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Chapter 9 - Malaise.

« Mettez ça sur votre œil avant que ça empire, » dit la vieille femme qui tenait l'accueil ; tout en me tendant une poche de gel réfrigérée enroulée dans un tissu.

Je la remerciais, et prenant le sachet tout droit sorti du congélateur où étaient rangées les glaces et autres aliments surgelés, le mis sur mon œil gauche ; qui en plus de mes cernes habituelles, arborait à présent une auréole noir et violette commençant à virer au jaune sur les bords.

Le contact avec la poche me fit tressaillir. C'était vraiment froid.

Et déjà, elle était de nouveau absorbée dans la lecture d'un magazine parlant cette fois de randonnée. Elle ne m'avait même pas demandé comment je m'étais fait ça.

Je m'étais réveillé seul, dans la chambre ; et persuadé d'avoir encore une fois été abandonné sur place, je m'étais rendu directement au rez-de-chaussée. Et malgré mon apparence encore plus négligée que quand j'étais arrivé – addition d'un œil au beurre noir et d'une chemise tâchée de partout – cette femme qui était apparemment la propriétaire de l'établissement n'avait pas du tout bronché. Comme si elle était en quelques sortes habituée à voir ce genre de choses se produire.

Pour ma part, j'espérais que ce genre de choses ne se reproduirait pas. Bien que, au fond de mon esprit, je me méfiais à présent de la femme détective. J'espérais en effet pouvoir croiser une troisième fois son chemin. Une chose plus que probable, étant donné que nous n'avions toujours pas résolu la situation qui nous avait réunis en premier lieu.

Je décidais donc de me renseigner auprès de la propriétaire, au cas où un message m'aurait été laissé.

« Excusez-moi... » Dis-je alors pour attirer son attention.

Elle abaissa légèrement son magazine pour me voir au-dessus des pages, le reste de son visage dissimulé derrière une couverture montrant un couple heureux et souriant en train de monter dans un arbre.

« Vous pouvez garder la poche de gel, j'en ai d'autres... » Dit-elle sur on ton détaché.

Elle s'apprêtait à nouveau à continuer sa lecture, quand je l'interrompis à nouveau.

« Non, je ne voulais pas vous parler de ça, » dis-je avec hâte. « La femme avec qui j'étais… »

« Ah, elle est déjà repartie, » répondit aussitôt la propriétaire. « Mais ne vous en faites pas, elle n'a rien laissé à régler. »

Ce n'était pas vraiment le fait de devoir payer ses factures à sa place qui me tracassais.

Elle était partie, et tout ce qui restait de notre rencontre, c'était mon œil endoloris et son numéro de téléphone pas encore enregistré qui apparaissait dans mon journal de messages.

Tu parles d'un début de solution à mon problème.

Et puis, avec des réponses aussi éloignées de ce que je voulais savoir, je me dis que la propriétaire n'en savait sûrement pas plus que moi.

Rapidement, je regardais l'heure sur mon téléphone portable, et vis qu'il était presque midi.

Je pouvais déjà entendre mon responsable crier que j'étais en retard et que je ne faisais que ce qui me plaisait.

Et pour une fois, il n'aurait pas tort. J'avais perdu du temps, pour faire quelque chose qui n'avait absolument aucun rapport avec mon travail.

Je me doutais que la jeune femme n'était déjà plus là depuis un petit moment ; aussi, ma priorité était de ramener à temps les deux manuscrits qui m'avaient été confiés.

Sortant de l'auberge, je regagnais mon véhicule et démarrais.

Je ne comprenais pas pourquoi elle m'avait encore faussé compagnie comme ça. Est-ce que c'était une mauvaise habitude qu'elle avait ? Ou bien c'était sa façon à elle de se méfier de moi ?

Ou encore, était-elle trop occupée - comme elle l'avait expliqué précédemment - et devait donc se trouver ailleurs ?

Sans aucune réponse pouvant me convenir, je fixais sur l'écran de mon téléphone le numéro de téléphone rattaché aux messages que j'avais reçus un peu plus tôt dans la journée.

Bah, après tout.

J'enregistrais le numéro dans mes contacts, mais au moment d'entrer l'identité de la personne, je me remémorais le fait que je ne savais toujours pas le nom de la jeune femme.

Je ne pouvais pas laisser ça vide, quand même ?

Voyons voir…

Réfléchissant quelques minutes, je trouvais le nom qui me semblait le plus approprié ; en attendant de trouver mieux, ou de savoir son vrai nom.

Satisfait de mon choix, je rangeais mon portable dans mon sac, prêt à partir.

Ma voiture reprit le chemin de terre jusqu'à la route principale ; et bifurquant sur la droite, je pris la direction de la voie rapide pour rejoindre l'autoroute.

Il me faudrait sûrement deux bonnes heures pour que je rejoigne le bureau, étant donné qu'il y avait beaucoup de monde sur la route à la mi-journée. Ce n'était pas vraiment le meilleur moment de la journée pour rouler. Mais je n'avais pas vraiment le choix. J'étais déjà bien trop en retard pour me soucier de la circulation.

M'engageant enfin sur l'échangeur de l'autoroute, je ne fus pas surpris de voir que toutes les voies étaient pleines de voitures, de camions, ou encore d'autocars desservant les lignes longues distance. Si le train était préféré pour faire de longues distances entre préfectures, les véhicules individuels restaient encore préférés, notamment en périphérie des grandes villes.

Et tandis que je patientais pour pouvoir entrer sur la voie rapide, j'apercevais malgré moi un camion passant dans la file d'à côté et dont la remorque bâchée était de couleur rouge.

Presque aussitôt, ma gorge se serra, accompagnée d'un soudain mal de crâne.

Dans la précipitation, j'avais oublié de mettre mes lunettes de soleil, me forçant à voir dans toute son intensité l'affreuse couleur.

Il me fallut desserrer ma cravate déjà lâche pour reprendre mon souffle. Mais la sensation désagréable s'était déjà emparée de mon corps.

Abandonnant toute possibilité de revenir à mon état normal, je fermais les yeux quelques minutes, le temps de ne plus voir ce qui m'entourait. Les sons avaient déjà presque entièrement disparus, me parvenant de manière étouffés et par intermittence.

Ce fut un bref bruit de klaxon qui me fit rouvrir les yeux.

J'étais resté suffisamment longtemps prostré sur mon volant pour que la file devant moi ait le temps d'avancer de dix bons mètres sans que je ne suive le mouvement. Ce qui avait eu pour conséquence d'impatienter les personnes se trouvant derrière moi.

Mais j'étais plutôt soulagé par cette interruption soudaine.

Grâce à cela, j'étais revenu au moment présent ; et j'avais presque déjà oublié le camion qui n'était déjà plus en vue.

Toutefois, la sensation d'étouffement que j'avais subie persistait encore ; bien qu'ayant grandement diminuée.

Je pensais que mon aversion pour cette couleur m'était passée, depuis le temps. Mais j'avais eu tort.

Certaines choses ne pouvaient pas changer aussi facilement.