Lorsque la jeune fille passa devant Nate, cette fois il ne la regarda pas et maintenu la tête baissée. Puis les cris d'une vieille femme qui s'adressaient à des enfants commencèrent à se faire entendre. Cette dernière leur intimait de ne pas jouer dans la rue ; au grand mépris de ceux-ci qui ne semblaient absolument pas s'en soucier. Mieux encore, ils continuaient à courir, jouer et tournoyer sur eux même à mesure qu'ils se rapprochaient de Nate et Nayma qui étaient à quelques pas l'un de l'autre. Puis, comme si la veille dame l'avait prédit, voici que dans leur jeu, l'un des enfants bouscula une lampe tempête qui était posée sur une caisse en bois. Ainsi, sous le regard impuissant de tout un chacun, la lampe tomba et se brisa aux pieds de Nayma :
Wooooouuuuuvvvvvvvvvv
Un incendie se déclara instantanément sous les pieds de la jeune fille dont la robe commença à prendre feu. Alors sans réfléchir, Nate se précipita vers elle afin de lui porter secours étant donné qu'il était l'homme de la situation. En un clin d'œil, il arriva sur elle, rassembla facilement dans sa main les quelques flammes en gestation autour d'elle puis les libéra vers le ciel. La situation étant désormais sous contrôle, il posa un genou à terre et demanda à Nayma qui était tombée :
— Ça vas ? Tu n'es pas blessée ??
Mais lorsqu'il regarda le visage de la jeune fille, il se figea sur place. Lui qui s'attendait à un visage radieux et rayonnant de reconnaissance, avait plutôt droit à une expression horrifiée et plissée de terreur. Il essaya alors de tendre sa main pour la toucher et lui faire reprendre ses esprits mais il s'arrêta subitement dans son élan. Cet homme qui disait l'apprécier il n'y avait même pas une minute s'était interposé entre lui et sa fille cependant qu'il l'enlaçait de tout son corps comme pour la protéger de l'attaque d'une bête sauvage en hurlant :
— Ne t'approches pas d'elle, je t'interdis de la toucher !!!
Devant cette scène ahurissante, Nate entra dans une profonde confusion. Puis lorsqu'il leva la tête pour regarder le visage de tous ceux autour de lui, il remarqua qu'ils affichaient tous la même expression que la jeune fille : un mélange de dégoût, de haine et de terreur. Alors complètement dérouté, le jeune garçon ne put que se demander :
— De quoi ?! Pourquoi est-ce qu'ils me regardent tous comme si j'étais un monstre ??? Je viens de lui sauver la vie alors, pourquoi...
Nate était complètement perdu et cherchait désespérément une réponse à ces interrogations. Malheureusement, il n'obtiendrai aucun réponse étant donné qu'il ne put même pas ouvrir la bouche pour exprimer ces pensées. Puis, alors que sa vision commençait à se troubler, une soudaine chaleur ardente qu'il sentait se rapprocher de lui par derrière commença à l'interpeller. Enfin, une voix familière s'adressa à lui en ces termes :
— Pourquoi est-ce que tu ne m'écoute jamais ?
Le jeune garçon se retourna alors lentement, le cœur lourd et angoissé pour finalement assister à un spectacle glaçant qui lui fit perdre toute force dans les jambes avant de finir par céder sous son poids ; tant il était effrayé. Cette vision horrifique qu'il avait sous les yeux n'était autre que celle de son mentor se faisant consumer par d'innombrables flammes qui le recouvraient de la tête aux orteils. Puis, aussitôt, tout s'embrasa autour d'eux. Que ce soit les gens, les bâtiments, le sol ; tout était recouvert de flammes denses qui semblaient porter un profond ressentiment et nourrir une haine profonde envers le monde. Le paysage qui était autrefois si jovial c'était transformé en une vision de l'enfer parsemée d'épais nuages de fumée noire qui s'élevaient dans le ciel. Alors, la silhouette humanoïde embrasée qui semblait être son mentor se rapprocha de lui, s'accroupit juste devant lui puis lui attrapa soudainement la jambe en disant :
— Je ne t'avais donné que des consignes très simples mais comme toujours tu n'en a fait qu'à ta tête.
Nate lui répondit alors, submergé dans un flot de larmes :
— Je suis désolé Zad, pardonne-moi je ne pensais pas que...
— C'est justement ça, le problème ; tu ne "penses" pas ! Et à cause de toi, je suis mort.
— Que ? Quoi ???
— Mais rassure toi je ne vais pas partir tout seul, je compte bien t'emporter avec moi !!!
— Non Zad attend, je suis désolé, je ne le referais plus je te le promets.
— Trop tard !!!
Ainsi, alors que Nate continuait à exprimer désespérément ses regrets, cette chose, elle, se contentait de le regarder droit dans les yeux d'un air stoïque, froid et impassible à en glacer le sang cependant qu'elle écartait lentement sa mâchoire tel un python. Puis lorsque sa mâchoire s'écarta suffisamment pour engloutir le jeune garçon, la créature s'arrêta un instant. Là, un rictus cynique absolument effroyable se dessina sur le visage de cette chose qui tout au long de ce processus, avait mué sous les yeux du jeune garçon. Nate vit alors le visage du majordome se superposer à celui de son tuteur sur la face de cette créature. Le garçon, complètement paralysé par cette vision cauchemardesque, ne pouvait que regarder, impuissant l'intérieur de la gueule de cette créature qui était d'un noir tellement profond qu'il semblait pouvoir tout engloutir en ce monde. La créature lui lâcha alors la jambe au profit de son bras puis s'élança brutalement vers lui avec son immonde gueule bien écartelé afin de le dévorer ; mais...
* Ouvre les yeux *
Nate se redressa brusquement du lit sur lequel il était allongé en suant à grosse goutte.
*Halète* ; *Halète*; *Halète*…
Complètement paniqué, il se mit à regarder frénétiquement partout autour de lui ; cherchant la créature qui l'attaquait plus tôt. Puis, réalisant qu'elle n'était pas là, il se couvrit le visage avec sa main droite puis se frotta les yeux avec son pouce et son index afin de se calmer davantage. Une fois les idées claires, il s'exclama dans un profond soulagement :
— Un rêve... Ce n'était, qu'un rêve !
Au même moment et sans crier gare, une voix étrangère lui dit :
— Et bien dis donc... Le moins qu'on puisse dire c'est que t'es pas facile à crever, gamin.
Il s'agissait d'un jeune homme d'une vingtaine d'années au cheveux rouge et blanc. Ainsi après cette petite introduction, ce dernier reprit :
— Ça-a pas du tout été facile de te rafistoler tu sais... Y'avait tellement de morceaux... Pire qu'un puzzle de mille pièces. De plus, même après t'avoir ré-assemblé, je dois dire que j'étais assez sceptique quant à tes chances de survie. Mais il semblerait que les toubibs aient fait de l'excellent boulot.
— Qu-qui êtes-vous ??
— Le père Noël.
— C-c'est quoi un père Noël ?
— Et bien, si tu n'sais pas ce que c'est alors dis-toi que je suis ta grand-mère.
— Mais comment est-ce possible n'êtes-vous pas un homme ?
— T'as bientôt fini de me poser des questions stupides ? Tsssk... T'es vraiment qu'un sale gamin ! Quand quelqu'un te sauve la vie, en général tu commences d'abord par le remercier avant toute chose.
C'est à ce moment-là que Nate ressenti la douleur de ses blessures qui n'étaient pas encore guéris et lorsqu'il baissa la tête puis vit tous ces bandages, il se remémora tout ce qui s'était passé. Puis, après un moment de silence il finit par dire :
— Je suis désolé de m'être conduit ainsi. Je vous remercie sincèrement de m'avoir secouru ; je vous dois la vie. Puis-je savoir comment vous vous appelez ?
— Ah, c'est pas trop tôt ; enfin une question intelligente.
Le jeune homme afficha alors un sourire satisfait puis continua :
— Hmph... Moi ; je m'appelle Kaiju.
— Enchanté monsieur Kaiju ; moi je m'appelle Nate.
— ...
— S'il vous plaît monsieur Kaiju où est Zad, comment va-t-il ?
Kaiju regarda le jeune garçon un petit moment puis laissa échapper un soupir avant de lui demander :
— Tu peux t'lever ?
— O-oui je crois.
— Bien, alors suis moi.
C'est ainsi que Nate réussit à se lever non moins un grand peine, en raison de ses blessures qui le faisaient encore terriblement souffrir. Il ne s'en était pas rendu compte depuis son réveil mais à mesure qu'ils avançaient, la tendance s'inversait et le jeune garçon comprit qu'en réalité ils étaient dans son ancien foyer ; celui là même qui avait été ravagée par les flammes. La raison pour laquelle il ne l'avait pas compris dès le départ était les quelques travaux de réaménagement qui avaient étés faits. Alors conscient que cela ne s'est sans doute pas fait du jour au lendemain, il demanda :
— Combien de temps ai-je été inconscient ?
Kaiju prit alors un petit moment de silence avant de finir par lui répondre :
— Trois semaines ; tu es resté inconscient trois semaines.
— Je vois…