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Chapter 8 - Un air de déjà vu.

À peine avais-je dit ces mots qu'elle recracha violemment la gorgée de thé qu'elle avait prise, et se mit à tousser. Il lui en sortit même par le nez. C'était pas beau à voir du tout.

Elle avait probablement avalé de travers, à force d'être aussi énergique et précipitée dans ses gestes. Et à cause de ça, ma propre chemise était à présent recouverte de petites taches claires.

Mais je n'étais pas du genre à être dégoûté pour si peu.

« C'est ce que les gens disent de moi, au quotidien... » Continuais-je, tandis qu'elle reprenait péniblement son souffle. « Que je suis un zombie, un robot, ou je ne sais quoi d'autre... »

Elle me lança un regard énervé, mais je ne sut pas pourquoi elle faisait cela. Puis, elle s'essuya la bouche sur la manche de son kimono, sans se préoccuper des tâches que cela pouvait laisser sur l'étoffe.

« Au quotidien, les gens abandonnent vite toute discussion avec moi, » continuais-je.

« Laisse-moi deviner : ton attitude les rebute ? » Demanda-t-elle de but en blanc.

Je hochais de la tête. Au moins, je n'avais pas à trop m'expliquer. Elle semblait pouvoir relier les points entre eux sans que j'ai trop à rentrer dans les détails.

Mais je devais encore lui expliquer exactement ce qui se passait.

« Mon problème, c'est que je n'arrive pas à exprimer mes émotions... » Avouais-je, tout en baissant légèrement le regard. « Et que j'ai aussi du mal à cerner le comportement des autres personnes qui m'entourent. »

Elle leva un tout petit peu ses deux sourcils, comme si cela la surprenait quelque peu ; et elle arrêta de bouger ses mains qui jusqu'à présent tapotaient doucement le plateau du kotatsu.

Je ne pouvais pas lui en vouloir de réagir ainsi. Les gens ne savaient très souvent pas comment réagir, ni comment se comporter avec moi, une fois cela dévoilé. Tout ce qui sortait de la norme était parfois trop ennuyeux et difficile à appréhender. C'était trop d'efforts dirigés sur une seule personne.

Alors, ils abandonnaient. Ils ne se préoccupaient plus de moi. Et moi, je cessais de faire les efforts nécessaires à leur compréhension. Pourquoi devais-je essayer de les comprendre, alors qu'ils ne tentaient pas de le faire, eux-mêmes ?

Toutefois, depuis que cette étrange femme avait chamboulé les choses, j'avais l'impression que cela était à nouveau à ma portée.

Je n'avais jamais ressenti cette étrange sensation avec personne. Alors, il était bien possible qu'elle puisse être la solution que j'attendais.

Une fois la surprise initiale passée, elle tapa deux fois de l'index sur la table, avant de me demander :

« Tu ne sais pas ce qui a pu causer cela ? »

La question dût me surprendre un peu, car elle s'amusa à me regarder chercher mes mots un petit moment ; perdu dans ce que je voulais dire.

À part les médecins que j'avais consultés, et ma famille proche, personne n'avait jamais pris la peine de me demander cela. Aussi, il fallut que je replonge dans mes souvenirs, afin de me rappeler ce que je devais répondre dans ce genre de situation, face à ce genre de question.

« Je n'en sais rien, » finis-je par dire. « Aussi longtemps que je m'en souvienne, ça a toujours été comme ça. »

Je vis la curiosité s'emparer de la jeune femme. Il semblait que je l'intriguais. Mais sur quels aspects exactement, cela restait encore à découvrir.

« Et donc, tu attends quoi de moi, exactement ? » Demanda-t-elle. « C'est pas comme si ce genre de problème se réglait comme ça, en claquant des doigts... »

Pour insister sur ce fait, elle avait rapidement claqué ses doigts en même temps qu'elle avait dit ces mots.

Elle avait l'air très impulsive dans ses actes. J'avais remarqué dès le début qu'elle faisait toujours plusieurs choses en même temps, un peu comme ces mères de famille qui jonglaient avec tout ce qu'elles avaient à faire sur une seule journée.

« J'aimerais que vous répétiez ce que vous m'avez dit hier soir, » dis-je sans hésitation.

Et immédiatement, ses joues se tintèrent de rose ; en même temps qu'elle détourna le regard et emmêla les doigts de ses deux mains ensembles, devant elle.

Cela me fit comprendre qu'elle était gênée par mes paroles.

« Ré… Répéter quoi ? » Balbutia-t-elle sans oser me regarder.

« Que vous avez des sentiments pour moi. » Répondis-je immédiatement.

Elle serra et desserra nerveusement ses doigts, avant de se décider à me regarder enfin ; avec un certain air de défiance.

« C'est pas comme si c'était facile de dire ça comme ça ! » S'exclama-t-elle.

Puis, elle perdit son énergie, et ajouta rapidement d'un air désolé:

« Et en général, je dis ça comme ça, sans vraiment le penser... »

Oh, je vois.

Elle avait probablement dit ça dans le feu de l'action, sans réfléchir.

« Donc, vous n'avez pas vraiment de sentiments pour moi ? » Demandais-je, un peu confus.

Elle fronça les sourcils, leur extrémité entre ses yeux plus haute que les extrémités sur les côtés de son front, et serra ses lèvres. Elle semblait réellement désolée d'avoir dit ça, et pour confirmer mon analyse, elle secoua négativement la tête.

Elle n'avait pas de sentiments pour moi. Soit.

Mais je n'allais pas abandonner. Pas maintenant.

« Dans ce cas, tombez amoureuse de moi, » proposais-je.

Elle sursauta face à l'énormité de ce que je venais de dire.

« Non, attends ! » S'exclama-t-elle en brandissant à nouveau ses mains vers moi. « C'est pas comme ça que ça marche ! »

J'avais une désagréable impression de déjà vu.

Mais peut-être que je me faisais des idées.

« Comment est-ce que ça marche, alors ? » Demandais-je tout en me penchant vers elle.

« Il faut déjà qu'on apprécie la personne, et pour ça, il faut passer du temps ensemble… Enfin je suppose. » Balbutia-t-elle.

« Dans ce cas, passons du temps ensemble, » dis-je pour contrer son argument, tout en m'appuyant à présent sur le kotatsu avec mes deux mains.

Mes paroles la firent encore plus rougir que précédemment, et elle commença à se pencher en arrière sur son coussin.

« Je… Je suis déjà assez occupée comme ça tous les jours ! » Me contredit-elle avec fermeté.

À présent, ses émotions étaient trop entremêlées les unes aux autres pour que j'arrive à correctement analyser son comportement. Il semblait qu'elle ressentait plusieurs choses en même temps, ce qui rendait difficile toute interprétation de sa personne.

« Je ne vous dérangerais pas, et je vous assisterais, si besoin, » négociais-je tout en me penchant encore plus vers elle au-dessus du kotatsu. « Si vous êtes trop occupée, il y a peut-être des choses que vous n'avez pas le temps de gérer. »

Mon contre-argument lui déplut fortement – au vu de la grimace qu'elle arborait - car plus je la contredisais, et plus elle perdait du terrain face à mon insistance. Et plus j'approchais de mon but – obtenir son accord – plus je m'approchais à nouveau d'elle.

Je ne savais peut-être pas m'exprimer comme les autres, mais en attendant, je pouvais me montrer tout aussi têtu qu'eux ; si ce n'est plus.

« T'es trop... » Commença-t-elle à marmonner.

J'avais de plus en plus de mal à suivre la conversation. Alors peut-être que m'attarder sur les micro-expressions de son visage m'aiderait à saisir ce qu'elle tentait de me faire comprendre.

« Je suis trop quoi ? » Répétais-je tout en rapprochant encore plus mon visage du sien ; pour en avoir une meilleure vision.

J'insistais trop ? J'étais trop impoli ? J'étais quoi, selon elle ?

Cela, il ne fallut pas longtemps pour que je l'apprenne enfin.

« T'es trop près, là ! » S'exclama-t-elle soudainement à voix haute, ce qui me vrilla les oreilles.

Et sans prévenir, elle me donna un coup de poing au visage. Un coup de poing beaucoup trop puissant – même pour une femme - qui me fit trébucher en arrière et tomber de tout mon poids.

Oubliez l'impression de déjà-vu. C'était carrément une répétition de ce qui s'était passé la veille, à mon plus grand désarroi.

'Bon sang, est-ce que chacune de mes rencontres avec cette femme allait forcément se solder par un passage à tabac suivi d'une perte de connaissance ?' Pensais-je avant de sombrer à nouveau dans l'inconscience.