J'avais eu le temps, après mon aller à l'hôpital, de rentrer chez moi et me reposer un peu. Les infirmiers avaient insisté pour que je récupère ma veste dont les manches étaient essuyées avec du sang à présent séché, et j'avais cédé ; avant de finalement rentrer chez moi au petit matin, et de la jeter à la poubelle.
Je voulais m'en débarrasser à tout prix, pour ne plus avoir l'étrange odeur métallique qui s'en échappait agresser mes narines. La couleur que je détestais tant avait disparue, le sang étant devenu marron en s'oxydant au contact de l'air.
Mais je m'étais alors arrêté dans mon geste, sans savoir pourquoi. La veste, que je tenais de la main gauche, suspendue au-dessus de la poubelle à pédale grande ouverte.
Je ne savais pas ce qui m'avais poussé à faire cela, mais je m'étais ravisé à la dernière minute, décidant de plier la veste et de la ranger au fond de ma penderie ; à défaut de pouvoir laver les tâches qui la parcouraient.
Prenant une douche, je fixais la paume de ma main droite parcourue d'une fine ligne où je pouvais clairement voir les points de suture qui m'avaient été faits. J'avais eu de la chance que la plaie ne soit pas trop profonde, sans quoi j'aurais pu avoir des problèmes graves de mobilité pour ce membre. Mais je devais m'abstenir de trop solliciter cette main pendant les prochaines semaines, tout en nettoyant régulièrement la blessure.
Monsieur Chiba allait vraiment me passer un savon, si cela affectait durablement mon travail. Car actuellement, je ne pouvais pas du tout serrer la main.
Toutefois, je continuais de fixer la partie recousue de ma main, ne pouvant m'empêcher de faire un parallèle avec les marques identiques que j'avais vues sur le corps de la détective ; tout autour de son cou, et sur deux de ses doigts.
Est-ce que cela signifiait qu'elle avait recousu ces parties ?
L'eau tiède de la pomme de douche ruissela de ma tête jusque dans mon dos, pendant que je repensais à ses paroles.
« Je ne peux pas mourir. »
C'était un peu vache de me balancer ça comme ça, sans explication.
Est-ce que ça voulait dire qu'elle ne pouvait littéralement pas mourir, ou que rien ne lui faisait peur ?
Parce que si elle ne pouvait vraiment pas mourir…
« Je suis un zombie. »
Je me penchais en avant pour poser mon front contre le carrelage de la douche, secouant la tête pour doucement heurter plusieurs fois d'affilées le mur.
Quel idiot j'avais été. Dire un truc pareil, à quelqu'un qui était peut-être un vrai zombie. J'avais honte, vraiment.
Non. Il fallait d'abord que je confirme ça. Mais plus j'y repensais, plus ça faisait sens.
Je l'avais percuté et elle s'était retrouvée sans tête. Quelque chose qui, à présent j'en étais sûr, n'était pas un produit de mon imagination.
Elle s'était faite poignardée, et s'était relevée comme si de rien n'était. Quelque chose que j'avais pu constater sur le moment, et ne pouvais réfuter.
Ce n'était pas un tour de magie.
C'était bien réel.
Aussi réel que la lame qui m'avait entaillé le bras et la main.
Sortant de la douche et enroulant une serviette autour de ma taille, je passais devant le miroir suspendu au-dessus de l'évier, et vit que mon œil au beurre noir était plus jaune que bleu, à présent. J'avais encore un peu mal, en palpant les contours de la ridicule tâche. Dans quelques jours, ce ne serait plus qu'un mauvais souvenir.
Je me changeais, enfilant un t-shirt gris et un pantalon de sport, avant de brancher la télévision pour regarder les infos.
Il y eut un point sur la météo, puis les informations locales. Un incendie, une jeune femme portée disparue, et les résultats d'un sondage sur la légitimité de la police dans les affaires portant sur les délits commis par les enfants. Ensuite, toute la boucle d'info portait sur les derniers déboires d'un directeur d'entreprise. Ce qui me fit abandonner toute attention pour le programme.
De toute façon, il n'y avait pas grand-chose qui pouvait m'intéresser à la télévision.
Je pris mon portable, et vis que j'avais déjà de nouveaux messages.
Un de monsieur Chiba, me demandant de vérifier mes e-mails, bien qu'on était le weekend, et un de la part de la détective.
Avec curiosité, j'ouvris l'historique de conversation, et pus lire le contenu de son dernier sms.
'Quand tu seras rentré chez toi et un peu reposé, viens à cette adresse. Nous t'y attendrons.'
Et comme son précédent message, une capture d'écran montrant une adresse était attachée au texte.
Je reconnus le lieu comme étant l'hôtel où madame Munehara avait été emmenée. Elle voulait probablement parler de choses en rapport avec l'affaire, et cela titilla ma curiosité, et je lui envoyais un message en retour pour savoir à quelle heure je devais me présenter là-bas.
'Repose-toi d'abord, puis viens vers 14h.' Répondit-elle.
J'avais déjà passé plusieurs heures aux urgences, et même en ayant pris mon temps pour rentrer chez moi et me mettre à l'aise, il n'était que 6h du matin. Est-ce que cela voulait dire que je devais patienter toutes ces heures sans rien faire ?
Cela me déplût un peu, mais je pourrais mettre à profit ce temps pour voir exactement ce que mon superviseur voulait de moi.
M'asseyant devant mon ordinateur portable, je l'allumais, et allais vérifier mes e-mails.
Et en effet, parmi certains messages qui étaient des retours d'auteurs ou des envois de manuscrits, se trouvait un objet de message sortant du lot.
'Promotion sur site Osagawa T. / Nakatsuki'
Pourquoi est-ce qu'il y avait le nom de l'auteur que j'étais allé voir la veille ?
Anxieux, j'ouvris le message, et lus avec attention le corps de l'e-mail.
Il semblait que maître Osagawa m'appréciait, et qu'un projet d'émission de télévision avait décidé de le faire figurer dans son programme. Monsieur Nakatsuki était l'éditeur ayant à charge maître Osagawa, et monsieur Chiba avait jugé intéressant de me faire participer au projet pour assister mon aîné.
Le projet semblait assez chronophage et devait même m'éloigner à nouveau du bureau pendant quelques jours ; prévoyant une interview sur place avec les différents invités, et des activités pour les faire participer et se mettre en scène tous ensemble.
Je n'avais jamais regardé le programme, donc je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre, en dehors de ce qui était écrit dans la proposition de promotion envoyée par la chaîne de télé.
Peut-être qu'avec ces quelques heures devant moi, je pourrais me renseigner sur l'émission, ainsi que découvrir plus en détail ce qui serait attendu de moi.
En tout cas, cela m'empêcherais sûrement de repenser à tout ce qui s'était produit dans la nuit. Je n'avais jamais vécu autant de choses à la fois dérangeantes et dangereuses sur une si courte période de temps. Ou même, de toute ma vie.
De plus, la crise de panique que j'avais vécue m'avait également laissé chamboulé ; et rien que repenser au sang recouvrant mes vêtements le donnait d'énormes maux de tête.
J'avais toujours eu des migraines, ou une envie de vomir, en voyant cette teinte de rouge particulière. C'était quelque chose que je ne m'expliquais pas, tout comme mon manque d'émotivité. Et c'était là, sans que je puisse y faire quoi que ce soit.
Pourtant, la nuit dernière, mon cœur avait battu plus vite que jamais. J'avais accouru dans l'appartement où la détective était en danger avec une énergie que je ne me connaissais pas.
Et je me dis que j'avais fais le bon choix. J'avais trouvé la personne qui pourrait m'aider à régler mon problème.