Chant 2 : Icanam, la cité d'Aura l'éternelle Océan - Classical Odyssey by Kierkeg II ChanteBrume
Un an avant la découverte du Grom...
Icanam était une ville située sur le Rivage des Terre d'Helm, au Nord-Ouest du continent. Depuis la montée des eaux, le bord de mer était en perpétuelle travaux pour transformer les structures de coraux, les surélever ou les déplacer hors de portée des marées hautes. Le travail incessant de construction et de démolition suppléé par la forte activité industrielle et commercial participaient à rendre la ville particulièrement dynamique et bruyante.
Harlon était responsable logistique pour l'acheminement des coraux bâtisseurs depuis les exploitations. Il était le contact privilégier entre les fournisseurs, les architectes et les promoteurs immobiliers. Une position qui ne manquait pas d'avantages et qui lui offrait une visibilité sur l'ensemble du commerce du bâtiment de la métropole.
Lundi soir. Comme chaque semaine, Harlon se rendait dans la mansion du comte d'Icanam. Les grandes richesses de la ville, des politiciens et des entrepreneurs s'y réunissaient pour entretenir de bonne relation et imaginer le futur de la cité.
Il portait un costume classique sombre. Ainsi, il pouvait facilement se confondre dans la masse, aidée par son physique ordinaire, des cheveux court brun, des yeux marrons et un nez déséquilibré qui ne cessait de grandir en vieillissant. Harlon entretenait cet aspect insondable. Il trouvait un certain réconfort, une protection, dans l'anonymat et le délébile.
Harlon gravit les quelques marches entre l'esplanade et l'entrée du manoir. Quelques hommes discutaient près des portes, une cigarette fumante aux doigts, le regard sévère comme si avoir l'air strict confirmait leur importance aux yeux des autres. Harlon avança sans leur prêter attention. Ces soirées mondaines ne l'intéressaient pas outre mesure, ce qu'il cherchait ici, c'étaient des alliés puissants vers qui se tourner dans le futur.
Le Hall était gigantesque et pouvait accueillir sans problème plus d'une centaine d'invités. Harlon parcouru la salle dans sa longueur, repérant parmi les groupes formés en cercle, les quelques visages importants ainsi que les figures qui les accompagnaient. Il aperçut le comte, toujours exubérant dans sa tenue large au couleur vive, et sa longue cape rouge orné du symbole des Terres d'Helm, un sorbus aucuparia surmonté d'un merle aux ailes allongé en forme de croix. Si Harlon n'aimait pas l'expansivité de l'emblème, il reconnaissait cependant sa noblesse et sa beauté, valeurs reconnus dans toute l'Atollie.
Il s'arrêta prêt du buffet et observa les individus isolés. C'était le meilleur endroit pour reconnaître les esprits perdus. Harlon savait qu'il faisait partis du petit groupe des nouveaux ici. Se former un groupe et créer de nouvelle connexion avec la haute bourgeoisie d'Icanam était crucial pour son avenir.
Il reconnut le Baron d'Ishvalt à quelques mètres, l'attention concentrée sur les petits fours. "Le pauvre vit dans une contrée très excentré de la capitale. C'est logique qu'il ne connaisse pas grand monde, il n'a pas l'occasion de venir souvent côtoyer les riches de la côte Ouest."
"Alan d'Ishvalt !" Harlon se précipita sur l'occasion.
"Je suis ravi de vous trouver ici. Je suis Harlon Gautt, nouveau directeur à la chambre des Transports. Je voulais sincèrement vous remerciez pour l'aide que vous avez apporté au projet 'Vallon d'Ughur '. Cette nouvelle route est un vrai bol d'air frais pour le commerce de Scleractinia. Les résultats sont bien au-dessus de nos espérances."
Le Baron Alan relava la tête surpris et reconnaissant de l'attention qu'on lui portait.
"Enchanté monsieur Gautt !" Il lui serra la main.
"Je me réjouit de cette nouvelle. Rapproché les contrés des Falaises et celles de la côte à toujours était au centre de mes préoccupations et je serais toujours prêt à apporter mon soutien aux hommes comme vous qui partage ce rêve."
"Vous êtes un homme de valeur." répondit Gautt poliment.
Mais Harlon était déjà à court de d'idée pour rebondir et chercha désespérément autour de lui une ancre pour poursuivre la discussion. Devant lui, le dos tourné, il reconnut le directeur de la Chambre des Finances, Mr. Devilliers.
"Suivez-moi, vous connaissez peut-être Arthur ? Il a la charge de la Chambre des Finances d'Icanam, je suis sûr qu'il sera très intéressé par vos ambitions."
Et sans laisser au Baron le temps de répondre, il se dirigea vers le groupe en cercle devant lui et entra discrètement par la gauche d'Arthur.
Un homme en costume bleu turquoise parlait en faisant de grands gestes.
"...des eaux cible tous le Rivage et semble s'accélérer depuis plusieurs mois, il devient urgent d'en comprendre la raison pour riposter. On ne pourra pas céder du terrain éternellement ! Savez combien coûte chaque année à la capital les efforts de réaménagement de la côte ?"
Un homme au visage gonflé prit la parole.
"Je refuse de laisser la Chambre du Conseil dilapider l'argent du contribuable pour un cause perdu comme celle-ci. Mes impôts sont gaspillés !"
"Et que comptez-vous faire alors ?" répondit un troisième.
"Vous n'allez tous de même pas laisser ces propres gens mourir noyé dans leur propre maison !"
"Ne soyez pas ridicule, la montée des eaux est suffisamment lente pour la voir venir des mois à l'avance. Ils n'ont qu'à déménager..."
"Avec quel argent, s'ils sont incapables de vendre leur maison ?"
Arthur Devilliers leva la main en signe d'apaisement.
"Les efforts de la ville, grâce au soutien indéfectible du comte, sont à la hauteur du problème et je vous assure que les moyens financiers libérés pour faire face à cette menace n'entrave en rien le développement des autres projets."
"Icanam est fière d'un commerce prospère et en pleine croissance..."
Harlon s'imposa dans la discussion.
"N'oubliez pas que soixante pourcents des matériaux issus des structures de la côte sont recyclés et réutilisés sur vos chantiers monsieur Julienn. Ces frais sont entièrement couverts par la chambre des transports en accord avec la politique d'agrandissement des quartiers à l'Est de la capitale."
Harlon croisa les yeux de l'homme aux joues enflées et maintint le regard.
"Je suis sûr que vous êtes très reconnaissant de cet effort généreux, qui rend votre affaire de promoteur très rentable." ajouta Gautt.
Le visage de Julienn s'empourpra.
"Vous êtes ?" répliqua-t-il sans dissimuler son agressivité.
Arthur se tourna vers Harlon, reconnaissant.
"Je vous présente le nouveau directeur de la chambre des transports, Mr Harlon Gautt."
A son tour, Harlon introduit son nouvel ami Alan dans la ronde. La discussion poursuivit sur les opportunités qu'offraient l'ouverture des nouvelles routes depuis l'Est et le Nord. Le sujet ne l'intéressait pas outre-mesure, mais il se força à suivre attentivement l'avis de chacun, un travail supplémentaire qui s'ajouter à son nouveau statut.
...
Plus tard, alors qu'Harlon était parti prendre un verre, un homme qu'il n'avait jamais vu l'aborda. Harlon fut surpris par les similitudes qu'il trouva immédiatement entre l'individu et lui.
"C'est un fantôme, comme moi. Une personne sans apparence, générique."
"Mr. Gautt ! Bonsoir, Marcias Tanner-Millet, je travaille pour monsieur Jaqen."
Le vicomte Jaqen était l'homme parmi les plus influent des Terre d'Helm et agissait directement sous les ordres du comte.
"Ça ne me donne aucun indice sûr qu'il est..."
Étrangement, Harlon était à la fois sur ses gardes mais également heureux de voir que quelqu'un lui porter consciemment de l'intérêt.
Les deux hommes se serrèrent la main, un sourire de façade sur le visage.
"Vous pouvez m'appeler Marcias. J'ai appris qu'on vous avait nommé directeur. Félicitation."
"Merci, c'est un honneur de travailler au service de la ville et du comte."
"Votre prédécesseur était un ami proche..."
"Mes condoléances... un regrettable accident."
"Regrettable en effet...
Harlon ne croyait pas au hasard, il ne croyait pas en ce genre d'amitié non plus. Le mystérieux individu en face de lui était le genre d'homme à ne pas avoir d'ami. Le genre d'homme à avoir déjà tué un homme. Harlon décida d'être prudent.
Il savait s'y prendre avec ce genre d'individu. Il suffisait de les laisser guider la conversation vers l'endroit précis, le but pour lequel il avait initié l'échange. En parallèle, il ne devait laisser échapper aucune information qui permettrait à son interlocuteur de ne pas se dévoiler davantage.
Harlon décida de le laisser parler.
"J'ai eu l'occasion de beaucoup échanger avec votre ancien directeur. J'assure la communication avec les différentes parties, dont monsieur le vicomte, afin qu'elle s'effectue le mieux possible. Une sorte d'intermédiaire si vous voulez... De manière que tous se passe pour le mieux... Et que chacun y trouve son compte."
"Icanam est une grande ville. C'est aussi un vaste territoire où se mélange une population cosmopolite, un territoire plein de ressource et de potentiel... Je suis très fière de pouvoir participer à l'évolution de tout cet écosystème."
"Le vicomte et moi partageons le même rêve, celui d'une région puissante et pérenne, impulsé par une capitale crainte et renommé dans toute l'Atollie. Mon travail est de l'aider à voir ce rêve un jour aboutir."
"J'espère que nous pourrons nouer des liens aussi forts. Vous verrez que nos professions se rejoignent sur bien des points. Je serai ravi de pouvoir discuter avec vous ces prochains jours. Pour construire une amitié durable..."
Il doit être impliqué dans l'assassinat de l'ancien directeur, pensa-t-il. Ce rat a dit qu'il travaillait pour le vicomte, si c'est monsieur Jaqen qui a orchestré ce meurtre alors... il est hors de question que je sois le suivant.
"Connaissez-vous monsieur Jinno ?" avait continué Marcias.
***
Après cette rencontre, Harlon se laissa peu à peu entraîner dans les filets d'une organisation souterraine dont l'étendu lui donna pour la première fois le tournis.
Il était devenu commun pour Harlon d'échanger des informations sur les transactions de la semaine contre rémunération et protection. Il s'entretenait chaque semaine avec Marcias et le tenait au courant des découvertes dans les carrières. Outre-le trafique de Korail, ce qui intéressait davantage ses nouveaux amis étaient ce qui se trouvait dans le cœur même de la roche, parmi les débris de scleractinia géant et de basalte.
Les alchimies étaient des petits morceaux de pierres dotés de propriétés phénoménales mais endormis dans leur coquille de carbone. Des siècles de recherche sur ces matériaux avaient permis d'établir certains constats sur ces terres rares. Après transformation, il était possible de réveiller des particularités qui défiaient le sens commun. Ces alchimies étaient plus ou moins rares et seulement une portion parmi la diversité imaginable de ces matériaux avaient été découvert, selon les spécialistes. Beaucoup de fantaisies naissaient de ces éléments et l'on imaginait que le Plateau regorgeait d'alchimies dotés de capacités qui dépassait l'entendement.
Le comte d'Icanam et le gratin politique ignoraient bien entendu tout de ce trafic. Jaqen, sous les lumières, offrait à Jinno, dans l'ombre, l'espace suffisant pour agir en toute impunité. Sans compter la matrice de business man corrompu par Marcias.
Pour éviter toute suspicion, Harlon avait obtenu les faveurs du directeur générale des échanges à la chambre du commerce.
Ivan, avait été chargé par le conseil d'état des Terres d'Helm de contrôler les activités commerciales terrestre d'Icanam. Une semaine après sa nomination et son déménagement sur les bords sud de la ville, un homme de Marcias s'était rendu chez lui pour lui présenter la situation. Il n'avait pas été très compliqué à convaincre sous la menace.
Ainsi, Ivan laissait Harlon enrichir la mafia locale, et il était demandé au commissaire Eden de ne pas poursuivre les dossiers sur les témoignages de vol, en échange d'une part conséquente des recettes.
Les Silis et les Concreto, les seules alchimies répertoriées dans la région, n'étant jamais déclaré sur les certificats de transactions, aucuns vols de marchandises n'étaient à regretter et les simples témoignages des routiers ne suffisait pas à engager la responsabilité sur qui que ce soit.
Harlon comprenait que son travail s'arrêtait à là. Jinno et Marcias attendait simplement de lui sa plus neutre et volontaire collaboration pour fluidifier et accélérer la communication entre les équipes des mines et les trafiquants d'alchimies.
Harlon n'essaya jamais de poser plus de question que nécessaire, il ne s'intéressait pas non plus sur l'identité de ce Jinno, les différentes formes de ses activités et ses conséquences sur la ville.
Pendant un an, il joua son rôle à merveille, se persuadant de son impuissance devant la succession d'événement qui s'enchaînait jour après jours dans les journaux d'Icanam, violence, misère, terreur... Et alors que son monde brûlait à petit feu autour de lui, Harlon passait ses nuits à fixer son mur nu, complètement anesthésié par des souvenirs et des regrets ineffaçables, incapable de mettre un terme à cette course infernale vers l'autodestruction de son âme.