Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 41 - Elle a dépassé les bornes.

Chapter 41 - Elle a dépassé les bornes.

Apercevant au loin le Directeur Utagawa repartir vers l'ascenseur après avoir discuté avec les employés qui occupaient les bureaux à proximité immédiate de celui de Shinohara Hana, Shinsuke termina d'écrire son e-mail. Il avait opté pour dire simplement la vérité, sans chercher à l'embellir ou à la peindre sous un mauvais jour. C'était encore ce qui était le mieux à faire, pour rester honnête face à une situation qu'il avait au départ mal comprise.

Il tapa une dernière phrase, puis, relisant son message une dernière fois, décida de l'envoyer. Serizawa s'en servirait comme il le voudrait, et connaissant la nature rigide et stricte de l'homme, Shinsuke savait que cela jouerait sûrement en faveur de Shinohara Hana.

Contrarié, il verrouilla son ordinateur et se leva de sa chaise.

Il ne savait pas ce que ce type faisait, à errer dans les étages, mais à voir à quels bureaux le Directeur Utagawa s'était arrêté, cela devait être en rapport avec la jeune femme tout juste convoquée au Service Juridique. Et lui aussi, il devait aller 'errer' dans un autre étage.

« Si tu prends une pause, ramènes-moi un de ces petits gâteaux au chocolat que vend la boutique juste en face, » demanda Saizo sans même le regarder, trop occupé à travailler sur son ordinateur.

Shinsuke ne répondit rien, mais il se doutait que ne pas accéder à la requête de son ami ne ferait que le rendre plus suspicieux à ses yeux. Il s'assurerait donc de faire un détour pour s'y rendre, une fois qu'il avait fait ce qu'il avait à l'esprit.

En tant que personne, il détestait devoir s'impliquer dans les problèmes des autres, mais en tant que Chef d'équipe, il ne pouvait pas toujours éviter d'intervenir. C'était donc avec cette mentalité qu'il se dirigeait vers le Département Véhicules où Kubo Touma travaillait.

Sans déranger les employés qui étaient occupés au téléphone ou à rédiger des documents pour de nouveaux dossiers, il traversa l'étage pour prendre l'ascenseur.

Puis, une fois arrivé à destination, il franchit les portes de l'ascenseur pour se retrouver dans un endroit bien plus bruyant que celui qu'il avait quitté, il commença à chercher du regard l'homme qu'il voulait étriper sur place.

Ne le voyant pas, il commença à slalomer entre les lignes de bureaux, attirant sur lui des regards curieux puis craintifs ou tendus. Sa présence dérangeait les employés en train de travailler, tout comme elle les terrifiait.

C'était sûrement pour cette raison – parmi d'autres - que les autres Départements détestaient celui des Catastrophes Naturelles : pour la menace que représentait le Chef Kobayashi, et les niveaux de stress qu'il faisait grimper en flèche dans son sillage.

L'homme aigri était connu pour hurler à la moindre contrariété, et à toujours sembler énervé en toutes circonstances sans jamais une seule fois sourire. Et si, par le plus grand des hasards, vous le voyiez en train de sourire, alors ce n'était pas un sourire de joie : c'était le signe avant-coureur d'une catastrophe sur le point de se produire.

Tandis qu'il arpentait l'étage, des chuchotements inquiétés et des regards fuyants le précédaient, et il comprit que s'il voulait une réponse claire, il devrait demander à un des deux Chefs de secteur présents. Il se dirigea donc vers le bureau de son homologue du Département Véhicules, et s'arrêta juste à côté de lui. Ce dernier leva un regard curieux vers Shinsuke, qui se transforma aussitôt en expression lasse.

« Kobayashi-san ? Qu'est-ce que vous faites là ? » Demanda-t-il avec étonnement, mais aussi agacement.

« Un de vos employés s'amuse à attaquer un de mes employés, Kurikawa-san, » vociféra Shinsuke.

Le Chef de la Section Financière du Département Véhicules pour les particuliers, Kurikawa Hayate, bien que légèrement plus jeune que Shinsuke – il devait avoir la trentaine – savait ne pas se laisser impressionner ; et malgré le ton accusateur de l'autre homme, il se força à afficher un sourire courtois.

« J'ai en effet eu vent de ce problème, » dit-il cordialement.

« Donc vous savez ce que ce type a fait ? » S'impatienta Shinsuke.

Kurikawa regarda autour de lui, et voyant que la plupart des employés se faisaient discrets pour éviter de tomber victimes du sale caractère de Kobayashi Shinsuke, décida de se lever pour entraîner l'autre responsable avec lui en salle de réunion.

Shinsuke le suivit volontairement, et une fois la porte fermée, croisa les bras en fronçant les sourcils.

« Où il est ? » Demanda-t-il avec sévérité.

« Vous voulez dire Kubo-san ? » Lui demanda en retour Kurikawa.

« Ouais, où est ce type qui agresse ses collègues ? » Shinsuke haussa volontairement le ton, pour qu'on les entende malgré la porte fermée.

La pièce étant toute vitrée, il était prêt à parier que plusieurs regards indiscrets les observaient gesticuler dans tous les sens, à attendre les moments où ils pourraient comprendre certains des mots prononcés grâce à la grosse voix de Shinsuke.

« Écoutez Kobayashi-san, je comprends que vous soyiez contrarié, mais on ne peut rien faire pour l'instant pour- »

« Je suis un peu plus que simplement 'contrarié', » grogna Shinsuke en l'interrompant. « Cet enfoiré s'en est pris à quelqu'un de mon Département, et au vu des autres internes ayant aussi démissionné avant même la fin de leur mission chez nous, je doute pas qu'il s'en est aussi pris à elles. »

« La direction sait déjà ça, » essaya de le raisonner Kurikawa. « Ils sont déjà en train de régler cette affaire, alors on ne peut qu'attendre... »

« Y'a pas que ça qui me contrarie. » Répliqua Shinsuke. « En tant que son responsable, vous auriez dû mieux le surveiller et l'empêcher d'agir ! »

Le sang lui était monté à la tête, et tandis qu'il pointait plusieurs fois du doigt l'homme en face de lui, une migraine avait commencé à faire grimacer Shinsuke.

« C'est votre putain de job en tant que Chef de protéger vos employés, mais aussi de les surveiller pour qu'ils ne fassent pas de conneries ! » Vociféra-t-il.

Kuriwaka jeta un discret regard à travers les parois vitrées de la salle de réunion, mortifié que cette gueulante avait sûrement été entendue par toutes les autres personnes qui faisaient mine de travailler de l'autre côté de la vitre.

En vérité, Shinsuke avait tellement été agressif, que même le Chef Adjoint pointa le bout de son nez, ouvrant avec précaution la porte de la salle de réunion.

« Vous allez bien, Kurikawa-san ? » S'enquit-il.

L'interpellé lui fit signe de la main de retourner à son poste, et le jeune homme s'exécuta avec réticence. Shinsuke ne se souvenait pas de son nom, et il sentait que de toute façon, il n'aurait pas à parler beaucoup à cette personne, étant donné que tout le monde l'évitait comme la peste.

« Écoutez, Kobayashi-san, » reprit Kurikawa. « Je sais que je n'ai pas été à la hauteur en tant que Chef, mais ce qui est fait, est fait. On ne peut pas revenir en arrière et éviter que cela se produise. »

« Exactement. C'est arrivé et vous comme moi ne pouvons rien y faire. » Dit Shinsuke. « Cependant, en tant que Chef, vous devriez prendre vos responsabilités, envers vos employés, comme envers tous ceux que cet enfoiré a blessé ! »

'Il… N'avait pas tort…'

Du moins, c'est ce que Shinsuke lit sur le visage de l'autre Chef de Section. L'homme en face de lui se sentait coupable, et regrettait sincèrement que l'incident se soit produit ; ce qui apaisa quelque peu Shinsuke.

Il soupira longuement, pour se calmer un peu plus, et posa une main sur l'épaule du Chef Kurikawa. Puis, il tapota lentement et plusieurs fois de sa paume de main l'épaule de l'homme ; sûrement pour évacuer les dernières onces de mécontentement qui l'animaient encore, mais aussi pour donner du baume au cœur à l'autre homme.

« Chacun de nous doit prendre ses responsabilités vis-à-vis de cet incident, » dit calmement Shinsuke.

Il ne fallait pas qu'il oublie de s'inclure dans cela.

Après tout, il avait lui aussi failli à protéger sa subalterne, et sentait que s'il n'avait pas été aussi têtu et rancunier, il aurait peut-être été un Chef à la hauteur. Peut-être souhaitait-il lui aussi qu'on lui tapote l'épaule ou le dos ainsi, juste pour lui dire sans utiliser de mots que tout allait bien, et que c'était normal de faire des erreurs.

Cependant, il n'avait personne pour faire ça pour lui. Même s'il savait que Saizo s'inquiétait sincèrement pour lui, il ne pouvait plus accorder autant de temps à son ami qu'avant, depuis son mariage. Shinsuke ne pouvait pas lui en vouloir pour ça.

Kurikawa lui fit un sourire maladroit, avant de prendre congé pour retourner à son poste, laissant Shinsuke seul dans la salle de réunion.

Malgré lui, il se mit à repenser à ce petit sourire que 'cette' personne avait toujours pour lui, dans les moments difficiles. Elle lui disait toujours la même chose, dans ces situations, et ces paroles lui manquaient cruellement. Qu'est-ce qu'elle utilisait déjà, comme analogie ? Il avait du mal à se souvenir des mots exacts, et ce n'était pas comme s'il pouvait lui demander de le lui répéter.

À cause de ces pensées, son bras lui fit à nouveau mal, et il se blâma lui-même pour avoir ressassé le passé. Il devait arrêter d'y penser, car cela faisait plus de mal qu'autre chose. Cela faisait plus de mal à son propre cœur qu'autre chose, et comme Kurikawa l'avait si bien dit, on ne pouvait pas revenir en arrière pour empêcher que quelque chose ne se produise ; peu importe que ces évènements soient regrettables ou non.

Reprenant son calme, il sortit de la salle de réunion sous les regards toujours inquiets de certains employés, et se dirigea vers l'ascenseur pour retourner dans son propre Département.

Appuyant sur le bouton d'appel, il patienta tandis que la cabine d'ascenseur redescendait des étages supérieurs – dédiés à l'administration et à la direction de l'entreprise – et se demanda si la jeune femme était toujours interrogée par le Service Juridique.

Elle allait sûrement prendre du retard dans le travail qu'il lui avait confié, mais étant donné qu'il s'agissait de vieilles données, ce n'était pas pressant. Il lui avait vraiment donné des choses inutiles et superflues à faire, et en y repensant, il sourit légèrement.

Cependant, ce sourire mesquin et satisfait s'évapora bien vite lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, et qu'il découvrit à l'intérieur Shinohara Hana et Utagawa Takao en train de le regarder avec un air surpris.

Ils avaient déjà fini ? Et pourquoi étaient-ils ensemble ?

Voulant en savoir plus, il ouvrit la bouche pour les interroger, lorsque contre toute attente, deux paumes de mains vinrent à sa rencontre pour le repousser violemment en arrière en appuyant avec force sur son torse. En même temps, il entendit la jeune femme crier quelque chose, et son regard choqué suite à ce geste inattendu croisa celui tout aussi paniqué de la jeune employée.

Shinsuke bascula en arrière mais réussit à reprendre son équilibre sans tomber de tout son poids au sol, et eut tout juste le temps de voir les portes de l'ascenseur se refermer. Se précipitant pour appuyer sur le bouton d'appel et rouvrir les portes, il ne put voir qu'avec impuissance les chiffres sur le cadre d'étage augmenter.

« Attends un peu que je t'attrape ! » Se murmura-t-il à lui-même tandis qu'il prenait la porte des escaliers sous les yeux ébahis des autres employés assis à leurs bureaux.