La lune se dresse haute sur le pays de Zhàndòujī, lorsque les crépitements des flammes viennent briser le silence de la nuit. Une forêt brûle. Les arbres sont langoureusement léchés par le feu qui les dévore. La fumée recouvre la cime des troncs. Au centre de ces spectres infernaux prend place une danse sanglante. Le métal crisse à chaque rencontre des tranchants des armes. Des hommes se battent. Leur adversaire est indistinct, le seul indice étant leurs immenses ombres humanoïdes projeté par l'incendie. Les cris des combattants étouffés par l'agonie laissent présager leur défaite imminente. Des arbres s'écroulent, consumés par les flammes ou bien écrasés par une force supérieure. Des hurlements se font entendre, des ordres sont aboyés.
Dans la panique et le chaos, une ombre parvient à s'extirper du brasier. L'entité se déplace rapidement et s'enfuit hors du combat, loin de ces redoutables ennemis qui font tomber les hommes. Elle se déplace parmi les arbres, ses pas faisant craquer les feuilles mortes au sol qui n'ont pas encore été attrapé par le feu. Les grésillement des flammes prennent le dessus sur les bruits de l'affrontement qui s'éloignent. L'individu arrête finalement sa course, une fois sûr d'être assez loin pour ne plus avoir à craindre l'ennemi.
La lumière orangé des langues ardentes qui se rapprochent éclaire son visage. Le visage d'un homme se révèle aux mangeurs d'arbres. Un homme aux visage ridé par l'âge et donc les cheveux, autrefois d'un noir de jais et devenus grisâtres, tombent sur ses épaules.. Ses yeux d'un rouge vif y teintent d'une couleur sanglante la forêt agonisante. Il les détourne vers un linge blanc occupant ses bras. Le vêtement est agité de mouvements. L'homme sourit alors qu'un œil argenté sort entre deux plis et observe les flammes. Cet enfant, dont les yeux sont encore pur, observe avec un mélange de peur et de fascination les mouvements de l'hypnotisante menace ardente. Cependant, ses yeux reflétèrent des ombres parmi les flammes, des silhouettes indescriptibles.
Un effroyable frisson échappa alors à l'homme. Les opposants étaient déjà là. Il referme le linge et se met à courir le plus vite possible. Son corps s'entoure d'une aura rouge au fur et à mesure qu'il accélère. La mystérieuse puissance lui permet d'aller plus vite.
Il continue jusqu'à ce que les arbres s'ouvrent sur une petite clairière en plein milieu de la forêt. Là, se trouve un domaine. Les bruits de ses poursuivants se rapprochent, alors sans même y réfléchir plus longtemps il se précipite vers les murs de l'enceinte. Passer par la porte révèlerait sa présence ici. Il sait qu'ils passeront par le domaine pour le trouver. Sans même avoir besoin d'escalader, il se propulse avec la même énergie qui lui permet d'accélérer pour se retrouver la seconde d'après de l'autre côté du mur. Au fond, à l'opposé de la porte, trône en hauteur un temple. Structure la plus resplendissante, il domine le reste du domaine.
Ce domaine, ce temple, il les connaît comme sa poche. Il s'est entraîné ici, et c'est ici qu'il a rencontré un ami, aujourd'hui propriétaire de cet endroit. Sans plus attendre, il se dirige vers la porte du temple et y toque. Là, il est accueilli par un homme de plus ou moins le même âge. Ce dernier est plus petit, portant ses cheveux attachés en natte et dont les yeux jaunes reflètent la lumière de la lune ainsi que des lueurs embrasés au loin. Le propriétaire voit son ami et s'exclame :
"Gisei.. que viens-tu faire si tard, ici ? Viens, entre, je vais te faire du thé."
Le dénommé Gisei ne peut rester trop longtemps ici. Il ne veut pas que son ami ne puisse répondre à ses devoirs en se blessant. Et il faut quelqu'un pour surveiller l'enfant. Son regard s'attriste alors. Il tend l'enfant à son ami.
"Tian-Han.. S'il te plaît prends soin de lui. Il s'appelle Kazuki, c'est ton neveu.."
Tian-Han regarde alors l'enfant qui pointa son visage. Il sourit, attendrit.
"Il a les cheveux et les yeux de sa mère, mais il te ressemble plus, mon ami.. Mais dit moi, Gisei…"
La peur traverse les paroles d'un frère qui s'inquiète pour sa fratrie
"... où est.. ma sœur ?"
La honte est le seul sentiment qui apparaît sur le visage de Gisei tandis que celui de Tian-Han se décompose.
"Je suis désolé.. Je n'ai pas pu.. je n'ai pas été assez-"
Ses plaintes sont interrompues par des bruits de fracas lourds, derrière les murs. Gisei et Tian-Han se regardent dans les yeux et chacun acquiesce de la tête, en guise d'adieu. Chacun sait ce qu'il a à faire. Tian-Han rentre avec l'enfant dans le temple alors que Gisei ressort par les murailles, appelant les horreurs qui en veulent à sa peau. Il sait qu'il n'a pas la puissance de les tuer. Il n'a qu'une dernière mission, les emmener le plus loin possible de Tian-Han et de Kazuki, pour qu'ils perdent leur trace. Il disparaît une dernière fois dans la forêt, très vite rejoint par ses poursuivants.