À l'approche de midi, l'empire tout entier était en effervescence. Les messagers de Sa Majesté déambulaient dans les rues d'Ékulé, d'Okala, et d'Okundé en lisant haut et fort l'ordre impérial.
Comme tous les habitants du pays, Babida eut vent du message de l'empereur, lequel entrait en droite ligne avec son plan du jour. Sauf qu'il y avait en plus une gratification : reconnaissance publique et pécule. S'il était vrai qu'il n'était pas intéressé par la célébrité, l'on ne put en dire autant pour l'argent.
Il se vêtit de son armure traditionnelle : un bracelet en acier sur chaque poignet du bras, un pantalon en soie, un collier d'ivoire d'éléphant, ainsi qu'une une hache de cinq kilogrammes et d'une longueur de près de cent centimètres.
Sans chaussures aux pieds, il quitta sa cabine et intégra le groupe de combattants téméraires qui bourgeonnait dehors.
Surchauffés, ils se mirent à avancer vers la porte orientale de la cité impériale, Ékulé. Leur cible étant le nouveau monstre qui vivait dans le périmètre de la montagne adjacente au village voisin, Okundé. Ils juraient de contourner les pentes raides de la colline, de localiser le repaire de la bête et d'abréger ses jours.
Sur le chemin, ils rencontrèrent des combattants en provenance d'Okala dans le septentrion. Ensemble ils constituèrent une troupe plus grosse.
Ils pénétrèrent dans Okundé à travers sa porte occidentale et y trouvèrent d'autres bandes de combattants en ordre de bataille.
Ils s'associèrent et formèrent un bataillon massif de mille hommes d'honneur sous le commandement du gouverneur de la région, Son Excellence Kola II, lequel était un cousin de l'empereur Batang V.
Kola Il était âgé de quarante deux ans, soit deux ans de plus que le monarque régnant, Sa Majesté Batang V.
Précédemment, il occupait les fonctions de commandant supérieur des forces impériales avant d'être promu au rang de gouverneur, la deuxième plus haute position de pouvoir au sein de l'empire.
Il acquit son surnom de "Cœur de tigre" après qu'il étrangla à mains nues un tigre affamé qui était sur le point de s'attaquer à lui, ainsi qu'à sa femme enceinte.
L'incident se produisit pendant que son épouse grillait de la viande de gorille dans la villa du couple à Okundé.
Kola Il était affaissé sur une chaise en bois dans un coin du jardin. Il appréciait furtivement le talent culinaire de sa femme pendant qu'il consommait le meilleur Chai de la localité.
Et contre toute attente, un tigre de deux mètres de long et pesant trois cent kilogrammes sauta au-dessus de la barrière et atterrit à l'intérieur de la concession.
Kola 2 se leva brusquement de sa chaise qui tomba. Le pagne qu'il avait enroulé autour de son épaule gauche se desserra et finit au sol. Il était à présent torse nu et en culotte.
Il était béni des dieux du peuple Batang et présentait une plastique hors du commun. Il mesurait près de deux mètres de hauteur pour quatre-vingt quinze kilogrammes.
Il était doté d'une musculature impressionnante des bras, du torse et des cuisses. Son abdomen laissait transparaître des plaquettes de chocolat à pâlir de jalousie.
Paralysée par la peur, sa femme enceinte perdit des eaux. Elle regarda dans la direction de son mari et pleurnicha.
"Kola, sauve ton fils!" dit-elle la voix tremblante.
Pris de rage, Kola II entama une course folle vers l'animal qu'il attrapa violemment par la gorge, le poussa et le plaqua contre le mur de la barrière.
Il appuya ensuite de toutes ses forces le cou du félin. Celui-ci suffoqua et mourut sans donner le moindre coup de griffes.