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Chapter 5 - Chapitre 5 : Harlon Gautt

Chant 5 : Harlon Gautt - Classical Odyssey by Kierkeg II ChanteBrume  

Harlon ne parvint pas à fermer l'œil de la nuit. Il se leva les jambes tremblantes, un violent mal de crâne se réveilla sans prévenir, lui donnant un tournis et le forçant à se rasseoir. Il transpirait abondamment. Malgré la température douce de la chambre, Harlon était gelé. 

C'était la fièvre de la peur. Cette peur de l'impuissance lorsque la vie autour de nous s'effondre. Harlon ne pouvait que regarder la suite des événements suivre son cours vers le drame final. Il sentait son destin lui échapper mais la douleur qu'il ressentait provenait davantage de la peur de perdre le peu qu'il avait réussi à reconstruire depuis la mort de Jeanne, son amitié avec Gisleygh, celle avec Eden et Ivan, sa complicité silencieuse avec Vila... 

Il réussit l'effort de se lever pour de bon. Il quitta sa chambre pour rejoindre son bureau. Le tiroir contenant le Grom était encore ouvert. 

"C'est mieux ainsi.", pensa Harlon. 

"Les options manquaient. Maintenant, je pourrais toujours nier l'avoir un jour eu en ma possession..." 

"Objet de malheur !" Il avait contacté la secte des Apis pour qu'ils l'aident dans sa recherche d'un alchimiste. "Ces cultistes sont pire que Jinno et sa bande... je l'ai enfin compris pendant la visite de Caelum ce soir. Il était prêt à me tuer à la moindre résistance de ma part..." 

Par la lucarne, Harlon pouvait apercevoir le clocher de l'église Saint Hyruul. Il repensa à cette soirée passé avec Jeanne sur un toit similaire, un toit de tuile mouillé, à quelques centaines de mètre de la plage. Le site englouti d'une cathédrale, comme un temple flottant sur l'eau, un paradis sous les étoiles qu'il avait partagé avec celle qu'il aimait plus que tout. 

... 

"Ma famille me racontait que nos ancêtres priaient ici, juste en dessous de nous." expliqua Jeanne, rêveuse. 

Sa tête était tournée vers le firmament étoilé. Harlon n'arrivait pas à détourner le regard de son visage. 

"Lorsque nous étions petits, mon grand frère avait l'habitude de m'emmener pêcher près d'ici. L'eau n'était pas aussi haute à cette époque..." 

"C'était un lieu de culte dédié au Roi Titan... Elle faisait partie des infrastructures interdites à la déconstruction. Les églises mais aussi les statuts et les temples... C'est devenu un vrai cimetière en bas..." 

"Un musée pour les poissons." plaisanta doucement Harlon 

Jeanne se serra davantage contre lui. 

"Si un Dieu existait bel et bien, je pense qu'il trouverait ça dommage... qu'on laisse un lieu ainsi créé pour lui, à l'abandon et noyé sous l'océan." 

Harlon acquiesça. Ce n'était pas tant pour Dieu qu'il était triste. Il regrettait que Jeanne ne puisse plus jamais aller prier là où ses grands-parents avant elle se rendaient chaque semaine. Il aurait voulu pouvoir l'accompagner à l'intérieur et l'entendre parler de son histoire pendant des heures. 

"On peut toujours prier ici ?" suggéra Harlon. 

Jeanne sourit à cette suggestion. "C'est une bonne idée !" s'exclama-t-elle. 

Elle se leva et écarta légèrement les bras avant de fermer les yeux. Harlon la laissa partir dans son for intérieur. Il l'imagina naviguer dans ses pensées à la recherche d'un espoir. Peu importe sa forme. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Harlon su qu'elle avait trouvé. 

Jeanne plaçait ses espoirs dans le cœur des gens. La guerre, la misère, le fanatisme et la montée des eaux ne l'effrayaient plus, ces inquiétudes se fondaient dans la bonté de chacun et disparaissaient derrière une main tendue. 

"Quand j'étais petite, avant de m'endormir, ma mère me racontait les aventures des héros des Vents." 

"Les premiers explorateurs a avoir gravi les Falaises et marcher sur le Plateau..." 

"Leurs courages... c'est ça qui m'a donné envie de devenir historienne. Je voulais apprendre de leur exploit, je voulais rendre hommage à ces personnes extraordinaires..." 

Jeanne avait des perles dans les yeux. 

"Tu crois qu'il existe encore des héros dans ce monde ? Des gens capables de nous montrer la voie... De comprendre pourquoi la mer nous en veut... Des gens capables de franchir à nouveau les grandes Falaises..." 

Harlon ne répondit pas. Il la serra encore davantage dans ses bras. 

"Les étoiles sont magnifiques..." murmura-t-elle. 

Mais Harlon contemplait une étoile bien plus belle encore. Devant cette femme, il savait qu'il ne pourrait plus jamais vivre comme avant. 

Ils se tenaient par la main, les épaules collés. Ils restèrent longtemps assis entre les arches, juste au-dessus du pendentif. Tandis que l'épaisse couverture les protégeait du froid, la pierre luisante de l'édifice s'effaçait peu à peu autour d'eux. 

... 

Harlon se réveilla à nouveau. Il était trempé de sueur, haletant. 

"La fièvre a dû me faire perdre connaissance." 

Il sentait qu'un peu d'énergie était revenu en lui. Il savait maintenant ce qui lui restait à faire. Harlon voulait réparer sa faute d'autrefois. Il allait venger Arthur en tuant le commanditaire de son assassinat, Jinno. 

"J'ai perdu le Grom... J'ai mis en danger tous ce qui me reste, Vila, Morton, et Gysleygh. Je n'ai plus de temps à perdre. Peu importe la suite..." 

Il descendit quatre à quatre les marches du grand escalier et sortit de sa mansion sans donner d'explication. 

Il commanda d'un geste de la main la voiture de Lip, garé de l'autre côté du Boulevard. Il indiqua sa destination. 

"La Chambre du Conseil !" 

... 

L'imposant bâtiment se dressait avec une majesté incontestable au cœur de la grande ville côtière. Ses murs en pierre blanche, polis par le vent salin, reflétaient les teintes changeantes du ciel, tantôt éclatants sous le soleil, tantôt austères sous les nuages gris. L'édifice, avec ses lignes modernes et ses arcs monumentaux, semblait à la fois ancré dans la terre et prêt à s'élancer vers l'avenir, comme une déclaration silencieuse mais puissante de l'autorité qu'il incarne. 

Depuis les larges fenêtres aux étages supérieur, on pouvait apercevoir l'océan et le phare d'Icanam, une figure de pouvoir et de promesses visible de loin et lancé à tous. 

Au centre du complexe, une haute tour élancée s'élevait, couronnée par un dôme de verre scintillant. De nuit, ce dôme s'illuminait d'une lumière douce et chaude. Un grand feu protégeait les scribes et copieurs qui travaillaient toutes les nuits pour reporter les nouvelles réglementations à la population la journée suivante. 

 Autour de cette tour centrale, les ailes du bâtiment s'étendent en un demi-cercle harmonieux, abritant les différentes Chambres où se façonnent les destinées de la cité. 

Chacune de ces ailes est dédiée à une fonction précise : la Chambre des Finances, au marbre noir et or, où se décident les budgets qui régissent la ville ; la Chambre des Transports, avec ses grandes baies vitrées offrant une vue panoramique sur les boulevards animés, reflet de la fluidité des échanges ; la Chambre de la Culture, décorée de fresques racontant l'histoire et l'âme de la ville, symbole de son héritage et de son esprit créatif. 

L'intérieur de l'Assemblée est un labyrinthe de couloirs majestueux, où chaque pas résonnait sur les sols en mosaïque. Les plafonds, ornés de fresques représentant des scènes mythologiques de l'âge de l'Empire et l'histoire maritimes d'Icanam , rappelaient à ceux qui y siègent la sagesse millénaire qui guida leurs décisions. 

Au centre de l'atrium principal, une grande salle circulaire, surmontée d'une coupole de verre coloré, abrite les réunions plénières où se croisent les débats les plus passionnés et les visions les plus audacieuses. 

Le bâtiment du Conseil d'Icanam n'était pas seulement un lieu de pouvoir ; il représentait le cœur battant de la ville, un symbole de sa résilience face aux tempêtes de l'histoire et de sa détermination à naviguer vers un avenir radieux. 

Harlon arriva devant la porte du bureau du vicomte Jaqen. Il toqua trois fois. 

"Oui !" une voix répondit de l'intérieur. 

Harlon entra. Jaqen ne cacha pas sa surprise de le voir. 

Il n'était jamais rentré dans cette pièce. Harlon prit le temps d'observer pendant quelques secondes l'environnement dans lequel le vicomte travaillait depuis sa nomination il y un peu plus de cinq ans. 

Le sol en parquet de bois exotique était recouvert de tapis épais, aux motifs inspirés des vagues marines. Au centre, un bureau en acajou massif trônait, ses surfaces polies brillant sous les éclats dorés d'un lustre en cristal suspendu au plafond et baignant le vaste espace d'une lumière vive. 

Les murs étaient ornés de panneaux de soie brodés et de tableaux représentant les grands moments de l'histoire maritime de la ville. 

Autour du bureau, des fauteuils en cuir fauve invitaient aux discussions confidentielles, tandis qu'une bibliothèque encastrée s'étendait sur tout un mur, remplie de volumes reliés en cuir et d'objets d'art précieux. Derrière le bureau, une grande carte ancienne, encadrée d'or, représentait le littoral de la ville tel qu'il était à l'aube de sa fondation, rappelant constamment au vicomte les racines profondes de son pouvoir. 

Un bar discret, intégré dans une niche élégante, proposait des spiritueux rares, à partager lors des longues nuits de négociations. L'atmosphère y est à la fois solennelle et apaisante, un mélange parfait de prestige et de sérénité, où chaque détail reflétait l'autorité et l'élégance du maître des lieux. 

"Mr. Gautt ? Que vous arrive-t-il ?" demanda Jaqen. 

Harlon s'inclina légèrement. 

"Mr. Jaqen, j'ai une demande urgente pour vous. J'ai besoin de rencontrer notre ami en commun." 

Le vicomte fronça les sourcils, visiblement agacé. 

"Je ne vois pas de quoi vous parler." 

Harlon n'était plus intimidé, il n'était plus le gentil fonctionnaire qui courbait l'échine. Il s'approcha et posa ses deux mains sur le bureau. 

"Où se trouve Jinno ?" 

Les yeux du vicomte s'écarquillèrent, il fit la grimace. Et essaya de reprendre le contrôle de l'échange. 

"Vous ne pouvez pas le voir, vous savez très bien. Si vous souhaitez lui faire passer un message, je peux le prendre pour vous." 

Harlon agita négativement la tête. 

"Vous ne comprenez pas... J'ai en ma possession l'objet que vous cherchez depuis des années. Je n'accepterais de négocier qu'avec Jinno en personne." 

Cette fois, Jaqen se dressa d'un bond. 

"Qu'est-ce que vous avez dit !?" s'exclama-t-il interloqué. 

"Je serai au théâtre Grand Ciel demain soir." continua Harlon sans se démonter. "Si Jinno n'est pas là, je me retournerai vers la Famille Hardy... ou bien les Apis..." 

Le bluff était convainquant, Harlon se remplit d'assurance. Jaqen était sans voix. Il allait de surprise en surprise. 

"Harlon, je vais vous demander de faire attention à ce que vous faites..." 

Mais Harlon s'apprêtait déjà à sortir de la pièce. Jaqen le rattrapa et se plaça devant lui. 

"Les Hardy ont des obligations avec le Conseil d'Atollie, vous ne gagnerez rien en cherchant leur aide, quant aux Apis, j'ignore comment vous connaissez l'existence de la secte mais vous ne pouvez pas leur faire confiance, ce sont des gens dangereux." 

Harlon reprit une voix plus posée mais en gardant un ton autoritaire. 

"Nous sommes alliés depuis presque une année monsieur. Je connais les raisons de la mort de mon prédécesseur. Il s'agit avant tout de chose, de mesurer la confiance que vous m'accordez aujourd'hui." 

"Si vous répondez à ma demande, vous obtiendrez l'objet comme convenu et je garderais le silence. Seulement, vous devrez répondre à toutes mes sollicitations, que j'exposerais demain soir." 

"Je tiens pour le moment à vous assurer que la cause de votre souci est en sécurité dans un endroit bien caché. Il ne va sans dire qu'il serait regrettable que je disparaisse sans vous dire où il se trouve..." 

Sur ces mots, Harlon sortit du bureau et claqua la porte derrière lui. 

Dans la rue, Harlon était haletant. Il était terrifié par ce qu'il venait de faire et en même temps, il jubilait. Il se sentait véritablement en vie. Une émotion nouvelle depuis ces derniers mois plongé dans les ténèbres. 

Il s'activa. Son plan se mettait en marche, il devait maintenant commencer les préparatifs. 

"Demain soir, j'attendrais Jinno au théâtre. Je le tuerais à ce moment-là. Je veux qu'il meure face à tous ceux qui le craignent, comme un symbole d'insurrection. Je veux qu'il meure devant la scène face au monde entier ! Que tout le peuple Icanam apprennent la corruption dans laquelle la ville baigne depuis un an !" 

"Alors je crierai à tous les noms de ces complices, je dévoilerai les méfaits de Marcias, Jaqen, Julienn et tous ces rats avides et pestilentiels qui rongent la ville comme une peste perfide." 

Harlon sentait son sang bouillir, sa détermination à réparer ses erreurs effaçait la peur et les barrières face à lui. 

"Si je dois mourir maintenant, alors je veux mourir en étant l'homme qu'Arthur et Jeanne voulait que je sois."