Le soleil déclinait lentement, teintant la route sinueuse d'une lueur dorée et vacillante. Galäm, assis près de Donovan, jetait des regards furtifs autour de lui, fasciné par les vastes étendues sauvages qui s'étendaient de part et d'autre du chemin. Ces terres, plus indomptées et sauvages que celles qu'il avait connues jusqu'ici, portaient les vestiges d'une histoire ancienne. On disait que les elfes les dominaient jadis, et il lui semblait que la brise y murmurait encore des mystères qu'eux seuls pourraient entendre.
À ses côtés, Donovan, visage serein et regard perçant, tenait fermement les rênes de leur chariot. Derrière eux, des caisses scellées, soigneusement dissimulées sous une toile de lin poussiéreuse, gisaient en silence. Leur contenu n'était pas anodin : une précieuse cargaison de vin de me-rior, interdit dans les terres d'Etelor, célèbre pour ses vertus enivrantes et sa réputation sulfureuse. Cette cargaison était bien plus qu'une simple justification pour leur voyage ; elle donnait à Donovan un prétexte parfait pour traverser ces régions sans attirer l'attention. À chaque cahot du chemin, les caisses tintaient doucement, émettant un léger bruit de verre qui n'échappait à aucun des passagers, surtout pas à Uean.
Assis en retrait, Uean observait Donovan et Galäm avec une méfiance discrète. Son visage, marqué par une expression oscillant entre suspicion et curiosité, scrutait le moindre de leurs gestes. Certains détails troublaient le jeune homme. La coupe raffinée des habits de Galäm, malgré leur sobriété, trahissait une origine noble difficilement dissimulable ; quant à Donovan, il émanait de lui une tranquillité maîtrisée qui contrastait avec l'allure habituelle des marchands qu'Uean avait croisés au fil des routes.
Uean soupira, ses yeux glissant vers les deux marins qui les accompagnaient. Insensibles à l'atmosphère lourde de mystère qui planait sur cette route, ils chantaient gaiement des chansons paillardes, ponctuées de rires rauques. Leurs voix puissantes résonnaient dans le silence de la route déserte, se mêlant étrangement aux bruissements de la forêt dense qui les entourait. À mesure qu'ils s'enfonçaient dans la végétation, les troncs massifs des arbres resserraient leur couvert au-dessus de leurs têtes, plongeant la route dans une ombre verdâtre où les rayons du soleil peinaient à pénétrer. La végétation, d'un vert sombre et étouffant, semblait dissimuler des secrets anciens, tandis que le vent, glissant entre les branches, rappelait les murmures oubliés des elfes ayant autrefois régné sur cette région.
« Etelm Nar… » murmura Galäm, ses yeux se perdant dans les ombres menaçantes qui s'épaississaient devant eux. « Les légendes disent que même bien après la chute des elfes, ces ruines restaient hantées par leurs spectres. Une lueur pourpre éclairait leurs machines oubliées, et leurs cris stridents résonnaient, terrifiant même les cœurs les plus hardis. » Il marqua une pause, une lueur malicieuse dans le regard. « Mais heureusement pour nous, les sages d'Etelor ont démenti ces récits… à moins qu'ils n'aient été eux-mêmes trompés ? » ajouta-t-il, scrutant discrètement ses compagnons du coin de l'œil, curieux de leurs réactions.
Donovan hocha la tête lentement, sans détourner les yeux de la route. « Les elfes avaient des connaissances que nous ne pouvons qu'effleurer. Leur monde a disparu depuis longtemps, mais ce que nous découvrirons là-bas pourrait nous éclairer… ou bien nous perdre davantage. »
Le ton grave de Donovan renforça les soupçons d'Uean, qui fronça les sourcils, de plus en plus troublé par ces paroles énigmatiques. « Tout ce mystère pour un marchand de vin, Donovan ? Pourquoi ces ruines sont-elles si importantes pour vous ? »
Un sourire calme se dessina sur le visage de Donovan, mais il ne répondit pas, se contentant de fixer un point au loin. Au même instant, un cri de joie retentit du côté des marins, l'un d'eux ayant aperçu une silhouette sombre se détachant à l'horizon : les ruines d'Etelm Nar.
À mesure qu'ils approchaient, le contour du complexe se précisait. Des structures de pierre massives se dressaient devant eux, comme les gardiennes endormies d'un passé oublié. Les ruines, partiellement dissimulées sous les lianes et la mousse, semblaient étrangement intactes malgré les siècles d'abandon. Elles exhalaient une majesté intemporelle. Galäm distingua des gravures mystérieuses sur les murs, un langage en trois dimensions, sculpté dans la pierre, qui surgissait en relief complexe et changeant selon la lumière. Ces symboles, incompréhensibles pour les humains, rappelaient pourtant les sonorités familières de leur propre langue, bien que déformées par un mysticisme elfique insaisissable.
Saisi par la beauté et la solennité du lieu, Galäm s'approcha d'un des murs, ses doigts frôlant les symboles étranges. À ses côtés, Donovan, silencieux, partageait son émerveillement. Les histoires anciennes racontées par son ami lui revinrent en mémoire, et une vague d'inspiration l'envahit, comme s'il pouvait presque percevoir la présence de ceux qui avaient bâti cet endroit. Ces ruines n'étaient pas de simples vestiges. Elles étaient une archive, une relique vivante, un message laissé par une civilisation disparue, une preuve éternelle de leur savoir.
« Incroyable… » murmura Galäm, subjugué.
Un léger bruit derrière lui le tira soudain de ses pensées. Se retournant, il aperçut Uean, qui continuait de les observer avec une méfiance visible, comme s'il tentait de percer les secrets invisibles que Galäm et Donovan semblaient s'efforcer de masquer.
Les marins, eux, riaient toujours aussi bruyamment, inconscients de la gravité du lieu où ils se trouvaient. L'un d'eux extirpa une bouteille de me-rior de l'une des caisses et, dans un éclat de rire, leva son verre en hommage aux « fantômes elfiques ». Donovan sourit et accepta le toast, portant également le verre à ses lèvres, tandis que Galäm, malgré son inquiétude, leur souriait en retour, espérant y cacher son trouble.
Uean, lui, restait immobile, observant les ruines d'un regard sombre et pénétrant, comme s'il cherchait à percer le voile de mystères que ses compagnons ne partageaient pas avec lui.
Alors que le soleil disparaissait derrière l'horizon, ses derniers rayons baignèrent Etelm Nar d'une lumière ambrée, glissant sur les inscriptions comme une caresse subtile qui semblait ranimer, ne serait-ce qu'un instant, la mémoire de l'endroit. Le crépuscule s'installait, et peu à peu, les ombres s'épaississaient, enveloppant les ruines d'une aura encore plus énigmatique. Les rires des marins se mêlaient aux échos invisibles de l'histoire, résonnant comme une étrange mélodie dans ce sanctuaire oublié, où les secrets elfiques semblaient continuer de flotter dans l'air.
Un hurlement lointain de loup brisa soudain le silence, rappelant aux voyageurs insouciants que la route vers Etelor, bien que sereine en apparence, n'était pas sans danger.