Le soleil s'était levé depuis un moment lorsque Armand ouvrit les yeux. Les souvenirs de la veille se mêlaient à ses pensées. Il s'étira longuement avant de sortir de son lit, ressentant encore la fatigue de l'entraînement d'hier dans ses muscles. Il passa la main sur la gourde magique, toujours dans la capuche de son sweat posé sur la chaise, elle semblait être collé à celle-ci, se rappelant avec une pointe de fierté de sa réussite de la veille.
Il descendit dans la cuisine, où il trouva Maître Kaka debout, préparant une infusion aux herbes et aux tournesols venant directement de son jardin. L'odeur réconfortante remplissait la pièce.
"Bien dormi, Armand ?" demanda Maître Kaka.
Armand acquiesça en s'étirant légèrement. "Oui, même si j'ai encore un peu mal partout à cause de l'entraînement d'hier."
Le maître hocha la tête et lui tendit une tasse de l'infusion. "Bois ça, ça te fera du bien. Et dis-moi, comment s'est passée ta soirée à Auroria ?"
Armand prit une gorgée, appréciant la chaleur de la boisson et son parfum floral.
"C'était intéressant. J'ai vu beaucoup de choses, et le restaurant où j'ai mangé était parfait. Mais... il y a quelque chose dont je dois vous parler."
Il raconta alors en détail sa soirée, ce qui s'était passé après le restaurant, et ce qu'il avait vu avec la garde impériale, l'arrestation de l'homme aux cheveux rouges, et sa poursuite discrète jusqu'à la Forteresse d'Argent. Maître Kaka l'écouta attentivement, son visage trahissant une légère inquiétude.
"La Forteresse d'Argent, dis-tu... C'est un endroit dangereux, même pour quelqu'un avec tes capacités. Tu as bien fait de ne pas t'aventurer plus loin, mon garçon."
Armand acquiesça, se souvenant de la femme à la hache et de l'ambiance oppressante de la forteresse entourée par de nombreux gardes. "Mais pourquoi la garde impériale serait-elle si intéressée par cet homme ? Et pourquoi l'emmener là-bas ?"
"Cette forteresse est un lieu de détention pour les individus considérés comme particulièrement dangereux ou importants pour le royaume. Il est possible que cet homme soit impliqué dans quelque chose de grave," expliqua Maître Kaka.
"Il avait un tatouage étrange sur le visage, une sorte de 'L' inversé."
Maître Kaka fronça les sourcils. "Hmm... j'ai déjà vu ce genre de symboles dans d'anciens textes, lorsque je visitais la bibliothèque de Ravinia, au nord de Primis. Cela pourrait être un symbole utilisé par d'anciens groupes rebelles du nord ou des îles. S'il est effectivement affilié à l'un d'eux, cela expliquerait l'intérêt de la garde impériale. Maintenant que tu le dis d'ailleurs, ces derniers temps, j'ai souvent vu une affiche qui ressemble à la personne que tu me décris."
Armand se tut un moment, réfléchissant à ce qu'il venait d'apprendre. La situation semblait plus complexe qu'il ne l'avait imaginé. Maître Kaka se leva alors et se dirigea vers la porte qui menait au jardin, invitant Armand à le suivre dès qu'il se sentirait reposé pour continuer l'entraînement. Après avoir terminé son infusion, Armand se sentit revigoré et rejoignit son maître sans tarder.
La journée passa rapidement, et la nuit tomba tout aussi vite. Après une douche bien méritée, Armand, une serviette sur les cheveux mouillés, se dirigea vers sa chambre. Il remarqua sa première tunique, celle qu'il portait à son arrivée, posée sur son bureau. Bien que toute abîmée, elle semblait avoir été lavée avec soin.
"Pourquoi l'a-t-il lavée ?" se demanda-t-il à voix haute.
Il prit la tunique et réalisa que toutes ses autres tuniques avaient également été lavées. Un sourire se dessina sur ses lèvres, il pensait que son maître n'avait pas besoin de se donner autant de mal pour lui. Armand s'assit sur son lit, regardant par la fenêtre tout en méditant sur ce monde qu'il connaissait encore si peu.
Il observa ensuite le dos de sa main droite, où se trouvait le tatouage de son étoile à quatre extrémités, symbole de son destin en tant que "légende" chargée de sauver Primis. Il ferma son poing, repensant à la Forteresse d'Argent et au marchand horrible qui vendait des criminels en esclavage à des nobles.
"Si je dois protéger ce monde, cela signifie-t-il que je dois aussi protéger ces pourritures ? À quoi bon être un héros si je dois fermer les yeux sur ça ?" pensa-t-il.
Il regarda à nouveau par la fenêtre, la lumière de la lune et les quelques lueurs d'Auroria illuminant sa chambre. Il serra le poing et tourna son regard vers sa main qui tenait encore la tunique abîmée. Soudain, une idée lui vint. Il se leva du lit, enfila son sweat à capuche, un bas d'entraînement usé ainsi que ses mitaines qui cachaient son tatouage. Il déchira ensuite sa tunique usée pour en faire un foulard qu'il enroula autour de sa tête, ne laissant que ses yeux visibles.
Se baissant, il posa une main au sol, enduisant celle-ci de son aura indigo. Il canalisa la magie à travers le plancher pour créer un léger portail indigo qui s'arrêta juste au-dessus de l'endroit où devraient se trouver ses chaussures. Il créa un deuxième portail à côté de lui, passa sa main à travers pour récupérer ses chaussures, et referma les portails. Il prend également un petit sac contenant trois fioles du liquide verdâtre en cas de besoin, qu'il met dans sa ceinture.
Après s'être chaussé, il se dirigea vers la fenêtre, l'ouvrit et posa un pied sur le rebord. Il jeta un dernier regard à sa chambre et à la porte fermée.
"Désolé, maître."
Il sauta par la fenêtre et atterrit sur le sol. La nuit était fraîche et calme, ses yeux s'illuminaient de bleu tandis que la magie enveloppait tout son corps. Il courut à toute vitesse vers la cité. Les rues étaient vides et silencieuses, les horloges indiquant qu'il était déjà une heure du matin. En pleine course, il fait un bond, entourant son pied d'une aura rouge pour atterrir sur les toits sans attirer l'attention, puis il reprend son chemin vers le quartier nord.
Pendant ce temps, à l'intérieur de la forteresse, Octavia émergeait du sous-sol après avoir franchi une grande porte menant à un long couloir au rez-de-chaussée de la prison. Ses talons résonnaient dans le couloir vide. Elle avançait en direction de ses quartiers pour se reposer lorsqu'elle aperçut Saukel, qui attendait devant la porte du bureau du directeur.
"Pourquoi cette fâcheuse habitude de venir si tard ?" Octavia émergea derrière lui, faisant sursauter Saukel qui se retourna précipitamment.
"Oh, quelle joie inattendue de te croiser, Octavia !" Saukel tenta de détendre l'atmosphère.
"Abrège. Je suis épuisée," répliqua Octavia, se dirigeant vers son quartier privé.
"Il est minuit passé, ce qui signifie que la transaction se déroulera demain. L'excitation me gagne ! D'ailleurs, j'ai ouï dire que vous avez enfin capturé le voleur, ce misérable Floréen."
Un silence lourd s'installa, Octavia le fixant intensément. Saukel comprit aussitôt qu'il avait commis une erreur, mais elle prit la parole avant qu'il ne puisse s'excuser, poursuivant son chemin.
"Effectivement, il est incarcéré dans le purgatoire. Mais ce n'est qu'un criminel, rien d'autre."
"Je te prie de pardonner mon impertinence. Puis-je aller voir la Mèche Blanche ? Après tout, c'est grâce à moi que vous allez réaliser une belle affaire. J'ai bien mérité ce privilège, non ?" Saukel se frottait les mains, affichant un sourire forcé, et s'avança vers l'escalier central. Octavia se retourna, prête à dégainer sa hache, sa main effleurant la poignée.
"Il est hors de question."
"Très bien... Je vais simplement me promener parmi les cellules, ne t'en fais pas, je te crains bien trop pour tenter quoi que ce soit." Saukel leva les mains en signe de pacification, et Octavia relâcha sa hache. Sans un mot de plus, elle continua son chemin, claquant la porte derrière elle en s'engouffrant dans son quartier, laissant Saukel seul dans le hall.
Il gravit les marches, passant devant les cellules où gisaient des prisonniers endormis et misérables, certains sans lit.
"Entre un directeur qui préfère sommeiller plutôt que de remplir ses fonctions et cette garce qui se croit tout permis de par sa force... Cette prison n'est qu'un asile d'imbéciles." Saukel marmonnait en déambulant dans les couloirs de la forteresse. Il remarqua que les gardes étaient moins nombreux qu'à l'ordinaire, probablement à cause de la récente capture du voleur qui les avait occupés.
"Un tel relâchement de la vigilance m'inspire peu confiance." Arrivé au bout du couloir principal, il aperçut l'escalier menant aux cellules spéciales où étaient détenus les deux futurs esclaves de Baring. Bien qu'il lui fût interdit d'y monter, cela ne faisait que davantage attiser sa curiosité.
Il vérifie autour de lui si aucun garde ne le surveille et se précipite vers les escaliers et ferme la porte derrière lui pour ne pas attirer l'attention. Il les monte rapidement malgré son corps dodu et arrive devant les cellules dont la seule qui n'était pas vide était celle des deux prisonniers.
"Qu'est-ce que ça veut dire ?!" cria-t-il.
Il réveilla Bojan, qui somnolait sur le sol de sa cellule. Saukel était furieux et confus : Carolina n'était plus là. La rage monta en lui tandis qu'il s'avançait vers les barreaux, les saisissant fermement.
"Toi ! L'Arubéen ! Où est la fille ?"
Le prisonnier se redressa légèrement, lançant un regard noir à Saukel.
"Cette femme l'a emmenée. Ça fait longtemps qu'elle n'est plus ici," répondit Bojan d'un ton calme, ce qui énerva encore plus Saukel.
"Octavia ?" s'interroge-t-il.
Il se souvient avoir vu Octavia revenir du sous-sol plus tôt. Cela expliquait pourquoi elle n'avait pas insisté davantage lorsqu'il avait dit qu'il allait monter visiter les cellules. Elle savait qu'il finirait par monter ici.
"J'espère qu'elle ne l'a pas mise au purgatoire," marmonna Saukel, relâchant les barreaux, frustré de s'être fait duper.
Son regard se posa de nouveau sur Bojan, toujours entravé malgré sa cellule. Il pouvait à peine bouger dans cet espace restreint. Une idée lui vint alors à l'esprit. Il passa sa main devant la serrure de la cellule, la magie activant le mécanisme d'ouverture. La porte s'ouvrit, mais les liens de Bojan se resserrèrent davantage, une sécurité implantée pour empêcher toute évasion.
Saukel créa un fouet avec la magie environnante et s'approcha de Bojan. Ce dernier comprit rapidement ce qui allait se passer : Saukel voulait se défouler sur lui. Il se recroqueville sur le sol tandis que le marchand commençait à le frapper avec violence. Bojan mordait ses lèvres pour étouffer ses cris de douleur, refusant de donner à Saukel la satisfaction de le voir souffrir.
Cependant, les coups de Saukel se faisaient de plus en plus intenses. Bien que physiquement faible, il prenait un plaisir sadique à abuser des prisonniers, qui, à cause de leurs menottes magiques, étaient impuissants.
"C'est la fille que Baring veut absolument ! Toi, tu ne seras qu'un amas de muscles sans cervelle parmi tant d'autres pour lui ! Il ne dira rien si tu es un peu abîmé !" dit Saukel, s'amusant de la situation.
Les coups pleuvaient, laissant Bojan couvert de contusions, mais sa volonté restait intacte. Cependant, il finit par craquer, émettant des gémissements de douleur alors que le fouet s'abattait avec force sur son dos nu, déjà marqué par des cicatrices anciennes. Soudain, une voix faible et lointaine l'interpella.
"Tiens bon," semblait dire la voix.
Ouvrant les yeux, Bojan aperçut une légère fumée sombre se déplacer sous ses jambes. Il ne comprenait pas ce qui se passait tandis que les coups continuaient à s'abattre.
Au bout d'un moment, Saukel remarqua lui aussi la fumée, qui devenait de plus en plus dense. Intrigué et inquiet, il arrêta ses coups et chercha à comprendre d'où elle pouvait bien provenir. La cellule, située tout en haut de la tour de la forteresse, était normalement totalement hermétique, sans la moindre fenêtre.
"Qu'est-ce que c'est que cette fumée noire ? Non, bleue ? D'où ça vient ?" murmura Saukel.
Bojan leva la tête, et ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il vit un immense amas de fumée sombre au-dessus de lui et de Saukel. Celui-ci, remarquant le regard de Bojan, leva également les yeux et aperçut la même chose. La fumée tourbillonnait au-dessus d'eux.
"Qu'est-ce que... ?!" commença Saukel.
Avant qu'il puisse dire quoique ce soit d'autre, une silhouette émerge de la fumée. La brume indigo obscurcissait sa vue, mais soudain, la silhouette tomba sur Saukel, le plaquant au sol. Une lueur rougeâtre brilla au milieu de la fumée et frappa Saukel en plein visage, l'écrasant contre le sol avec une telle force que la tour en trembla légèrement.
Bojan, pris de panique, se recula jusqu'à être dos au mur, essayant de comprendre ce qui se passait. La fumée ainsi que la faille qui se cachait au plafond s'estompèrent peu à peu, révélant la silhouette. C'était un homme d'une vingtaine d'années, portant un pantalon modeste, un sweat à capuche et le visage caché par un tissu déchiré qui l'entourait. Saukel gisait au sol, inconscient, le visage en sang et presque écrasé contre le sol de la cellule qu'il avait lui-même ouverte.
"Ne t'en fais pas, je suis ici pour mettre un terme à tout ça," déclara-t-il d'une voix ferme.
Il visa les chaînes et les menottes de Bojan avec ses doigts, les positionnant comme s'il tenait un pistolet, et tira de petits rayons d'énergie rouge. Les chaînes et les menottes cédèrent immédiatement sous l'effet du choc et de la chaleur. Bojan, abasourdi, se releva lentement, n'en croyant pas ses yeux.
"Qui... qui es-tu ? Pourquoi tu... ?" balbutia Bojan, abasourdi par la libération soudaine.
Armand retira sa mitaine droite et dévoila son tatouage à Bojan. Ce dernier, reconnaissant immédiatement le symbole, regarda le livre d'images au sol puis Armand à nouveau, comprenant tout de suite ce que c'était. Armand sourit, remit sa mitaine et se tourna, parlant à Bojan par-dessus son épaule.
"Je suis simplement quelqu'un qui n'a plus rien à perdre !" s'exclama Armand.
Fin du chapitre 12.