Armand s'engouffra dans la partie la plus profonde de la forteresse, laissant Bojan derrière lui pour affronter Octavia. Il arriva dans un nouveau couloir sombre qui s'étendait devant lui, illuminé par quelques torches vacillantes accrochées aux murs. Le silence était oppressant, seulement perturbé par le bruit de ses propres pas et le lointain écho du combat entre Bojan et Octavia. Étrangement, il ne rencontra aucun garde, comme si cette zone était réservée à certaines personnes.
Il continue d'avancer jusqu'à pénétrer dans une vaste salle, éclairée par une lumière verte émanant d'énormes cristaux incrustés dans les murs. La pièce était étrangement bien entretenue et la température y était plus agréable en comparaison avec l'air glacial du reste de la forteresse. Au centre de la pièce se trouvait une grande cage dorée entourée des mêmes chaînes qui ornaient la porte qu'Armand avait forcée pour atteindre le sous-sol.
À l'intérieur, une jeune femme était assise, le regard perdu, ses cheveux bruns bien coiffés, vêtue d'un chemisier blanc modeste et d'une longue jupe brune. Une mèche blanche dans ses cheveux reflétait la lumière verte de la pièce. C'était Carolina.
"Carolina !" cria-t-il en courant vers la cage.
Carolina leva les yeux, surprise par cette voix qu'elle ne connaissait pas. Ses yeux noisette fixèrent Armand avec méfiance.
"Qui êtes-vous ?" demanda-t-elle d'une voix tremblante.
"Je m'appelle Armand. Bojan et moi sommes venus te sauver," répondit-il en cherchant un moyen d'ouvrir la cage. "Nous n'avons pas beaucoup de temps. Il est en train de se battre contre la bourreau de cette prison, mais je ne sais pas combien de temps il pourra la retenir."
"Octavia ?" dit-elle, morte d'inquiétude.
Armand inspecta la cage avec attention, cherchant un mécanisme ou une serrure. Les chaînes qui l'entouraient étaient épaisses, émanant légèrement une lumière violette. Il devina que ce n'était pas une cage ordinaire. En posant ses mains sur les barreaux dorés de la cage, il sentit son énergie se faire drainer subitement par les chaînes violettes et il les lâcha rapidement.
"Je ne peux pas les forcer, ça me fait la même sensation qu'avec la porte," se dit-il à voix haute.
Il exclut donc la possibilité de forcer les barreaux avec sa force et essaya de trouver un autre moyen. Il eut soudainement une idée, mais pour cela il devait vérifier s'il était possible de faire passer la magie à travers les barreaux. Il créa une boule de magie dans sa main, puis la fit léviter en la faisant passer à travers les barreaux. Elle diminua petit à petit avant d'atteindre la taille d'un grain de sable.
Il sourit en voyant que c'était possible, bien que la boule avait drastiquement rétréci. Ses yeux devinrent indigo et il créa une brèche de sa taille à côté de lui. Carolina le questionna sur ce qu'il venait de faire, ne comprenant pas où il voulait en venir, toujours un peu méfiante.
"C'est ta porte de sortie ! Écarte-toi, je vais créer une autre brèche à l'intérieur de ta cage. Il faudra que tu t'y engouffres rapidement avant qu'elle ne disparaisse !"
À l'instant d'après, il forma une nouvelle boule de magie, cette fois-ci de couleur indigo et à l'aspect fumant, puis il l'envoya dans la cage. Elle était suffisamment petite pour ne pas rétrécir davantage. Carolina recula au fur et à mesure que la boule avançait, puis d'un geste de la main, Armand l'étira à distance jusqu'à ce qu'elle fasse la taille de Carolina. Il sentit que la brèche était forcée de rétrécir à cause de la magie entourant la cage, mais il s'efforça de maintenir cette taille.
"Rentre-y, vite ! Je ne vais pas tenir longtemps !" lui cria-t-il, forçant sur ses bras pour maintenir la brèche ouverte.
Elle hésitait toujours, pensant que ce n'était probablement pas une bonne idée, mais en voyant Armand lutter pour maintenir la brèche ouverte, elle prit une profonde inspiration et se précipita à travers en fermant les yeux. Juste au moment où elle la traversa, la brèche fumante se referma avec un léger bruit étouffé. Armand, épuisé, tomba à genoux, respirant lourdement. Carolina trébucha à la sortie du deuxième portail, qui se referma également juste après, et elle tomba à genoux, déchirant légèrement sa jupe au niveau du genou droit.
Il se relava puis l'aida à se relever à son tour en lui tendant la main, et elle le remercia, toujours confuse par la situation, ne comprenant rien à ce qui venait de se passer.
"Pourquoi êtes-vous venu me sauver ?" lui demanda-t-elle.
Armand prit une profonde inspiration avant de répondre. "Bojan m'a parlé de toi. Il m'a tout raconté sur votre passé, l'enfer que vous avez vécu ici pendant une décennie, ce qui s'est passé lors du marché d'esclaves," il marqua une pause en la regardant, en particulier sa mèche blanche, "et aussi de la discrimination que tu as subie, toi et les tiens, à cause de cette mèche blanche."
Elle regarda le sol en entendant ses paroles et prit la mèche de cheveux blancs entre ses doigts, puis elle le regarda à nouveau. "Comment se fait-il que vous n'ayez pas peur de moi ? Qui êtes-vous au juste ?"
Il se retourna pour se diriger vers l'entrée de la grande salle verte et s'arrêta, lui parlant par-dessus son épaule. "Ça n'a pas d'importance. Je t'ai sauvée en priorité pour Bojan, qui à l'instant même essaye de nous faire gagner du temps. On ne doit pas traîner !" Il omet de lui parler de sa véritable identité volontairement pour ne pas l'embrouiller plus que ça, de plus, il se disait qu'elle ne le croira sûrement pas, même avec son tatouage sous sa mitaine.
Carolina, le visage inquiet pour l'homme qui l'avait traitée comme sa propre fille dans cette prison où l'espoir n'avait pas sa place, acquiesça et le suivit. Il lui expliqua que Bojan se trouvait actuellement au purgatoire, le niveau au-dessus de cette salle, séparé par un vaste escalier. Soudainement, Armand s'arrêta et indiqua d'un geste du bras à Carolina de faire de même alors qu'ils étaient juste en face des escaliers.
"Qu'est-ce qui se passe ?" demanda-t-elle, ne comprenant pas cet arrêt soudain alors qu'il était si pressé tout à l'heure.
Armand leva la tête vers le plafond, une goutte de sueur coulant sur son visage. "Tu ne le sens pas ?" dit-il fébrilement.
"Non, je ne ressens rien de particulier," répondit-elle en regardant également vers le plafond, mais ne voyant rien. Elle ne pouvait pas percevoir cette magie oppressante émanant des étages supérieurs qui glaçait le sang d'Armand, n'ayant jamais rien ressenti de tel.
Un peu plus tôt, dans le couloir du purgatoire, le duel entre Bojan et Octavia faisait rage, et aucun des deux ne voulait montrer à son adversaire une once de fatigue. Bojan réussissait à frapper Octavia grâce à sa vitesse. Bien que sa magie soit inefficace contre elle, il était assez fort physiquement pour lui asséner des coups puissants. Sa vitesse lui donnait un avantage, mais Octavia était très résistante et parvenait souvent à parer ses attaques avec sa hache.
"Je dois avouer que tu tiens plus longtemps que prévu pour quelqu'un qui ne s'est pas battu depuis des lustres," dit-elle de façon méprisante.
"Je suis moi-même étonné. On dirait presque que tu te ménages face à moi, et ça m'énerve d'autant plus," répliqua-t-il en canalisant la magie environnante dans ses poings sous forme d'électricité.
"Quel tour de passe-passe tu prépares encore ?" demanda-t-elle sans vraiment attendre de réponse, se mettant en position pour riposter avec son arme. Elle fit glisser un doigt vers la partie supérieure du manche de sa hache, et une sorte de jauge apparut, augmentant au fur et à mesure que son doigt glissait dessus. Une fois le maximum atteint, la hache absorba également de la magie et créa une sorte d'extension d'elle-même pour doubler de taille.
Bojan sourit en voyant cela et ouvrit alors ses poings, libérant dix petites sphères d'électricité sur chacun de ses doigts. Elle les observa avec méfiance, puis il les lança un peu partout dans la zone. L'une d'elles se dirigea vers Octavia, qu'elle dissipa d'un geste de la main grâce à son apathomagie. Elle leva les yeux et remarqua que les neuf autres sphères restaient stationnaires là où il les avait lancées. Se doutant qu'il préparait quelque chose, elle resta vigilante. Dès qu'elle reposa son regard sur lui, il disparut.
Elle balaya du regard tout le couloir et remarqua un faisceau électrique ricochant entre les sphères à grande vitesse. Elle resserra sa prise sur sa hache, ses yeux suivant les mouvements rapides de Bojan. Elle savait qu'il préparait quelque chose, mais n'avait pas encore compris quoi. Ses doigts se crispèrent sur le manche de son arme, prête à frapper à tout moment.
Bojan, quant à lui, utilisait ses sphères électriques pour se déplacer rapidement et perturber son adversaire. Chaque ricochet augmentait sa vitesse, rendant ses mouvements de plus en plus imprévisibles. Il savait qu'il devait frapper fort et vite pour avoir une chance de la vaincre malgré son avantage.
Soudain, il surgit derrière elle, ses poings chargés d'électricité. Octavia, réagissant instinctivement, consciente qu'il était inutile de deviner d'où il surgirait au vu de sa vitesse, fit virevolter sa hache au-dessus d'elle, libérant des lames d'air dans tout le couloir. Il esquiva de justesse, mais cela ralentit son assaut, permettant à Octavia de le localiser. Elle arrêta sa hache et la brandit rapidement contre lui. Son poing heurta la hache magique, créant une décharge électrique intense au contact de la magie de l'arme.
La collision des magies provoqua une onde de choc. Bojan fut projeté légèrement en arrière ; il tomba à genoux, se tenant la main droite ensanglantée et gémissant de douleur. Lors du choc contre la hache, une lame d'air l'avait touché, laissant une entaille sur ses quatre doigts.
Octavia, elle, fut projetée plus loin, contre un mur, à cause de son poids plus léger. Sa hache avait subi de lourdes séquelles lors du choc : le revêtement magique qui avait doublé sa taille fut brisé ainsi que le mécanisme servant à catalyser la magie, la réduisant à une simple hache.
Chacun se releva péniblement : Bojan se tenant toujours la main à cause de la douleur, Octavia s'appuyant sur sa hache. Leurs regards, sérieux et déterminés, ne vacillaient pas depuis le début de leur affrontement ; aucun ne voulait céder.
Après un court instant, Bojan se décida à s'approcher, faisant un pas lourd vers Octavia. Soudain, il s'immobilisa brusquement, une sensation l'arrêtant net, sa respiration s'accélérant subitement. Il pivota, fixant les escaliers menant au rez-de-chaussée. Octavia, d'abord perplexe car elle ne pouvait rien sentir, comprit finalement ce qui se passait.
"Vous auriez dû fuir tant que vous le pouviez, et laisser cette fille tranquille. Votre petit jeu est terminé," dit-elle en souriant, glissant le long du mur pour s'asseoir à nouveau, épuisée.
Au même moment, au rez-de-chaussée de la Forteresse d'Argent, les prisonniers cherchaient un chemin à travers la brume épaisse qui envahissait toute la prison. Octavia avait blessé voire abattu certains avant de descendre au sous-sol. Profitant de la brume, certains avaient réussi à lui échapper et, une fois qu'elle était partie, ils avaient immédiatement cherché à s'échapper au plus vite.
"Bordel, on n'y voit rien. T'as trouvé quelque chose ?" demanda un prisonnier à son camarade alors qu'ils cherchaient le grand portail.
"Rien du tout, c'est le brouillard complet," répondit l'autre, progressant près des murs pour essayer de trouver la sortie.
Soudain, une voix les alerta au loin : un prisonnier avait finalement trouvé le portail. Tous accoururent vers la voix et découvrirent effectivement le fameux portail, leur dernière étape vers la liberté. Il était décoré des mêmes chaînes violettes que la porte menant au sous-sol. Un homme assez fort tenta de l'ouvrir, mais en vain, et sembla étrangement épuisé après sa tentative. D'autres essayèrent à leur tour, sans succès.
"On n'arrive pas à l'ouvrir ! Ces chaînes absorbent notre énergie, c'est impossible."
"Comment on pourrait l'ouvrir alors ?" demanda un autre détenu.
"A tous les coups la clé devrait se trouver dans le bureau du directeur de la prison…" déclara un prisonnier.
"Attendez une minute," dit un prisonnier ressentant soudainement quelque chose. "Vous sentez ça vous aussi ?" Il se retourne regardant le couloir d'en face totalement embrumé.
Tous les prisonniers se turent, ressentant la même chose de l'autre côté du couloir. L'air était devenu oppressant d'un coup et la terreur se lisait sur tous les visages. Cependant, l'un d'eux prit son courage à deux mains et s'avança dans la brume. Ils lui disaient de rester ici, car ils ne savaient pas ce qui pourrait arriver, mais il répliqua qu'ils étaient déjà trop loin pour abandonner si près du but, et que le bureau devrait se trouver près de l'entrée de ce couloir, si sa mémoire était bonne.
Arrivant finalement devant la porte du bureau après avoir longé le mur pour ne pas se perdre dans le brouillard, la sensation de malaise s'intensifia. Avalant sa salive, il se pencha pour poser la main sur la poignée, mais avant même qu'il ne la touche, la porte explosa violemment, projetant des débris contre le mur opposé et écrasant l'homme entre elle et le mur. Des briques du mur s'effondrèrent sous la force de l'impact.
L'explosion fut si violente qu'elle dissipa brièvement la brume environnante. Les autres prisonniers, restés près du portail, furent choqués par ce qu'ils venaient de voir, redoutant le pire, sachant pertinemment qui était le responsable de cet événement. Un homme sortit de la pièce, furieux au point de briser son cigare en deux entre ses dents et de le laisser tomber à ses pieds avant de cracher violemment l'autre moitié au sol.
Il s'agissait d'Herman, le directeur de la Forteresse d'Argent, perturbé dans son sommeil par le vacarme autour de son bureau, ignorant la situation dans sa propre prison. Il découvrit la forteresse mystérieusement embrumée et sentit une foule de prisonniers agglutinés près du portail menant à la sortie. Une rage intense parcourut son corps, ses veines prêtes à éclater, et il rugit à pleins poumons.
"Qu'est-ce que c'est que ce bordel !!!" Le cri de rage d'Herman résonna à travers toute la forteresse, perçant la brume et glaçant le sang des prisonniers. Sa silhouette massive avança alors vers eux, chaque pas résonnant lourdement sur le sol de pierre. Les prisonniers, terrifiés, commencèrent à se disperser, cherchant désespérément un endroit où se cacher ou même à retourner dans leur cellule, sachant que l'affronter n'était pas une option.
Fin du chapitre 16.