Chereads / Tendresse Mort-Vivante / Chapter 18 - Dossier N°1: Des obsessions déplacées - Éclats.

Chapter 18 - Dossier N°1: Des obsessions déplacées - Éclats.

Je refermais derrière moi la porte arrière du taxi, et fit signe au chauffeur de reprendre son trajet, madame Munehara restant assise à l'intérieur.

Nous n'avions fait qu'une centaine de mètres, avant que je ne demande à descendre du véhicule. Et une fois sur le chemin du retour vers la résidence d'où nous étions partis, je repensais à ce qui s'était produit quelques minutes auparavant.

« Alors, comment tu me trouves ? » m'avait-elle demandé avec un léger sourire, tout en tournant plusieurs fois sur elle-même.

Je l'avais alors fixée avec curiosité. Elle était habillée exactement de la même façon, alors qu'est-ce qu'elle voulait dire par là ?

Toutefois, en détaillant sa tenue des pieds jusqu'à la tête, un détail m'avait alors sauté aux yeux.

« Vous avez mis une perruque ? » Avais-je demandé, sans vraiment comprendre ce qu'elle voulait accomplir à être coiffée comme ça.

Ses longs cheveux bruns avaient en effet disparu au profit d'une coupe au bol mettant en forme des cheveux noirs, ce qui changeait sa silhouette générale.

Comme ça, elle ressemblait presque à...

« Je te fais penser à quelqu'un là, pas vrai ? » Avait-elle souri avec malice.

Vrai. Sur le moment, elle m'avait fait penser à madame Munehara. Enfin, tant qu'on ne regardait pas de trop près. Mais je n'avais pas compris pourquoi elle avait ressenti le besoin de minauder devant moi pour me montrer ça.

Peut-être était-ce la sa personnalité ? Ou peut-être essayait-elle d'obtenir une réaction quelconque de ma part ?

Puis, j'avais alors accompagné madame Munehara à l'extérieur, où un taxi l'attendait déjà devant l'entrée. Et suivant les instructions de la détective, j'avais alors embarqué avec elle, avant de descendre seul à deux rues de là.

Tout cela, dans le but de faire croire à toute personne nous observant, que la détective et moi-même avions quitté les lieux.

Toutefois, est-ce que c'était vraiment la bonne chose à faire ?

Pourquoi me confiait-elle un rôle aussi important que celui de la personne qu attraperait le harceleur ? Elle aurait sûrement été plus efficace que moi à la tâche, étant donné qu'elle était habituée à ce genre d'affaires.

Dans mon cas, mes talents se résumaient à corriger et à relire des textes assis toute la journée devant un ordinateur. Je n'avais pas non plus pratiqué de sports de combat, ou même d'auto-défense. Alors est-ce que j'arriverais à neutraliser un autre être humain à moi tout seul ?

C'est avec si peu de confiance en moi, que je me retrouvais à l'intersection de la rue passant devant l'entrée de la résidence, et d'une autre rue, plus petite, menant vers une autre zone du quartier.

Beaucoup de gens étaient déjà en train de dormir, à juger par le nombre très restreint de lumières encore allumées dans certaines maisons.

Il était presque 22h, et l'air s'était beaucoup refroidi, entre-temps. Il ne faisait pas aussi froid qu'en hiver, mais cela n'empêcha pas un frisson de parcourir ma nuque.

Peut-être aurais-je dû me vêtir plus chaudement. Enfin, si j'avais su à l'avance que je serais contraint à rester dehors aussi tard.

Une rare voiture passa à côté de moi, m'éclairant momentanément de ses phares, avant de continuer plus loin dans la rue. Je la suivi du regard, ou plutôt, de l'œil, voyant le rayon lumineux lécher les façades de plusieurs maisons et immeubles sur sa trajectoire en mouvement.

Cela m'amusait assez, de voir plusieurs formes soudainement émerger de la pénombre où le manque d'éclairage public les avait plongées. Comme un jeu, ou on tenterait de deviner ce qui allait apparaître, avant que ça ne soit dévoilé.

Jusqu'au moment où je vis une forme noire accrochée à l'angle d'un bâtiment.

C'était très bref, la voiture passant rapidement.

Mais je reconnus cette forme comme étant un être humain.

Le harceleur était bien là ! Encore caché derrière l'angle d'un bâtiment; à observer la résidence qui se trouvait sur ma gauche, et plus particulièrement l'appartement de madame Munehara, où la lumière était restée allumée.

Tournant rapidement le regard vers la fenêtre en question, je vis rapidement passer devant les rideaux tirés la silhouette d'une femme aux cheveux courts.

La détective avait raison. De loin, j'aurais vraiment cru voir madame Munehara, si je n'avais pas su qu'elle n'était en fait plus là. Et si l'illusion était parfaite à mes yeux, elle l'était sûrement aux yeux du harceleur qui se trouvait à une centaine de mètres de moi.

Sans gestes brusques, et avec discrétion, je pris alors la direction d'une petite rue sur ma droite, puis m'engageais dans une rue parallèle à celle où se trouvait la résidence, et ma cible. Et bientôt, je trouvais la rue correspondante, dévoilant dans toute sa vulnérabilité le dos d'un harceleur qui ne soupçonnait pas une seule seconde être lui-même observé.

Toutefois, j'étais conscient que, même avec toute la grâce du monde, je ne parviendrais probablement pas à étouffer suffisamment le bruit de mes semelles parcourant le bitume.

Je pris donc une décision tout ce qu'il y a de plus logique, et retirais mes chaussures.

J'étais encore une fois plutôt calme, dans ce genre de situation qui aurait sûrement mis les nerfs à rude épreuve pour toute personne normalement constituée.

Mais encore une fois, j'étais en quelques sortes dénué de cette normalité que les gens appréciaient tant.

Je me retrouvais donc à avancer lentement, en chaussettes et en pleine nuit, dans un quartier que je ne connaissais même pas. Tout ça, dans le but d'attraper un type qui, sur le moment, était déjà moins louche que moi. Mais peu importe. Du moment que les riverains n'appelaient pas la police et que je ne me faisais pas arrêter, tout irait bien. J'espérais juste que je ne poussais pas trop loin ma chance.

Les secondes passèrent avec une lenteur irréelle, tandis que j'approchais du dos du suspect. Comme si le temps lui-même ralentissais. Peut-être que le fait même de ralentir le rythme de ma respiration altérait ma perception du temps.

Mais au bout du compte, je parvins à me retrouver un bon mètre derrière lui, sans qu'il se soit retourné.

Peut-être était-il trop concentré à observer sa victime de l'autre côté de la rue.

Il était entièrement vêtu de noir, ayant poussé le vice jusqu'au point de porter une casquette et un masque noir sur le visage, dont je voyais les élastiques faire le tour de ses oreilles.

Toutefois, au moment où je pensais pouvoir l'atteindre du bout des doigts, il se redressa subitement en arrière, comme s'il avait terminé son observation, et se préparait à partir.

C'était maintenant ou jamais.

Lui donnant un coup de pied à l'arrière des genoux, je fis tomber l'homme au sol – sa casquette tombant du haut de sa tête - et me précipitant sur lui, le plaqua complètement ventre contre terre sur le trottoir. Il commençait déjà à tenter de se relever, pensant que je n'allais pas l'attaquer un peu plus. Mais c'était mal me connaître.

Pour parfaire la capture du harceleur, je m'accroupis, avant de m'asseoir complètement de tout mon poids sur son dos.

Ne jamais sous-estimer les employés de bureau qui doivent s'asseoir toute la journée !

« Mais qu'est-ce que vous faites !? » S'exclama-t-il, outré. « Lâchez-moi ! »

La voix me semblait étonnamment... Jeune.

Étrange...

Je me penchais alors légèrement en avant, et retirant son masque au suspect, pus enfin voir son visage.

Avec surprise, je vis que la personne se débattant sous mon poids était un jeune homme, probablement encore au lycée vu son âge.

J'aurais pensé que les harceleurs étaient bien plus âgés que cela. Mais peut-être était-ce moi qui avait des idées préconçues sur l'apparence que pouvait avoir ledit harceleur.

« Lâchez-moi! » S'exclama l'adolescent, en se débattant.

Mais je me penchais un peu plus vers lui, pour rajouter du poids sur son dos.

Je n'étais pas très agile, mais je savais tout de même que le poids d'un homme en bonne santé comme moi était suffisant pour plaquer au sol quelqu'un.

« Désolé, mais nous allons te remettre entre les mains de la police, » dis-je calmement.

« La police ?! J'ai rien fait ! » S'écria-t-il.

Rien fait ? C'était vraiment trop rapide, comme contradiction.

J'étais rassuré que cette scène se déroule en pleine nuit, sans quoi nous aurions attiré bien des passants, vu le ridicule de cette situation.

« Vous harcelez la femme qui habite dans cette résidence, » expliquais-je tout en me fichant complètement des mains qui agrippaient mes jambes pour tenter de les faire bouger.

« Harceler ?! Et puis quoi encore ?! » répondit-il avec véhémence. « Vous vous trompez de gars ! »

Le jeune homme tentait à présent de se tourner sur les côtés pour essayer de rouler et de m'échapper, mais rien n'y faisait. Je restais assis sur son dos comme un roi sur son trône. Et plus il se débattait, plus il s'épuisait. Ce qui m'arrangeait amplement.

Il résisterai moins quand je devrai le remettre à la police.

« Vous avez envoyé des fleurs à cette femme, et comme ça ne suffisait pas, vous l'avez appelée tous les soirs, » expliquais-je tout en sortant mon portable de la poche de ma veste. « Si c'est pas du harcèlement, alors qu'est-ce que c'est ? »

Je commençais à appuyer sur le numéro de la détective pour l'appeler, et j'entendis la sonnerie caractéristique de l'appel en train d'être passé.

Elle serait sûrement ravie d'apprendre que j'avais réussi la mission qu'elle m'avait confiée. Moi-même, j'étais plutôt surpris d'y être parvenu.

Comme quoi, il y avait une première fois à tout.

« Des fleurs ? Mais de quoi vous parlez !? » S'exclama-t-il en essayant de me regarder dans les yeux, toujours en remuant légèrement pour tenter de se libérer ; mais moins vivement qu'avant. « Tout ce que j'ai fait, c'est appeler son téléphone fixe ! »

Je fus troublé par cet aveu. Car en observant son expression, je vis que quelque chose n'allait pas.

Il était bien la personne que j'avais vue nous observer un peu plus tôt depuis l'angle d'un bâtiment. Et il était bien la personne qui avait sans arrêt appelé madame Munehara ces dernières semaines. Mais dans ce cas, pourquoi dire que les fleurs n'étaient pas de lui ? Pourquoi mentir tout en avouant le reste ?

Non.

À en juger par son expression actuelle, il ne mentait pas. Il n'avait pas le regard fuyant, ni les pupilles dilatées.

Il ne mentait pas en disant que les fleurs n'étaient pas de lui.

Ça n'avait pas de sens.

Et ça faisait déjà plusieurs secondes que le téléphone sonnait, sans que personne ne décroche à l'autre bout du fil.

N'entendait-elle pas son téléphone sonner ?

« Vous reconnaissez donc l'avoir appelée sans arrêt ? » Demandais-je, une étrange sensation d'inconfort s'emparant de mon estomac.

« Oui ! C'était moi ! Mais je voulais pas la harceler ! » Se défendit le jeune homme en me lançant un regard désespéré.

Que voulait-il dire par là ?

Intrigué, je fis bouger mon poids sur le côté, pour lui permettre de bouger et de se tourner un peu plus vers moi.

Et le téléphone sonnait toujours, la détective ne répondant pas à mon appel.

Peut-être que j'avais inconsciemment froncé les sourcils, car il reprit de la vigueur, et me regardant droit dans les yeux, s'exclama à nouveau :

« Monsieur ! Vous devez me croire ! » Dit-il en me suppliant. « Tout ce que je voulais, c'était qu'elle quitte cet appartement ! »

Ce que ce gamin racontait n'avait vraiment aucun sens.

À moins que...

« Il fallait qu'elle parte ! » Insista le jeune homme toujours en me regardant droit dans les yeux, presque au bord des larmes. « Elle est pas seule là-bas ! »

J'entendis alors le brut étouffé et à peine audible d'un objet en verre ou en céramique éclatant en mille morceaux.

Mais je n'avais pourtant aucun doute quant à sa localisation : le bruit provenait de la résidence.

Je levais alors les yeux, et vis que l'appartement de madame Munehara était complètement plongé dans le noir.

L'appartement où la détective était restée toute seule durant tout ce temps.

Où la détective se trouvait, mais ne répondait pas au téléphone.

Où la détective se trouvait...

Et n'était en réalité probablement pas seule depuis le début.