Tahrren, Eiji et Ophélie traversaient la ville, en direction de l'étable principale, au nord-est de la ville. Bien que cela était à l'opposé de leur destination, c'est là que leurs chevaux étaient logés. Ils se devaient donc non seulement de les récupérer, mais ils souhaitaient également acheter un nouvel équidé pour Ophélie, qui n'avait plus aucune possession, disparue depuis sept-cent ans.
Le gérant de l'étable leur proposa un cheval d'une robe légèrement rousse. Assurant son endurance pour les trajets de longue durée, d'après ses dires il était également rapide et docile. Pour le prouver, il approcha sa main remplie de foin près de la gueule du cheval. Ce dernier dévora rapidement sa nourriture avant de se laisser caresser.
Ophélie s'approcha doucement de l'animal. D'un geste lent mais assuré, elle attrapa le crâne de l'équidé et le caressa. Rapidement complices, Ophélie exprima avoir fait son choix. Tahrren déboursa une nouvelle fois deux pièces de platines, soit deux cent pièces d'or, ses deux camarades n'ayant pas de tels moyens. Suite à ce dernier achat, sa bourse semblait désormais bien vide.
Tahrren et Eiji retrouvèrent ensuite leurs propres chevaux. Eiji s'approcha de Suiseki et lui caressa le crâne avant de le monter. Il se réunirent ensuite sur le chemin extérieur de la ville qui longeait les murs. Ils ne pouvaient pas couper par la ville car les chevaux, et les animaux de traits en général, y étaient interdits afin d'en assurer la propreté.
Après une demi-heure de trajet au trot, ils arrivèrent enfin au croisement menant au Jardin des Saints. Là, plusieurs chevaliers assuraient la circulation. Bien que l'accès fût ouvert à tous, il était nécessaire de demander au préalable une autorisation à l'hôtel de ville, établissement administratif qui assurait le bien-être des citoyens. La petite clique s'engagea rapidement sur le chemin grâce aux passes fournies par Irina.
Si l'est de la ville était encore sauvage, recouvert par ces immenses steppes qui recouvraient le paysage jusqu'à Ninakami, les territoires du sud était bien plus apprivoisés. On y trouvait des champs à perte de vue, avec tout type d'aliment cultivé : des simples céréales comme le blé, l'avoine ou l'orge, mais également des fruits et des légumes.
Cette immense variété de produit peignait le paysage de différentes couleurs, allant du simple vert au rouge flamboyant de certaines variétés de tomates. Plus ils s'enfonçaient sur ces terres agricoles, plus la variété des productions était importante.
Peu avant leur arrivée à leur destination, ils croisèrent même certaines plantations de fruits tropicaux qu'aucun d'entre eux ne sut reconnaître, pas même Tahrren. Ce n'est qu'après avoir parcouru les chemins sillonnant entre les terres agricoles pendant une journée entière qu'ils arrivèrent à destination.
Alors que le soleil se déposait calmement derrière l'horizon, Eiji, Ophélie et Tahrren aperçurent au loin un petit village dont les toits des maisons hérissaient le sol.
"Enfin, nous voilà arrivé à Hortux !" Dit Tahrren, avec un certain entrain.
Ophélie et Eiji le regardèrent, dubitatifs. Aucun des deux n'eu jamais l'occasion d'entendre ce nom.
"Hortux ?" Demanda Ophélie.
Tahrren regarda tour à tour ses deux compagnons, désireux d'en apprendre davantage. Il ne put s'empêcher d'exprimer un discret sourire, lui qui semblait passer son temps à expliquer les choses. Après tout, il voyageait avec une personne qui venait de se réveiller après sept-cent ans de stase, et quelqu'un qui n'était jamais sorti de ses terres natales !
"Lorsque les bienfaits du Jardin des Saints ont été découverts, Ophélia n'est pas la seule ville à avoir été fondée. Si Ophélia représente la puissance militaire et économique de la région, ainsi que le pôle politique, Hortux en est le penchant agricole. C'est là que vivent les familles des agriculteurs qui gèrent ces terres. C'en est également le centre logistique, là où les nourritures sont conservées avant d'être vendues, livrées ou distribuées."
Ophélie ne put s'empêcher de sourire et d'être heureuse. Alors qu'elle vécu plusieurs années de famines et de disettes, même au sein de la famille royale, elle redécouvrait un monde qui ne connaissait pas cette notion. Personne ou presque n'avait à se battre pour manger à sa faim. Au-delà du simple bonheur, elle ressentait également de la fierté, car elle savait qu'elle n'y était pas pour rien.
Les trois cavaliers déposèrent leurs chevaux aux soins des palefreniers servants à l'étable de la ville et se dirigèrent ensuite directement à l'auberge la plus proche. Cette dernière, bien que bondée, présentait encore quelques places libres au restaurant.
A peine la porte en chêne poussée qu'une voix chaude et suave résonna dans la salle.
"Bienvenue à l'auberge des trois vents ! Désirez-vous une chambre, ou bien simplement un repas ?"
Les trois voyageurs s'avancèrent vers la réceptionniste, vêtue d'une simple tunique en cuir marron et d'un pantalon en toile légèrement plus clair. Ses cheveux bruns et ses yeux verts s'harmonisaient parfaitement avec sa tenue et les murs boisés du bâtiment. Bien que le bâtiment était illuminé par d'innombrables bougies, ils ne purent s'empêcher d'également remarquer le gigantesque lustre accroché au plafond, qui accueillait plusieurs dizaines de bougies.
"Bonsoir." Répondit Ophélie, prenant de court ses deux camarades. "Combien de lits comportent vos chambres ?"
La réceptionniste lui sourit chaleureusement avant de lui répondre.
"Malheureusement, il ne nous reste que des lits simples ou des lits doubles. Les chambres familiales ou de groupes sont toutes occupées."
Voyant le léger sourire qui se dessina sur le visage d'Ophélie, Tahrren prit les devants.
"Nous prendre une chambre double ainsi qu'un lit simple pour la demoiselle."
Le sourire s'effaça du visage d'Ophélie. Celle-ci se retourna vers Tahrren, et le fustigea.
"Et pourquoi ne pourrais-je pas avoir le lit double avec Eiji ? Vous avez peut-être peur que je vous vole votre petit protégé ?"
Tahrren se gratta le visage et hésita un peu avant de répondre.
"Ce n'est pas ça. C'est simplement que… N'est-ce pas un peu tôt pour vous de dormir ensemble ? Vous venez à peine de vous rencontrer."
A ces mots, Ophélie rougit légèrement, mais était loin d'abandonner.
"Pourquoi devrions-nous attendre plus longtemps, simplement pour dormir ensemble ? N'est-ce pas absurde ? Et puis, je pense avoir perdu bien assez de temps comme ça."
Eiji soupira. Bien qu'il fût au cœur de la discussion, il se sentait comme oublié. Voyant qu'ils commençaient à attirer les regards, et que ses camarades n'étaient pas près d'arrêter, il s'approcha de la réceptionniste.
"Veuillez nous excuser. Ils peuvent être un peu bavard parfois. Nous prendrons une chambre simple et une chambre double, avec repas. Nous ne savons pas encore combien de temps nous resterons ici, mais ce sera pour un minimum de deux nuits."
La réceptionniste sut garder son professionnalisme et sourit à Eiji. Très bien cela vous fera un total de deux pièces d'or et cinquante pièces de cuivre par nuit. Vous pouvez régler directement pour vos deux premières nuits si vous le souhaitez.
Eiji fouilla dans sa sacoche en quête des quelques pièces qui lui restaient. Il parvint à tout juste réunir cinq pièces d'or et les tendit à la réceptionniste qui lui donna des clés en échange.
"Voici les clés de vos chambres. Le numéro qui y est gravé correspond à celui de votre chambre. Elles se situent toutes les deux à l'étage. Vous pouvez y aller maintenant, et revenir ensuite apprécier un repas bien chaud."
Eiji remercia la réceptionniste. A peine avait-il terminé qu'Ophélie attrapa son bras et s'y accrocha.
"Et toi, qu'en penses-tu, Eiji ?"
Il soupira avant de lui répondre. "Peu importe. Réglez ça entre vous." Il leur donna la clé de la chambre au lit simple, puis se dirigea vers les escaliers, sans cacher son léger sourire. Il n'imaginait pas Tahrren avoir un côté si puéril et si pudique.
Une fois à l'étage, il traversa l'étage en quête de sa chambre. Une fois qu'il trouva la porte correspondant au numéro indiqué sur la clé, il inséra cette dernière dans la serrure. Contrairement aux habituelles portes à battants, celle-ci coulissait, offrant à l'auberge un charme unique. Derrière se trouvait une chambre plutôt simple, avec deux tables de chevet, un lit double et le mobilier de base : armoire, tables et chaises.
Toute la chambre était faite en bois de chêne, arborant un magnifique jaune brun, tandis que la literie était verte comme les feuilles d'un arbre. Il déposa ses affaires dans un coin à l'opposé de la porte d'entrée.
Alors qu'il s'apprêtait à sortir, la porte s'ouvrit et il se retrouva nez-à-nez avec Ophélie, leurs visages séparés de quelques centimètres seulement. Il recula de quelques pas afin de la laisser entrer.
"Vous vous êtes enfin décidés ?"
Levant ses bras à hauteur d'épaule, Ophélie, réjouie, serra son poing, affirmant sa victoire.
"Oui, et j'ai gagné !"