Paris, France, ██/██/2███
J+400
Après avoir pénétré dans le tunnel, Lilith avança sans lumière dans l'obscurité, plaçant prudemment chaque pas, comme pour éviter de marcher sur un quelconque objet potentiellement dangereux.
Sans aucun repère, elle continua de marcher sans but, suivant les méandres de galeries qui s'étendaient devant ses pieds, avançant vers un but théorique, une fin à ce mauvais rêve.
Devant elle, rien n'existait, et derrière elle, rien ne subsistait.
C'est ce qu'elle était, qu'elle le veuille ou non, la Dévoreuse de Monde, la Prophète de la Fin.
Elle avait déjà vécu cela, elle le savait, mais ne pouvait se souvenir, comme si sa propre mémoire lui était interdite.
Le monde était à sa merci, et pourtant, elle son destin était déjà fixé, comme celui de chaque être croisant sa route, conscient ou non.
La fin était écrite avant même que l'histoire ne commence.
Une fin que personne ne souhaitait réellement, et contre laquelle tous luttaient, bien qu'elle soit inévitable.
Elle continua sa route sans s'arrêter in se retourner, comme consciente des regards sur ses épaules, tentant misérablement de se prouver à la hauteur de sa tâche.
Enfin, après ce qui sembla une éternité, une lumière fut aperçue, au bout du tunnel, un fragment d'espoir de jours meilleurs.
Hésitante à recevoir ce qui ne devrait pas lui être destiné, elle avança dans la lumière, se révélant au monde, explorant son domaine.
Devant elle se dévoilait un paysage unique au monde, introuvable, le seul encore intact à ce jour.
Devant elle était la mer, celle qui était là au début, celle qui sera là à la fin.
Devant elle se trouvait l'assemblée, le conseil des dieux, ceux qui continuaient la guerre.
Devant elle était une arche, immobile, fonctionnelle, posée sur le vent.
Devant elle se trouvait son reflet, une autre illusion de son esprit, mais en même temps sa véritable identité, ce qu'elle était réellement.
Mais il n'y avait rien, rien que son esprit dans ce monde, et, bien qu'elle refuse de l'admettre, elle le savait.
Rien de tout ce qu'elle voyait n'était réel.
Sauf si elle le souhaitait.
La réalité de son monde ne dépend que d'elle-même, que de sa volonté, uniquement de ses choix.
Son histoire était ses propres rêves, pour changer un passé déjà écrit.
Elle pleura.
Elle pleura pour le monde, elle pleura pour ceux qui n'existaient que par elle, elle pleura pour ceux qui mourraient par elle.
Elle pleura pour le monde, son monde, pour elle-même, pour son père, pour tous ceux qui étaient morts en son nom, pour tous ceux qui n'en savaient rien.
Elle pleura une éternité, puis une autre, et encore une.
Lorsqu'elle arrêta de pleurer, elle avait pris sa décision.
Elle ne pleurerait plus, tout comme elle ne se souviendrait plus.
Elle vivrait ce monde comme si c'était le dernier, et pas juste une répétition de sa propre histoire.
Elle mourra pour ce monde, comme si c'était le sien, comme si c'était celui des autres, comme si c'était sa dernière vie.
Mais avant, elle avait choisi son destin, le même depuis maintenant des millénaires.
Et elle avait du travail.