Polo versa le liquide magique dans son dîner qu'il emballa avec du papier aluminium et cacha dans la poche de son pantalon en soie. Le repas était constitué de viande de veau grillée et de riz cuit.
Conformément aux ordres, un groupe de cinq sentinelles impériales conduisit le déserteur à l'arène et libéra le lion. L'animal sortit de sa cage étant très excité, car il avait bien faim.
Sans perdre du temps, le grand et mince combattant enleva le paquet tapi dans sa poche, l'ouvrit puis lança son contenu vers le fauve.
Celui-ci bondit instinctivement sur la chair de veau boucanée et l'avala avec voracité. Lorsqu'il eut fini, il tomba en syncope sur le sol sableux et se mit à roupiller profondément.
Impressionnés par sa grande intelligence, les camarades de Polo qui craignaient pour sa vie, le surnommèrent Polo le futé. Et depuis lors, il devint extrêmement célèbre auprès de ses pairs et très respecté de ses supérieurs.
Oncle Bibi regarda le maintenant mature et accompli Polo et avança vers lui en même temps que celui-ci décalait sur la gauche de sa table de bureau.
Les deux hommes se serrèrent les mains et ne se lassèrent pas de se congratuler pour leur parcours professionnel réussi.
Oncle Bibi souligna néanmoins que son époque était révolue et souhaita à son plus jeune camarade une plus riche carrière que la sienne au service de Sa Majesté, l'empereur Batang V.
La volubilité des deux hommes ennuya Babida qui se sentait oublié. La présence du bûcheron avait été requise par Polo et il était impatient que l'aide-de-camp du défunt gouverneur tournât son attention vers lui et lui annonçât ce pour quoi il l'avait fait appeler.
Le garde impérial et la belle demoiselle Suzie étaient bien plus détendus que l'élagueur et admiraient les nombreuses sculptures d'animaux sauvages ô combien captivantes qui étaient exposées dans le bureau circulaire du bras du droit du feu gouverneur.
Finalement, oncle Bibi et Polo conclurent leur longue conversation et l'aide-de-camp du défunt chef de la province d'Okundé jeta son regard vers l'entrée de son espace de travail.
"Oh, pardonnez-moi !" s'exclama-t-il avant de se diriger vers les trois autres personnes qui s'y trouvaient.
"Merci, Abo ! Tu peux disposer," dit-il à son messager qu'il lui fit un salut militaire puis partit.
"Soyez le bienvenu, camarade Babida ! " s'adressa-t-il ensuite au bûcheron qui lui rendit la politesse avec aussi un salut militaire.
Polo posa son regard sur la demoiselle à côté de l'élagueur et fut frappé par sa beauté renversante.
"Puis-je savoir qui est cette exquise créature de nos ancêtres ?" demanda-t-il à Babida.
"Eh ben, monsieur, c'est notre chère camarade d'aventure, Suzie, originaire de la cité impériale, Ékulé." répondit le bûcheron à l'homme de main du feu gouverneur.
"Oh ! Je vois. Soyez la bienvenue ravissante demoiselle au sein du quartier général ! " s'exprima Polo à l'endroit de Suzie qui inclina légèrement la tête vers l'avant pour lui tirer sa révérence.
Puis, l'aide-de-camp du disparu gouverneur redirigea son attention vers Babida le bûcheron.
"Avant tout camarade, je voudrais mettre en lumière que j'ai été extrêmement dérangé lorsque Son Excellence, le gouverneur Kola II, paix à son âme, vous a mis en prison," confessa-t-il à l'élagueur.
"C'était en effet un incident fort regrettable mais je vous suggère que nous tirions un trait dessus et que nous nous focalisions sur les grandes menaces auxquelles l'empire fait face" ajouta-t-il.
"J'ai ici une missive de la plus haute importance qui me parvient de l'empereur, Sa Majesté Batang V," déclara l'homme de confiance du défunt gouverneur en brandissant le papyrus qu'il tenait dans sa main.