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Chapter 11 - chapitre 10 : un soufle de vie

Un battement, voilà tout ce qu'elle entendait. À peine consciente, Malnora était bloquée dans sa capsule éjectable. Depuis quand s'était-elle endormie ? Elle ne le savait guère ; cependant, la sensation désagréable qui parcourait ses jambes lui indiquait clairement que sa situation ne datait pas d'hier. Rassemblant les dernières forces qui lui restaient, elle tendit le bras vers le mécanisme d'ouverture, mais celui-ci ne répondit pas à la faible pression de sa main fatiguée. La porte était bloquée, le system d'évacuation aussi semblait enraillé. 

Était-elle condamnée à se voir mourir lentement prise au piège, fossilisé pour l'éternité dans cette capsule de verre teinté ? Exposé là, à la vue de tous. Comme une œuvre macabre dont jamais personne ne verrait la véritable nature. Quelle horreur.

Cette idée effroyable fit perdre ces moyens à la scientifique qui n'écoutant dés lors plus que son instinct primitif frappa violemment son poing contre la porte de la capsule, un geste désespéré qui pourtant ne fut pas inutile, car dans cette lutte acharnée, Malnora reprit conscience lorsqu'elle sentit un faible courant d'air passer par les fentes de la cabine. Si elle sentait de l'air, la porte ne pouvait pas être verrouillée et par conséquent être mise sous pression. Cela signifiait qu'elle avait une chance. Elle comprit aussi du même temps que l'atmosphère de la planète lui était supportable, sinon cela ferait sûrement déjà plusieurs jours qu'elle serait morte. Une idée aussi rassurante a ses yeux qu'elle était effrayante, car qu'en était-il des autres membres de l'équipage ?

Par sagesse ou par crainte, elle refusait de le concevoir. Alors dans un ultime effort, son cœur s'accéléra et Malnora se remit au travail. Utilisant le fragment brisé d'une barre de métal comme levier, elle força l'ouverture, ou pour être plus précis, elle créa un léger interstice entre la porte et l'extérieur.

Un espace certes inconfortable, bien loin du confort des portes automatiques, mais qui lui permettrait de s'extraire de la navette. Ses jambes n'avaient plus la force de la porter. Alors pour compenser Malnora se mit à ramper. 

Enfin sortie, elle constata l'ampleur des dégâts. De sa navette, il ne restait plus que sa cellule de maintien. Et encore, si on pouvait appeler cela une « cellule ». Mais elle refusa de s'attarder, car une question l'obsédait avant toute autre chose. Où sont les autres ? 

Malnora, pour résoudre ce problème fit un rapide calcul d'estimation de trajectoire. En se fiant à l'orientation de la navette, Malnora parvint à déduire approximativement la position du vaisseau mère. Un simple calcul de géométrie et de physique, rien de bien compliqué pour une scientifique comme elle. 

Pas si loin, se dit-elle. Alors, animée d'une volonté féroce, née d'un courage désespéré, elle ne prit pas même le temps d'observer les alentours avant de se lancer dans cette odyssée périlleuse. Pour elle, c'était clair. Son salut devait se trouver là-bas. 

Plus elle avançait et plus c'était difficile, ses forces la lâchaient, elle se devait d'enfin accepter la réalité, ses membres étaient en compote. De plus, bien que le crash ait largement déboisé la zone, le sol n'en restait pas moins tortueux, sinueux de malice. 

Exténuée, elle s'arrêta de respirer pendant quelques secondes. Chaque battement de son cœur était plus lourd que le précédent. Elle s'effondra. Lorsqu'elle reprit conscience, Malnora eut l'impression de voir une forme se mouvoir au loin. Cette ombre semblait avancer puis s'effacer. Qu'était-ce ? Malnora était trop fatiguée pour avoir peur ou simplement avoir des pensées cohérentes. Malgré cela, elle avait récupéré suffisamment de forces pour se tenir debout. Son cœur ne s'emballait plus, il suivait lentement le rythme de sa respiration saccadée. Ses jambes lui obéissaient de nouveau. Elle en avait presque oublié la sensation que lui procurait le simple fait de les plier.

Mais elle ne revint à la raison que lorsqu'elle réalisa qu'elle n'avait pas encore fini son périple. "Le vaisseau." Dit-elle alors faiblement. 

À chaque geste, elle ressentait une pique de douleur qui la faisait tituber tant bien que mal, mais c'était déjà ça, elle marchait et bien que ce ne fut que de petit pas, ils étaient grands à ses yeux. D'autres ombres s'étaient jointes au festival. Elles se mouvaient lentement entre les branchages, mais Malnora comme aveugle, se contenta de les ignorer. Elles avançaient à son rythme, méfiante, mais calme. L'observaient-elles ? Sûrement. Mais trop faible pour même essayer de les effrayer, Malnora ne pouvait qu'espérer que leur curiosité malsaine était leur seul défaut.

Alors, elle avança encore et encore, elle avança tant qu'elle le pouvait. Elle le devait, et ce, malgré la douleur insoutenable de ses jambes, ou son cœur qui se faiblissait. Elle n'était plus très loin désormais. La scientifique s'appuya contre un arbre ; celui-ci semblait toujours tenir debout, intact, parmi les décombres du cataclysme. Il était immense. À son contact, il lui parut bien étrange, car l'arbre semblait battre, un flux le parcourait. Ses sens lui jouaient probablement des tours, elle était si fatiguée. Tout était trouble, et les arbres, surtout de cette taille, ne bougent pas comment une chose aussi massive le pourrait ? Au loin, il lui sembla apercevoir une forme familière. 

" Capitaine ?" S'écria t'elle. Elle voulut courir vers lui pour le rattraper, mais elle était trop lente. Lorsqu'elle fut enfin arrivée à l'endroit où elle avait pu observer son ami, il n'y avait déjà plus rien. Pas même le signe d'un mouvement. Elle se dit qu'elle avait dû halluciner sous la fatigue, et puis, après tout, n'importe quoi peut ressembler à un visage de loin. 

La situation était de plus en plus désespérée. Malnora, elle-même, avait du mal à imaginer comment elle pourrait s'en sortir. Pourtant, comme une lueur d'espoir, une lanterne dansant dans le vide, éclairant les ténèbres du crépuscule. Elle vit une nouvelle fois le visage de son ami au loin. Il semblait l'inviter à le suivre. Bercé par l'illusion, il était là à ses yeux, devant elle. Pourtant, encore une nouvelle fois à son approche, il disparut. Le comprenant, elle perdit l'équilibre trébuchant sur une branche, s'effondrant au sol, perdant tous ses moyens. Quelques instants plus tard, en se redressant, ce qu'elle revanche était bien réel. 

Le vaisseau, il était là également. Plus intègre qu'elle ne l'imaginait et surtout son équipage. Il devait être là. Malnora toussa bruyamment vidant ses poumons l'épaisse poussière qui planait encore autour des vestiges du navire. Cela ne la découragea pas pourtant, un pas après l'autre, il lui suffisait de marcher. Sans réfléchir, juste faire fonctionner les vieux rouages de son corps abîmé. 

Ce furent les plus longues minutes de sa vie. Les plus douloureuses aussi, mais elle étaient là désormais, avec son aide, ils pourraient s'en sortir. Et ... ce n'est que la qu'elle réalisa son erreur, alors qu'elle poussait lentement les quelques débris qui gênaient l'entrée de l'habitacle, elle s'en rendit compte. Il ne pouvait pas être en vie. Comment aurait-il pu respirer l'air de Nekea ? Il était déjà improbable qu'elle-même le puisse. D'ailleurs, avant même cela, comment aurait-il pu survivre au crash ? À quel point s'était-elle avérée chanceuse ; à combien s'évaluer leur chance ? Pratiquement nulle, elle le savait désormais, peut-être même moins encore. Voilà ce qu'il en était vraiment. Ce n'est pas pour rien que le protocole de l'alliance établit toujours les premiers contacts avec l'aide de robot.

Des larmes coulaient sur ses joues, la raison l'avait enfin emporté. Ses forces la lâchaient, elle ne trouvait plus le courage de porter son propre corps, ses yeux se fermaient d'eux-mêmes, et pourtant encore, juste avant de s'effondrer, elle resentit une sensation familière.