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Chapter 7 - Chapitre 7

L'amazone jeta la pelisse d'ours, avant de contempler le visage du chaman. En le voyant Marxia eut du mal à en croire ses yeux : une peau brune noire, un faciès bestial et des défenses sortaient de sa mâchoire supérieure. Marxia n'avait certes pas beaucoup voyagé dans sa vie mais elle n'avait jamais entendu parler d'une race qui pouvait s'apparenter à ce qu'elle avait sous les yeux. L'amazone s'assit à califourchon sur la créature qui lui faisait face et médusée souffla :

─ Par Djinn'Rha mais qu'es-tu ?

Udiir sentit quelque chose de chaud maculer son visage, il en reconnut aussitôt l'odeur cuivrée. Du sang coulait de son nez broyé par la frappe de l'amazone. Cette sensation le ramena brièvement à la réalité, il sentit un poids sur lui, quelqu'un était assis sur lui. Par réflexe il brandit ses mains devant lui en hurlant :

─ AHR'ANGUE IGNIS !!

Un puissant jet de lave jaillit des paumes caleuses du jeune forgeron et expulsa l'amazone qui eut tout juste le temps de protéger son corps avec ses avant- bras. Marxia fut balayée par la déflagration et culbuta dans la boue sur plusieurs mètres avant de se rattraper à l'aide d'une roulade. Elle réprima un grognement de douleur : la lave l'avait brûlée des bras jusqu'aux épaules. L'amazone avait beau avoir été entraînée à supporter la douleur, ces brûlures faisaient un mal de chien. Elle invoqua l'aura de Djinn'Rha, mais en dépit de l'immense pouvoir guérisseur du démon des marques subsistèrent sur les avant- bras de la guerrière.

Udiir se releva en grognant, du revers de sa manche il essuya le sang qui coulait de son nez puis il remit l'os en place avant de soigner sa blessure grâce au pouvoir d'Aquos. L'hématome sur son visage désenfla et les os de son nez se ressoudèrent et il put à nouveau respirer correctement. Machinalement il ramassa son marteau et se remit en garde face à l'amazone.

La guerrière quant à elle s'était déjà relevée. Sans quitter l'étrange créature qui lui faisait face des yeux, elle ramassa son arme à son tour. Cette guerrière qui depuis le début de l'affrontement éprouvait de la rage et du désir envers le chaman, ressentait à présent un sentiment que seules certaines de ses sœurs avaient réussi à lui faire ressentir. La peur, Marxia craignait la créature, et cela la mettait dans une colère noire. Ce mâle insolent avait non seulement fait échouer leur attaque surprise mais en plus de cela il arrivait à lui faire peur à elle, une guerrière de la tribu Zarakoune.

Si pour beaucoup d'amazones cela était une insulte, c'est parce qu'elles avaient tendance à oublier que l'inconnu pouvait effrayer n'importe quel individu de quelque race que ce soit, et l'apparence d'Udiir n'avait bien sûr rien de normal. Marxia, peinant à dissimuler sa peur, se mit à son tour en garde. Elle invoqua chaque fibre du pouvoir de Djinn'Rha qui lui restait, l'aura sanglante du dieu démoniaque l'enveloppa une fois de plus, d'un éclat plus sanglant que jamais. Udiir, lui, resta impassible comme si son adversaire n'avait pas bougé. L'amazone y vit une occasion et passa à l'attaque en poussant un cri effroyable ; Udiir ne bougea pas. Marxia abattit son épée, droit sur le crâne du chaman, il ne bougea pas. La guerrière enragée était certaine de sa victoire. Elle allait lui fendre le crâne. Mais au moment où la lame atteignit sa cible, elle s'évapora.

Udiir avait esquivé l'attaque de l'amazone avec un pas de côté fulgurant. Puis, vif comme l'éclair, le chaman asséna une violente frappe circulaire de son marteau en rugissant :

─ BRAH'ZISH BAL'ASH !!

La foudre jaillit du marteau dans un fracas assourdissant, l'arme irradiant d'énergie frappa Marxia en pleine poitrine. La puissance du choc, démultiplié par le pouvoir de Bal'Ash pulvérisa l'abdomen de Marxia. La foudre réduisit ses côtes et sa colonne en cendres avant de ressortir par le dos de la guerrière. 

 Coupé en deux le corps de Marxia s'écrasa à plusieurs mètres du chaman. Ce n'était plus qu'un tas de chair et d'os carbonisés. Udiir poussa un profond soupir de soulagement, il était épuisé. Mais il savait qu'il n'avait pas le temps de se reposer, il se retourna et contempla l'armée erganienne de ses yeux bleu orage. Il lisait sur leur visage comme dans un livre ouvert. Udiir y voyait de la peur et du dégoût. Le chaman ne s'attendait pas à autre chose. Il avait longtemps redouté et appréhendé ce moment. Il avait su depuis toujours que son apparence, ou ses pouvoirs, provoqueraient de l'hostilité. L'anxiété et le stresse le prirent au ventre, ses mains se mirent à trembler et il serra les poings de toutes ses forces pour le cacher.

Alka se plaça près de son cavalier et émit un grognement d'inquiétude en frottant son museau contre le torse du chaman. La pauvre bête était couverte de coupures et d'ecchymoses sur ses deux flancs. Udiir s'approcha pour soigner son amie mais il fut stoppé net par un sifflement : un instant après une flèche lui transperça l'épaule gauche. Udiir fut certes pris au dépourvu mais il ne sentit presque rien, son corps était encore sous l'effet de l'adrénaline. Kiara et Arya firent volte- face comme une seule personne, leurs regards inquisiteurs traquant le tireur. Les deux Arginanes trouvèrent rapidement l'archer responsable du trait qui avait meurtri l'épaule de leur frère. C'était un jeune elfe, un aventurier, au regard acéré empli d'agressivité. Sa main était sur le point de saisir une seconde flèche dans son carquois, mais Kiara l'envoya aussitôt au tapis d'un violent coup de son bouclier d'acier, lui arrachant une dent et lui déchirant la lèvre supérieure au passage.

L'elfe roula dans la boue, avant de se relever la bouche pleine de sang, jetant un regard éberlué à la chevalière sacrée. Plusieurs regards désapprobateurs suivirent celui de l'archer et plusieurs soldats portèrent la main à leurs armes. Les mages commencèrent à incanter, la magie se mit à tourbillonner tout autour des troupes erganiennes, quelques guerriers tirèrent leurs armes. Kiara invoqua la lumière de Bal 'Dar, son armure de plaques se mit à briller, Artha en appela à la magie et un vent glacial se mit à souffler autour d'elle.

La situation commençait très sérieusement à dégénérer, Udiir empoigna la hampe du trait planté dans son épaule et l'arracha du coup sec sans broncher. Le chaman soigna la plaie avec le pouvoir de Aquos puis saisit la sangle de la selle d'Alka se tenant prêt à l'enfourcher à tout instant. Mais ses sœurs avaient plus d'un tour dans leur manche. Elles se campèrent entre les soldats et lui, bien décidées à ne laisser personne toucher à leur petit frère.

Le groupe d'aventuriers auquel l'archer elfe appartenait se regroupa en première ligne. Leur leader, un humain trapu à la peau olive, s'avança l'œil mauvais et dit, d'un ton qui se voulait le plus menaçant possible :

─ Soldats vous avez agressé l'un de mes coéquipiers, j'accepte de passer l'éponge si vous…

Il n'eut pas le temps de poursuivre, Kiara planta son bouclier dans le sol et provoqua une violente onde de choc lumineuse qui tétanisa de peur toute l'escouade et fit taire les protestations comme elles avaient commencé.

Le silence revenu, la chevalière parla d'une voix implacable :

─ Soldats d'Erganane écoutez moi tous autant que vous êtes ! Elle se retourna en désignant Udiir. Ce guerrier est un membre de notre clan et notre petit frère, il est votre allié dans cette guerre. Au cas où cela vous aurait échappé, il vient de vous sauver d'une attaque surprise.

Le discours cloua toute la troupe de surprise. La chevalière planta ses yeux de braises dans ceux du guerrier avant d'ajouter :

─ Ne vous avisez plus jamais de lever la main sur lui, vous savez ce qu'il vous en coûterait.

Cette phrase suffit à faire disparaître toute idée d'hostilité au sein de l'escouade. Soulagé, Udiir voulut enfourcher Alka mais Arya l'arrêta, lui saisissant l'épaule. Le jeune chaman interrogea la magicienne du regard puis sentant ses jambes se dérober et la douleur enflammer peu à peu son corps, il comprit. Ses blessures étaient trop graves pour qu'il tente le voyage de retour.

Il pensa invoquer les éléments pour se soigner, mais le combat contre l'amazone l'avait vidé de ses dernières réserves d'énergie. Il sentit peu à peu la fatigue le happer et brouiller ses sens alors que les subalternes de ses sœurs l'entouraient. La dernière chose qu'il vit fut les soigneurs et les herboristes qui, avec réticence, l'encourageaient à s'asseoir et commençaient à le soigner à l'aide de lumière sacrée, de cataplasmes et de bandages. Après quoi ses yeux se fermèrent, et il sombra dans un sommeil sans rêve.