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Chapter 15 - Chapitre 15

"Tes jambes… Elles flanchent."

"Ah… Ahh…" Je peinais à reprendre mon souffle.

"Et tes frappes manquent encore de puissance."

"Ah... Ahhh..." J'expirais, sentant mes muscles tirer.

"Allez, c'est bon pour aujourd'hui," conclut Geralt.

Je respirais avec difficulté, plié en deux, les mains sur mes genoux, le regard tourné vers le sol. Mon souffle s'accélérait, et je sentais chaque battement de mon cœur résonner jusque dans mes tempes. Mes muscles brûlaient comme jamais, mes vêtements collaient à ma peau sous l'effort. C'est un entraînement de spartiate, je vous le dis ! Mais il est efficace, et pour devenir plus fort dans ce monde, je n'ai pas d'autre choix que de m'y plier.

Tout cela a commencé il y a une semaine. Après une conversation sérieuse avec Geralt, il m'a montré ma chambre sans un mot sur ce que j'avais dit à Vesemir. Mais la personne qui a le plus évolué depuis, c'est Ciri. Au début, elle se plaignait des exercices et a abandonné après deux jours. Pourtant, un jour, je l'ai surprise à m'observer, un regard indéchiffrable dans les yeux. Elle savait que je voulais devenir plus fort pour pouvoir la protéger. Ce simple fait semblait la travailler ; dès le lendemain, elle s'est remise à l'entraînement sans se plaindre.

Bien sûr, ses exercices sont moins intenses que les miens, à cause de son âge. Mais même en voulant suivre mon exemple, elle a fini par s'effondrer en essayant de soulever des roues de charrette. Je m'en souviens encore : elle criait pour qu'on l'aide, mais nous avons juste souri en la voyant se débattre. Enfants ? Oui, sûrement. Est-ce que ça nous dérangeait ? Non, pas du tout. En famille, on se comporte différemment. Même Vesemir, le plus âgé et le plus sage d'entre nous, a ri avec nous.

Mais honnêtement, l'entraînement n'a rien de facile. Parfois, je ressens de la frustration, surtout quand Ciri progresse si vite ou quand mon propre corps atteint ses limites. C'est dans ces moments-là que je me rappelle pourquoi je fais tout cela. Dans une vie passée, j'ai longtemps rêvé de pouvoir un jour me battre pour me protéger et protéger ceux que j'aime. Maintenant, ce rêve est devenu un défi bien réel.

Après un entraînement particulièrement difficile, j'ai trouvé Ciri, fatiguée elle aussi, et peut-être un peu découragée. J'ai pris un moment pour m'asseoir à côté d'elle et lui raconter une anecdote de ma vie d'avant, où je rêvais de grandes aventures et de voyages, alors que j'étais coincé entre quatre murs. Je n'ai pas donné tous les détails, mais elle a compris l'essentiel : si moi, je persévère malgré tout, elle le peut aussi.

Les journées sont chargées, et les routines sont bien ancrées. Mon entraînement comprend le maniement de l'épée, la musculation et le cardio avec Geralt. Il me fait courir autour de Kaer Morhen sous la neige, souvent avant même que le soleil ne se lève. Pour les muscles, il me demande de déplacer des blocs de pierre pour combler les brèches des murs. Ensuite, viennent les leçons avec Vesemir, où il nous parle des créatures. Il nous a expliqué la différence entre un algoule et une goule, ce que j'ai trouvé fascinant. Puis vient l'apprentissage des herbes et des potions. Parfois, je me demande si Vesemir ne veut pas me transformer en cobaye, car il me fait mâcher des herbes sans jamais m'en dire le nom, l'air de guetter ma réaction.

Le pire reste le réveil. Je ne sais jamais quelle heure il est, mais courir dans la nuit glaciale de l'hiver, à moitié endormi et avec les loups qui hurlent au loin, ce n'est pas vraiment une promenade de santé.

"Allez, viens, c'est Vesemir qui est aux fourneaux ce soir."

"YES !" m'exclamai-je.

"Quoi ? Ma cuisine n'est pas bonne ?" s'offusqua Geralt, un sourcil levé.

"Non, c'est pas ça, c'est juste… disons que c'est différent," répondis-je, essayant de garder mon sérieux.

"Oh ? Différent comment, exactement ?"

"Geralt, quand je dis 'cuire à feu doux', ça veut dire quoi pour toi ?"

Il haussa les épaules, un petit sourire en coin. "Igni ?"

"Voilà le problème !" Ciri éclata de rire. "Tu brûles tout, à chaque fois !"

"Vous êtes jamais contents, ici," marmonna-t-il, un sourire malgré lui.

Nous sommes rentrés, et je dois dire que je ne me suis toujours pas habitué à ces plafonds si hauts. Ce lieu ressemble vraiment à une forteresse mythique. Pourtant, en pénétrant dans la grande salle, je ne peux m'empêcher d'éprouver un sentiment étrange, comme si cet endroit était un lointain souvenir. C'est vrai, je l'ai déjà vu, mais dans une autre vie, à travers un écran. Voir Kaer Morhen en vrai, c'est une sensation indescriptible. La neige recouvrant l'extérieur me rappelle parfois la blancheur stérile des draps d'hôpital… mais ici, cette blancheur est synonyme de liberté, de force, de défis.

Aujourd'hui, Kaer Morhen est bien plus accueillant qu'au début. Avant, il y avait des toiles d'araignées partout, le désordre régnait, mais maintenant, cela ressemble à un vrai foyer. Une grande table trône au milieu, une cheminée artisanale a été installée, avec des tuyaux menant dehors pour évacuer la fumée. Et, à la demande de Ciri, des douches "faites maison" ont même été aménagées. J'ai même suggéré quelques idées pour améliorer le confort au château, comme un coin pour protéger le bois de la neige ou organiser les armes en fonction de l'entraînement.

"Vous voilà de retour ! Alors, comment c'était ?" demanda Vesemir en souriant.

"Toujours aussi bien, Papi Vesemir."

"Ça me vieillit, ce surnom de grand-père," soupira-t-il.

Mais son sourire trahissait sa fierté. Je m'assis à côté de Ciri, qui se lança dans un récit indigné de sa journée, râlant contre les leçons.

"Tu sais qu'elles sont nécessaires," lui rappelai-je.

"Je sais, mais c'est nul ! Et si je ne réponds pas bien à une question, ils réduisent ma portion de viande. RÉDUITE, tu te rends compte !"

"Oulalala, c'est grave," répondis-je en riant.

Après le repas, Vesemir nous invite parfois à rester pour écouter ses récits d'aventure. Il nous raconte ses rencontres avec des monstres, des légendes des temps anciens, et des histoires de sorceleurs. Ces moments deviennent presque un rituel sacré. C'est comme s'il nous transmettait sa sagesse, un lien que je n'ai jamais eu auparavant avec qui que ce soit.

Ce soir-là, alors que tout le monde se couche, je décide de m'asseoir dehors sous les étoiles pour méditer, me remémorant le chemin parcouru. Ce moment de calme, après une journée de souffrance et de fatigue, est presque sacré. C'est là, sous le ciel ouvert, que je prends conscience de la chance d'être enfin ici, à Kaer Morhen, avec une famille. 

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En voyant Ciri et Aiden se chamailler, je ne pus m'empêcher de sourire. Ces deux-là, malgré l'entraînement éreintant, avaient conservé une énergie débordante et un esprit d'aventure. Cela me rappelait un passé lointain, des souvenirs presque oubliés de compagnons sorceleurs. Mon sourire s'effaça cependant lorsque j'entendis la voix grave de Vesemir derrière moi.

"Incroyable, ces gamins, pas vrai ?" murmura-t-il, pensif.

"Comment ça ?" répondis-je en tournant la tête vers lui, intrigué.

"N'ose pas me dire que tu n'as pas remarqué que ces deux-là sont… spéciaux. Pas comme les autres enfants."

"Oui, je suis d'accord, mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui les rend si uniques."

"Viens voir quelque chose." Il m'invita à le suivre, et je le fis sans hésiter.

Il me conduisit jusqu'à un petit espace de stockage de plantes au fond de Kaer Morhen. En voyant les plantes devant moi, je ressentis un choc.

"Ces fleurs…" murmurai-je.

Vesemir hocha la tête, le regard sérieux. "Elles ne poussent que grâce au sang ancien."

"La lignée de Lara Dorren…" soufflai-je. "C'est impossible. Sa lignée a disparu."

"Et pourtant…" Vesemir désigna les fleurs d'un geste lent. "La preuve est là. Et ce n'est pas tout. Suis-moi."

En silence, je le suivis dans les corridors sombres de Kaer Morhen. Les murs semblaient résonner sous mes pas, comme si le château lui-même gardait un secret, un pouvoir ancien qui ne demandait qu'à se révéler. Arrivé dans une salle obscure, Vesemir ouvrit un tonneau et me montra des plantes qui, cette fois-ci, dégageaient une énergie différente.

"Regarde bien," dit-il doucement.

Je m'approchai et observai les pétales. Deux d'entre eux avaient des couleurs normales, mais les deux autres étaient étranges : l'un d'un blanc pur, l'autre recouvert de givre.

"Ce pouvoir… il est rare et étrange," murmura Vesemir. "Certains diraient même dangereux."

Un frisson me parcourut. "Tu crois qu'Aiden aussi pourrait être lié au sang ancien ?"

Vesemir acquiesça lentement, le regard intense. "Il y a quelque chose en lui… Un feu, une aura. Je ne peux pas l'expliquer. Mais il est différent."

Je le regardai en silence, mes pensées tourbillonnant. Je ne pouvais m'empêcher de ressentir une inquiétude grandissante. Et si ce pouvoir les consumait ? Et si ce sang ancien, ce don supposé, se transformait en malédiction ? Cette pensée me tourmentait. Dans ma vie, j'avais appris que le pouvoir avait un prix. Et j'étais terrifié à l'idée qu'ils aient à en payer le prix.

Je regardai Vesemir, un poids grandissant sur mes épaules. Depuis qu'Aiden m'avait confié qu'il me considérait comme un père, j'avais pris le temps de réfléchir à notre lien. J'avais toujours gardé une certaine distance émotionnelle avec ceux que je côtoyais, même mes proches. Mais pour Aiden, c'était différent. Pour lui, et pour Ciri, je ne pouvais plus me voiler la face. Ils étaient devenus ma famille.

Est-ce que ce rôle de protecteur me dérangeait ? Non, au contraire. J'avais l'impression de ressentir des émotions que j'avais trop longtemps ignorées. Et si ces émotions me rendaient plus humain, alors j'étais prêt à les accepter.

Je me tournai vers Vesemir, l'air déterminé. "Je les protégerai, quoi qu'il arrive. Même si des royaumes entiers se dressent contre nous. Ils devront d'abord me passer sur le corps."

Vesemir hocha la tête, et je vis une lueur de fierté briller dans ses yeux. "Es-tu sûr de cette promesse, Geralt ? Les promesses… elles lient l'âme, comme l'amour ou la haine. Es-tu prêt à tenir celle-ci, coûte que coûte ?"

"Oui," répondis-je sans la moindre hésitation. "Sans l'ombre d'un doute."

Il posa sa main sur mon épaule, en signe d'appui. "Alors, tu as mon soutien."

"Merci, Vesemir."

"Ne t'inquiète pas, moi aussi, je veux voir où leur chemin les mènera. Mais, pour ça, il va falloir doubler leur entraînement." Il esquissa un sourire rare. "Il est temps de faire d'eux de véritables machines de guerre."

Je souris, amusé par la passion qui l'animait. "Vesemir, tu souris."

"Ça fait longtemps que je n'ai pas ressenti un nouveau but. J'ai enfin l'impression de faire quelque chose qui a du sens," avoua-t-il.

Il se détourna pour rejoindre les deux enfants, qui s'arrêtèrent immédiatement en le voyant arriver. Ils se mirent à s'excuser, et je ne pus retenir un léger rire. J'observai un instant la lune, brillante et solitaire dans le ciel sombre. Elle semblait veiller sur nous, comme une ancienne alliée silencieuse. Sous sa lumière, je fis silencieusement cette promesse : tant qu'il me resterait un souffle, je protégerais leur avenir.