Le bûcheron accompagné de la belle demoiselle Suzie et de l'oncle Bibi suivirent la sentinelle impériale jusqu'au bureau de l'aide-de-camp Polo.
À leur arrivée dans la pièce circulaire, l'homme de main du disparu gouverneur était assis derrière sa table de travail en bois d'ébène et tenait un papyrus dans sa main droite.
La trentaine d'années bien sonnée, le serviteur dévoué de l'empire avait la face plongée dans le document et lisait le message impérial d'une extrême importance qui y était couché.
"Monsieur…, le bûcheron est là," lui annonça le messager impérial.
Polo suspendit sa lecture et leva les yeux vers la porte où le bûcheron qu'il demandait à voir, et la sentinelle impériale qu'il avait commissionnée à cet effet, se tenaient debout.
Cependant, à leurs côtés se trouvaient également la jeune demoiselle Suzie et l'ex-commandant des forces impériales, oncle Bibi.
"Mon profond respect, Mon Commandant !" dit Polo en quittant son siège pour saluer l'homme mi-âgé.
"Quelle fantastique surprise, Polo le futé !" répliqua oncle Bibi en appelant son grand et svelte interlocuteur par son sobriquet.
L'aide-de-camp du feu gouverneur fut attribué l'alias du futé à ses débuts dans l'armée imperiale dix ans auparavant. Il était affecté au régiment d'Ékulé où oncle Bibi y servait également au grade de caporal.
Au cours d'un camp d'entrainement très intensif de l'unité d'élites dont faisait partie Polo, ce dernier s'infligea à dessein une blessure au genou pour obtenir un arrêt maladie.
Le commandant de ladite unité lui accorda alors un congé de quelques semaines après que le docteur impérial confirma une inflammation de ses ligaments à la suite d'un choc lié aux exercices militaires.
Le jour du soi-disant incident, le jeune Polo se rendit discrètement juste après l'aube, à une ruche d'abeilles logée dans le tronc d'arbre qui poussait dans le bosquet derrière la caserne.
Il attrapa une abeille avec deux bâtonnets et la posa sur son genou pour qu'elle le piquât. Elle lui injecta son dard, provoquant ainsi un gonflement des ligaments.
Il retira ensuite l'arme vénéneuse de l'insecte pour ralentir l'inflammation de la zone touchée et retourna à la caserne comme si de rien n'était pour participer à la session d'entraînement du jour de l'unité d'élites.
Légèrement en retard, il s'insèra rapidement dans les rangs qu'avaient déjà formés ses camarades et démarra les tests d'aptitude au combat. Tout alla bien jusqu'à ce qu'il lui fallut escalader un mur mais il échoua à cause de son genou qui était déjà bien enflé.
Deux de ses camarades l'évacuèrent et l'emmenèrent à l'infirmerie de la caserne où le médecin impérial après l'avoir ausculté, le déclara inapte à poursuivre l'entraînement.
Plus tard il révéla sa supercherie à ses frères d'armes mais Ama, un soldat d'élite avec lequel il était toujours en conflit et qui avait besoin de reconnaissance de la part de la hiérarchie, vendit sa peau.
Le commandant de l'unité d'élites pour punir Polo pour sa désertion, ordonna qu'on le jettât dans l'arène au milieu de la caserne et qu'on relâchât le lion affamé qui se trouvait dans la cage en dessous pour une lutte à mort.
Le longiligne combattant seul face à son destin, surprit ses camarades avec un tour de passe-passe qu'il avait préparé.
Lorsque la veille il fut informé de comment le commandant de l'unité d'élites prévoyait de le sanctionner, il invoqua Iyô, le dieu du sommeil profond qu'il lui remit une potion endormante en échange de son troupeau de moutons.