'une silhouette apparaissait, traversant la brume roulante qui recouvrait les terres.

"Une autre perdue dans les profondeurs. Urg... Hm?" Remarquant quelque chose d'anormal, il se pencha et vit que la fille était encore vivante, son corps spasmodique sous l'effet des eaux de l'Abysse, mais pas encore morte.

"Vivante… ? Oh, oui. Bien que ce ne soit qu'une question de temps avant qu'elle ne devienne une partie de la mère des ténèbres, elle fera une belle addition aux Quais d'abattage. Hehehe. Tu as de la chance, jeune demoiselle. Tu auras un but au lieu de pourrir dans la nature." Il sourit, sachant qu'elle rapporterait quelques bonnes pièces pour son portefeuille.

La saisissant par le col de sa robe, il jeta la fille contre le tas de cadavres alignés sur sa charrette.

Craquant son cou et étirant le reste de son corps, l'homme attrapa la charrette et se dirigea à travers la brume épaisse qui s'amoncelait. Le son écho de son sifflement résonnait au milieu du brouillard tout en se mélangeant avec les cris lointains des Bêtes de l'Abysse.