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Chapter 24 - Dossier N°1: Des obsessions déplacées - Un seul mot.

Je comprenais que le jeune homme en face de nous était – du moins en partie – au cœur de l'affaire. Car il me semblait à présent que cela avait permis à la détective de trouver le vrai coupable.

« J'ai vu quelque chose… Ou plutôt, quelqu'un, » continua le jeune homme. « Il y avait quelqu'un dans votre appartement, toutes lumières éteintes, que j'ai pu voir passer devant la fenêtre. Au départ, j'ai pensé que c'était vous, et que vous aviez juste oublié d'allumer la lumière. Mais quelques minutes plus tard, je vous ai vue revenir vers la résidence... »

Madame Munehara fut secouée d'apprendre cela.

J'étais également surpris. Cela voulait dire que cet homme était à nouveau entré dans son appartement, après l'incident avec les fleurs ?

« Vous m'aviez dit vivre seule, et ça m'a alarmé. Mais... » Hésita le jeune homme.

« Tu ne pouvais rien dire sans devoir révéler comment tu avais découvert cela, pas vrai ? » Intervint la détective.

Le jeune homme hocha de la tête tout en regardant la détective. Il me semblait que ces deux là avaient eu une sorte d'accord à notre insu.

« J'aurais dû non seulement dire que j'avais suivi à son insu madame Munehara… Mais aussi... » Dit-il avec un ton désolé. « Je me rends compte à présent que c'était vraiment stupide, et que j'aurais dû tout lui dire depuis le départ... »

La détective s'adressa alors à sa cliente.

« Si Sagawa-kun vous as appelé en vous disant de 'partir', c'est parce qu'il avait peur de l'image que vous pourriez avoir de lui, en apprenant qu'il vous avait suivi jusque chez vous. » Expliqua-t-elle. « Mais tout cela était sincère, et partait du fait qu'il s'inquiétait vraiment pour vous. »

Madame Munehara se mit alors à sourire, sans réserves cette fois, et s'adressa au jeune homme.

« Si j'avais su que quelqu'un veillait sur moi pendant tout ce temps… Je te remercie, Sagawa-kun... »

Elle était vraiment sincère dans ses paroles, et son sourire réconforta tout le monde dans la pièce.

Peut-être avait-elle perdu l'habitude qu'on se soucie d'elle, depuis que son mari était décédé.

Je ne savais pas trop ce que cela représentait, de se soucier de quelqu'un.

Toutefois, j'en avais eu un bref aperçu la veille, en accourant au secours de la détective. Cette irrépressible envie de faire quelque chose, d'agir. De se mettre soi-même en danger pour l'autre.

Cela m'était encore étranger, comme sensation. Moi qui, d'habitude, ne me souciait de personne d'autre à part moi-même.

J'avais déjà été sermonné plusieurs fois, que ce soit pendant mes études, ou au travail, sur mon manque d'empathie envers les autres. Sur mon égoïsme. Alors je doutais forcément de ce que j'avais ressenti.

Est-ce que finalement, j'avais agi dans l'intérêt de la détective ? Ou bien, dans mon propre intérêt ?

Ce doute ne cessait de tournoyer en moi, et j'avais beau avoir tenté de me changer les idées avec du travail, il revenait sans arrêt.

Mais en y regardant de plus près, quelque chose d'autre dans toute cette situation me chiffonnait. Et comme à ma mauvaise habitude, je parlais sans filtre.

« Vous dites avoir vu quelqu'un dans l'appartement depuis la rue, alors qu'il était plongé dans le noir ? » Demandais-je avec suspicion.

J'entendis alors la détective soupirer longuement.

« J'oubliais à quel point tu pouvais être vif d'esprit, Nijima-kun... » Se plaignit-elle.

Elle se tourna alors vers le lycéen.

« Mais maintenant que c'est révélé, on ne peut plus vraiment le cacher… Désolée, Sagawa-kun.»

Le jeune homme secoua la tête.

« Ce n'est pas grave… Juste… »

Il regarda alors madame Munehara, avec un regard suppliant.

« J'espère juste que vous… Ne me considérerez pas différemment... »

Il y avait visiblement quelque chose que la cliente et moi-même ignorions, et que le jeune homme avait tenté de garder dissimulé. Mais avec ma question, il avait été percé à jour.

Il se pencha alors en avant, et porta la main à son visage, comme s'il cherchait quelque chose de la main. Puis, après avoir tâtonné un moment, il releva la tête, pour révéler, au lieux de deux yeux marrons, un œil marron, et un œil bleu clair.

Il venait de retirer une lentille de contact colorée, qu'il tenait toujours en main.

Madame Munehara eut au départ un mouvement de recul, ce qui déçut le jeune homme ; car il baissa à nouveau la tête, honteux.

« Je suis désolée d'avoir dû vous montrer ça... » S'excusa-t-il rapidement. « Je sais que c'est vraiment dégoûtant, et que ça a tendance à mettre les gens mal à l'aise… »

Il était vraiment en détresse, et très mal à l'aise d'avoir dû montrer cette particularité physique plutôt rare. À tel point qu'il n'osait même plus regarder qui que ce soit dans la pièce.

Jusqu'à ce qu'il sente deux mains se poser sur les siennes, et qu'il relève instinctivement les yeux.

Madame Munehara s'était levée, et avant marché jusqu'à lui, pour attirer son attention.

« Moi, je trouve que c'est très beau, » sourit-elle avec tendresse.

Ses paroles eurent un effet sur le lycéen, car il écarquilla les yeux. Il avait visiblement du mal à croire ce qu'il venait d'entendre.

« Tu vois, mon défunt mari était originaire du Royaume-Uni, alors j'ai vécu pendant une courte période à l'étranger… Avant qu'il ne nous quittes. » Expliqua madame Munehara. « Alors ton œil, ce n'est pas quelque chose de dégoûtant. C'est très beau. »

Je vis le jeune homme se mordre rapidement les lèvres.

Il avait sûrement eu peur de devoir révéler cette partie de lui ; bien plus que le fait qu'il avait suivi quelqu'un à son insu. Je le comprenais, sur ce point-là.

Il y avait des choses qui faisaient peur aux gens, surtout quand ils ne les comprenaient pas.

« Munehara-san a raison, » renchérit la détective. « Car c'est grâce à cet œil que tu as pu voir qu'elle était en danger, pas vrai ? »

Le jeune homme hocha de la tête, tandis que la cliente avait à présent un air interrogatif.

« Je suis né avec cet œil d'une couleur différente, » expliqua-t-il. « Et grâce à lui, j'arrive à voir dans le noir. Les médecins disent que c'est parce que j'ai un excédent de cellules photosensibles. »

« C'est comme ça que tu as pu voir que quelqu'un était chez moi ? » Demanda madame Munehara.

Le lycéen hocha de la tête, avant de se confondre à nouveaux en excuses.

La détective prit alors cette occasion pour continuer son rapport.

« Tout cela, je l'ai découvert lors de l'enquête préliminaire que j'ai menée dans la semaine, entre votre e-mail requérant mes services, et hier après-midi, quand Nijima-kun et moi sommes venus vous voir. » Expliqua-t-elle. « Je considérais donc Sagawa-kun comme un suspect plus que probable. Toutefois, quand vous m'en avez dit plus au sujet de ce qui s'était passé avec les fleurs, j'ai commencé à revoir ma position. »

« Ce que j'ai dit aux sujet des fleurs ? » Répéta madame Munehara, confuse.

J'avais aussi assisté à la discussion, et j'avais beau me repasser rapidement la discussion dans tous les sens, je ne voyais pas ce qui avait pu sembler suspect…

« Vous nous avez dit que suite à l'incident, vous aviez changé les verrous de votre porte et de votre fenêtre. C'est à ce moment-là, en ayant connaissance de ce qui s'était déjà passé avec Sagawa-kun, que j'ai compris qu'il pouvait y avoir un autre suspect. Maintenant, qu'est-ce qui, selon vous, a pu me mettre la puce à l'oreille ?»

J'avais un peu l'impression que la détective s'amusait beaucoup à révéler tout ce qu'elle avait compris sur les événements. Pourtant, elle gardait un visage plutôt impassible.

Mais je ne devais pas oublier qu'elle semblait douée pour jouer la comédie.

Elle leva alors l'index, attirant le regard de tout le monde dans la pièce vers ce point particulier de son corps.

« La réponse tient en un mot : porte. »