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Chapter 26 - Dossier N°1: Des obsessions déplacées - Gratitude.

J'étais assez sûr de moi, avec tous les indices que la détective avait fournis au cours de sa petite présentation. C'est pourquoi, avec un regard sérieux, je levais la main gauche pour prendre la parole.

« Oui, Nijima-kun ? » Réagit la détective. « Tu penses savoir qui es le coupable? »

« ça me semble évident, » dis-je en hochant la tête. « La personne qui s'est fait arrêter hier soir, et qui nous as agressés est le propriétaire, Yoshikawa-san. »

Cette affirmation mit mal à l'aise madame Munehara, tandis que le jeune Sagawa semblait réfléchir.

La détective, elle, continua de me regarder un instant sans rien dire, avant de finalement taper lentement dans ses mains.

« Bravo, Nijima-kun ! » S'exclama-t-elle. « Tu y étais presque ! »

Je fronçais les sourcils.

Comment ça, j'y étais presque ?

Elle compris que j'étais confus, et ajouta donc :

« Dis nous déjà ce qui t'as amené à cette conclusion, veux-tu ? »

Je récitais alors calmement tous les points qui m'avaient fait suspecter cet homme en particulier.

« Nous savons que l'agresseur est un homme, et sa voix m'a parue familière, quand nous avons été attaqués dans l'appartement. C'était donc potentiellement quelqu'un que j'avais déjà croisé, » expliquais-je. « De plus, on sait que le coupable entrait dans l'appartement de Munehara-san, sans qu'apparemment elle s'en rende compte. Il avait donc très certainement accès à la clé dans la loge. Mais le fait aussi qu'il n'a pas cherché à changer le portillon défectueux... »

Elle m'écouta avec attention, peut-être pour comparer ma déduction avec ses propres observations.

« Mais, je ne vois vraiment pas Yoshikawa-san faire une chose pareille... » S'exprima enfin madame Munehara. « C'est quelqu'un de très serviable et de poli... »

« Personnellement, je n'ai jamais vu le visage de la personne qui entrait par effraction, » ajouta le lycéen. « Et quand il a été emmené par la police, il avait déjà sur la tête une veste pour cacher son visage... »

La détective secoua alors la tête.

« Le coupable habite dans cette résidence, lui aussi. » Dit-elle.

« Vous… Vous voulez dire que la personne qui me harcelait était un de mes voisins ? » Demanda madame Muneharan anxieuse.

« Oui et non. Quand j'ai dit que Nijima-kun était proche de la vérité, je n'exagérais pas, » expliqua la détective tout en me lançant un regard.

Si j'étais si proche de la vérité avec ma déduction, cela voulait-il dire… ?

« Voyez-vous, Yoshikawa-san n'est tout au plus qu'un complice du vrai coupable, » révéla alors la détective.

« Un complice ? » Répéta madame Munehara, surprise.

Elle avait écarquillé les yeux et ouvert légèrement la bouche, pour exprimer son choc ; et j'observais également qu'elle avait du mal à rester immobile sur son fauteuil.

Elle devait faire tellement confiance à son propriétaire, que de découvrir qu'il était mêlé à un crime – dont elle était la victime – devait vraiment être horrible à ses yeux.

Toutefois, la détective ne lui laissa pas l'occasion de digérer l'information, car déjà, elle reprit son explication.

« Quand j'ai fait des recherches sur votre propriétaire, j'ai découvert qu'il avait un fils, un peu plus âgé que Sagawa-kun ici présent, » dit-elle en montrant de la main le lycéen. « Mais lors de notre visite avec Nijima-kun, nous ne l'avons pas aperçu une seule fois... »

Je vois… Donc elle cherchait déjà le fils de monsieur Yoshikawa, quand nous observions les alentours… Et cela expliquais la voix me semblant familière, car parfois, les enfants avaient une voix similaire à celle de leurs parents.

Je réalisais aussi à présent l'importance de la discrétion dans le métier de détective. Car après réflexion, tout le monde pouvait être un suspect, et n'importe qui pouvait être coupable.

« Étant donné que je soupçonnais déjà Yoshikawa-san et son fils, je leur ai donc tendu un piège, » expliqua-t-elle. « C'est pour cela que je vous ai dit de quitter votre logement pour la nuit, et que je me suis faite passer pour vous, Munehara-san. »

« Tendu un piège ? » Répétais-je, incrédule.

J'avais encore une fois parlé plus vite que mes pensées, sans pouvoir m'arrêter. Presque comme si… J'appréciais de prendre part à ce jeu grandeur nature de devinettes.

« Si tu te rappelle bien, Nijima-kun, j'ai dit à Yoshikawa-san que Munehara-san ici présente avait parlé à des gens en dehors de la résidence de ce qu'il se passait, mais aussi qu'elle serait à nouveau seule ce soir. Ce qui était suffisant pour pousser le coupable à agir, s'il voulait tenter quoi que ce soit par impulsion. »

Donc, elle m'avait sciemment demandé de sortir dans la rue pour attraper le lycéen, sachant pertinemment qu'elle avait dessiné une cible dans son propre dos…

Je n'aimais pas ça du tout. Car elle m'avait caché des informations, et ne m'avais pas mis dans la confidence concernant ses hypothèses.

Elle s'était jouée de moi, depuis le début de l'enquête ; et je me demandais si c'était sa façon de faire, ou si c'était encore une fois pour me décourager de notre potentiel arrangement.

« Donc… La personne qui me harcelait depuis tout ce temps, était le fils de Yoshikawa-san ? » Demanda madame Munehara, en tremblant comme une feuille.

La détective hocha de la tête.

« Yoshikawa-san savait ce qui se passait, et pensait que son fils avait arrêté après l'incident avec les fleurs, » expliqua la détective. « C'est pour cela qu'il a insisté que vous changiez la serrure de votre porte, au cas où son fils aurait gardé une copie de la clé. Quant au portillon défectueux, c'était une assurance pour lui, et il ne pouvait donc pas le remplacer. »

« J'ai… Du mal à comprendre... » Répliqua le jeune homme, en proie à la confusion. « Qu'est-ce que cette personne pourrait bien gagner à ne pas le remplacer ? »

La détective se leva et commença alors à récupérer les documents posés sur la table basse: plusieurs photos, des relevés d'appels téléphoniques, et probablement d'autres mines d'informations sur l'affaire, qu'elle avait dû présenter à la cliente avant mon arrivée.

Je compris cela comme le signal qu'elle avait terminé ses explications.

Ce qui s'avéra correct, car après avoir rangé les documents dans une pochette cartonnée, elle s'adressa à la fois à madame Munehara et au lycéen.

« C'est justement à cause de cela que j'ai tenu à ce que vous soyez tous les deux présents lors de l'explication de cette affaire, » déclara-t-elle. « Vu les circonstances, et le fait que votre propriétaire a clairement choisi son fils et non la sécurité de ses locataires, je vous conseille vivement de déménager. »

« Dé… Déménager ?! » S'exclama la cliente.

« Je pense que vous serez plus en sécurité, mais aussi plus tranquille d'esprit dans une autre résidence que celle-ci, » renchérit-elle. « Et je pense que Sagawa-kun ici présent pourra vous aider dans vos démarches. Pas vrai ? »

Le lycéen fut un peu surpris de voir cette responsabilité lui incomber, mais il hocha presque immédiatement la tête, avant de sourire, gêné, vers la cliente.

Il semblait que ces deux-là avaient développé une sorte de lien entre eux, grâce à toutes ces discussion qu'ils avaient eu à la supérette, mais aussi avec les derniers événements.

« Pour mon paiement, veuillez envoyer les fonds à cette adresse, » dit alors la détective, avant de poser un petit bout de papier sur la table basse. « Je compte sur votre discrétion. »

Elle me fit alors signe de me lever, tout en se dirigeant vers la porte de la chambre d'hôtel. Je lui emboîtais le pas, me demandant ce que serait déjà la suite des événements, quand...

« A… Attendez ! » S'exclama alors madame Munehara.

Son intervention nous fit nous arrêter, et la détective se tourna vers les deux personnes restantes dans la pièce. La cliente semblait confuse, tenant le petit bout de papier en main.

« Oh, si c'est à propos de la chambre, j'ai déjà inclus le coût dans mes honoraires, alors ne vous en faites pas pour ça. » Sourit la détective.

« Mais... » Commença à protester la cliente, avant d'être interrompue par la détective.

« Je compte sur vous pour recevoir le paiement d'ici la fin de semaine prochaine, d'accord ? » Sourit-elle.

Résignée, madame Munehara s'inclina alors en avant, imitée de près par le jeune lycéen, avant de remercier la femme se trouvant à mes côtés.

Puis, sortant de la pièce, et sans un mot, nous nous dirigeâmes vers le hall principal.

C'était étrange.

La voir prononcer de simples paroles comme 'merci, merci beaucoup' avec tant de gratitude… Je n'étais pas habituée a voir une telle sincérité dans ces paroles. Cela m'avait toujours paru si superficiel. Comme quelque chose qu'on dit sans réfléchir, pour faire plaisir aux autres, ou juste pour la forme.

Mais madame Munehara, avec sa voix enrouée et inégale, m'avait offert une nouvelle perspective.

Ces simples mots avaient du sens. Ils avaient un poids.

Et tout d'un coup, je me rendais compte à quel point j'ignorais certaines choses pourtant essentielles aux interactions sociales. Je m'étais tellement peu investi avec les autres, que je n'avais même pas fait attention à la véritable intention derrière ces paroles.

Entrant dans l'ascenseur à la suite de la détective, je la vis presser le bouton pour le rez-de-chaussée, ce qui me fit repenser à son raisonnement sur le portail de la résidence. Je ne comprenais pas trop le lien entre le vieil équipement, et le fait que le propriétaire pensait plus à son fils qu'à ses locataires.

« Qu'est-ce qui vous fait penser que Yoshikawa-san a choisi son fils ? » Demandais-je, tandis que l'ascenseur descendait dans un bourdonnement continu.

Elle était déjà en train de taper un SMS sur son portable, et s'arrêta le temps de me répondre.

« Ce n'est que mon avis, mais je pense que si Yoshikawa-san n'a pas fait changer le portillon, c'était parce qu'il s'attendait déjà au pire, » expliqua-t-elle.

« Au pire ? » Répétais-je pour la pousser à en dire plus.

« S'il était arrivé quoi que ce soit à Munehara-san, il aurait toujours pu dire que quelqu'un de l'extérieur avais commis le crime, » dit-elle en reprenant l'écriture de son message. « En ne remplaçant pas le portail d'accès défectueux, c'est comme s'il gardait une porte ouverte pour son fils. »

C'était donc ça qu'elle avait voulu dire par là, alors…

Le propriétaire avait préféré être du côté de son fils, plutôt que de veiller au bien-être de ses locataires. Il aurait pu empêcher l'agression de madame Munehara, mais au lieu de ça, il avait préféré couvrir son fils, dans le cas où ce dernier passerait à l'action.

C'était plus qu'inquiétant, en effet.

Et je comprenais à présent pourquoi elle avait conseillé à la cliente de déménager.

Elle continua d'écrire plusieurs messages sans même me jeter un regard, ce qui me permis de l'observer un peu plus pendant la descente.

Elle était vraiment énergique, dans sa façon d'être. À aller très vite, avec tout, mais aussi, à vouloir être incluse dans tout ce qui se passait autour d'elle. Comme si elle en voulait toujours plus.

De mon côté, c'était plutôt le néant, jusqu'à présent. Moins j'étais inclus, et mieux je me portais. Pourtant, le fait qu'elle ne m'ait pas prévenu de la situation dangereuse dans laquelle elle s'était volontairement mise, m'avait vexé.

Elle était loin d'avoir tout révélé à son propre sujet, et étrangement, il me semblait que c'était elle qui tenait plus les gens à distance, que moi.

Peut-être était-ce à cause de cela, que ma soudaine demande lui avait déplu. Devoir passer du temps avec un inconnu devait la déranger, ou du moins la mettre mal à l'aise. Mais si quelqu'un avait dû être mal à l'aise dans l'histoire ça aurait dû être moi.

J'en savais trop peu à son sujet pour me faire une opinion objective d'elle, et pas assez pour lâcher tout et abandonner.