Pendant que nous rions, je remarque deux hommes aux côtés du capitaine Haka qui est allé à l'autre bout de l'arène. Ces deux hommes n'étaient pas présents dans l'assistance durant le combat. De loin, on dirait bien qu'ils parlent de nous à cause de plusieurs coups d'œil qu'ils jettent dans notre direction. Je prends alors soin d'analyser leur tenue, le premier porte un costume jaune presque doré et il a posé sur ses épaules, un manteau bleuté qui descend jusqu'à ses chevilles. Son col est orange et fait penser aux pétales d'un coquelicot qui épousent parfaitement ses épaules musclées, ainsi que sa nuque légèrement effleurée par celui-ci. Sa casquette militaire de la même couleur que son manteau laisse dépasser des mèches blondes plutôt élégantes. Le second est tout à fait son opposé. Ses vêtements noires font ressortir ses boutons de vêtements rouges. Il a sur ses épaules, une sorte de cape d'un côté rouge et de l'autre noir avec un croissant de lune jaune. Ses poings sont serrés dans des gants en cuirs noire, laissent présager un homme plutôt froid. Sa casquette quant à elle, laisse dépasser plusieurs mèches brunes et je remarque aussi qu'il a un cache sur son œil droit.
J'imagine que ce doit être le capitaine et le commandant. La question maintenant est : qui est qui ? Je vais demander aux autres ce qu'ils en pensent.
-A votre avis, lequel des deux hommes à côté du capitaine Haka est le capitaine et qui est le commandant ?
-Hum... Je pense que le gars en doré, c'est le commandant, dit Hirion.
-C'est drôle, j'aurai pensé l'inverse. L'homme en noir a l'air plus autoritaire et moins détendu, ajoute Lyra.
-Je ne vois pas en quoi ça veut dire que c'est le chef. Je pense plutôt comme Hirion, la tenue dorée fait plus commandant, réplique Pold.
-En tout cas, ils n'ont pas l'air de s'apprécier tous les deux, continue Zoé.
-Pourquoi tu dis ça, Zoé ? demande Pold.
-Observe attentivement l'homme en noir. Il ne dit rien et dès que l'homme en doré prend la parole, il regarde dans notre direction et semble presque cesser de l'écouter.
-La seule chose dont on peut être sûr. C'est que le gars en noir n'a pas l'air d'être un bavard, contrairement à l'autre qui n'arrête pas de parler, s'amuse Wistom.
-Je crois que le capitaine Haka nous fait signe. Il faut qu'on y aille.
Les autres me suivent donc. Nous marchons en direction des trois hommes, tandis qu'ils semblent nous analyser de la tête aux pieds lorsque nous faisons route vers eux. Les deux personnages sont aux antipodes l'un de l'autre. L'un sourit et semble nous accueillir avec bienveillance alors que l'autre dans son costume noir semble ne pas vouloir de nous du tout.
-Messieurs, mesdames, je vous présente le capitaine Okata et le commandant Prométhy.
-Ravi de faire votre rencontre. Zoé et Pold, je vais vous demander bien vouloir m'accompagner car nous avons pas mal de pain sur la planche, nous dis le commandant Prométhy.
-A plus tard les amis, dit Zoé en nous souriant.
-On se revoit bientôt, ne vous inquiétez pas, finis Pold en suivant le commandant tout en prenant légèrement la main de Zoé.
-Pour ma part, je suis le capitaine Okata. Sachez que si je me retrouve en charge d'une équipe, c'est contre ma volonté alors n'attendez pas de moi une quelconque forme d'empathie. Vous êtes désormais des soldats et vous serez traités en tant que tel. Me suis-je bien fait comprendre ?
-Oui, capitaine Okata, nous répondons à l'unisson.
-Parfait, alors suivez-moi. Nous allons faire une petite balade en forêt.
Nous contournons donc l'arène et nous partons en direction de la forêt qui entoure le terrain d'entraînement. Celle-ci est dense et toutes sortes d'arbres semblent s'accommoder de ce climat tempéré. La forêt semble d'ailleurs se densifier à mesure que nous pénétrons à l'intérieur alors qu'un grand ciel bleu nous surplombe. Cet endroit est décidément de plus en plus étrange et semble ne pas cesser de vouloir nous étonner.
-Il n'a pas l'air très commode, murmure Hirion.
-Non, c'est le moins qu'on puisse dire, je lui réponds.
-Peut-être, mais c'est notre supérieur alors il faut lui obéir, ajoute Lyra.
-Oui, tu as raison. Faisons profil bas et surtout toi, Wistom, lui dis-je en le fixant du regard pour qu'il comprenne bien ce que j'attends de lui.
-J'imagine que vous devez vous dire en ce moment: "Non, mais quelle peau de vache! On n'a vraiment pas eu de chance de tomber sur un gars pareil." Et vous n'avez pas tout à fait tort. Je suis une peau de vache. Je suis même sectaire, froid et rancunier. Je n'aime pas grand monde ici et il m'arrive parfois d'être misogyne.
-ça commence bien, lâche Lyra.
-Mais si je fais cela, c'est pour éviter que vous ne mouriez trop tôt sur le terrain.
-Ce gars-là ne me rassure pas du tout, dit Hirion à voix basse.
-On commence à s'enfoncer dans une forêt qui ne me rassure pas du tout, dit Wistom.
-Pourquoi ? je lui demande.
-T'entends pas comme des sifflements ?
-Non, pourquoi ?
-Je crois qu'il y a des serpents, ici.
-On va s'arrêter là, termine le capitaine en faisant une halte.
Nous sommes au milieu d'une forêt luxuriante, on pourrait même plutôt parler de jungle tellement la végétation est sauvage et ne nous est pas du tout familière. La plupart des plantes qui nous entourent me sont tout à fait inconnu. Il n'y a qu'Hirion qui a l'air d'être chez lui avec ses yeux qui brillent. Lyra aussi se demande ce qu'on fait ici. Mais le mieux, c'est quand même le visage de Wistom qui imagine qu'il y a des serpents, ce dont il a une peur bleue.
-Très bien. Pour voir un peu de quoi vous êtes capable en dehors d'un combat. Vous allez devoir survivre dans cette forêt et me retrouver à l'autre bout de celle-ci au bord d'un lac, en direction du nord.
-On a le droit à du matériel ? je demande.
-Vos bras et vos capacités.
-Ah bah, pas merci, répond Hirion.
-Même pas un couteau, capitaine ? continue Wistom.
-Je vous dis à demain, au mieux...
Soudain un écran de fumée noire jaillit tout autour de nous. Nous toussons à plusieurs reprises avant qu'il ne se dissipe et que nous remarquons que le capitaine a disparu.
-Un sacré blagueur, celui-là, ironise Wistom.
-C'est le moins qu'on puisse dire, se plaint Lyra.
-Il va falloir qu'on s'organise un peu et qu'on reste vigilant.
-Je suis d'accord avec toi, Myo. Hirion, tu ne connaîtrais pas un peu les plantes qui sont dans cette forêt, afin qu'on s'en serve ?
-Tu sais la plupart du temps vous vous moquiez un peu de moi à cause de mon amour pour les plantes, Lyra.
-Seulement quand tu les préfères aux filles de ton âge, rigole Wistom.
-Allez, ne fait pas le vexé. Tu sais très bien que c'était toujours sur le ton de l'humour.
-Bon... J'ai vu en effet des plantes intéressantes.
-Ah, voilà. C'est ce Hirion là dont on a besoin.
-Mais vous me promettez de plus vous moquer de ma passion à l'avenir.
-Promis.
-Promis.
-Je ne peux pas promettre un truc que je sais que je ne tiendrais pas, souligne Wistom, tout sourire.
-Et Wistom fera un effort, dit Lyra en lui donnant une petite tape derrière la tête.
-Ouch!
-Bon, pour commencer il faut qu'on sache dans quelle direction aller, leur dis-je.
-Oui. ça ne sert à rien de se fatiguer, si c'est pour aller dans la mauvaise direction.
-Je peux monter en haut d'un grand arbre et essayer de voir dans quelle direction il se trouve, propose Hirion.
-Pas bête et avec mes bulles, je devrai pouvoir t'aider à y arriver sans trop de difficultés.
-Allez-y. Avec Wistom, on va faire le tour des environs histoire de regarder s'il n'y a pas des choses intéressantes à ramasser.
-ça marche, mais ne vous éloignez pas trop, s'inquiète Lyra.
-T'inquiètes, on est des guerriers maintenant, réponds Wistom en bombant le torse.
-C'est bien ce qui m'inquiète.
Sur ce, nous nous éloignons, alors qu'Hirion commence à escalader l'arbre derrière nous, en transformant tout son corps en lierre. Tandis que Lyra a fait apparaître un grand nombre de bulles tout autour de sa peau, pour qu'il se sente un peu plus léger.
Alors que nous venons tout juste de les quitter, Wistom me demande:
-Alors, tu penses quoi de Lyra ?
-Euh ben je...
-C'est bien ce que je pensais.
-Et tu pensais quoi ?
-Qu'on est deux à lorgner sur le même dessert.
-C'est fin ça au moins.
-Oh, c'est bon arrête. J'ai bien vu tes petits yeux mouillés et tes lèvres crispés quand Haka l'a frappé.
-Tu ne vas pas me dire que tu ne t'inquiétais pas non plus pour elle ?
-Mais si, mais si. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Bref, laisse tomber.
-On en parlera peut-être une autre fois. Là, on a des trucs plus urgents à gérer.
Nous regardons autour nous et nous cherchons quelque chose à manger car nous commençons à ressentir la faim. Etant donné qu'il serait difficile de marcher durant des heures avec le ventre vide, nous en faisons donc notre priorité. Je ramasse quelques baies, tandis que Wistom ramasse des feuilles qui ressemblent à de la menthe mais dans le doute, je préfère le dissuader d'en goûter, tant qu'Hirion ne les a pas expertisées.
Nous revenons donc quelques minutes plus tard, pendant qu'Hirion redescend lentement.
-Vous avez trouvé des trucs intéressants? nous demande Lyra.
-Pas grand-chose, mais ça nous fera toujours un goûter, lui dis-je.
-Moi, j'ai de la menthe! Mais Myo ne veut pas me croire.
-J'arrive messieurs, pour vous rassurer.
Hirion pose pied à terre et commence à reprendre un air humain. Il s'approche de Wistom qui tient dans ses mains jointes les feuilles vertes inconnues. Il les reniflent alors avant d'en prendre une dans le creux de sa main.
-Hum... C'est de la mélisse. Ça ressemble fortement à de la menthe, mais ça n'en est pas.
-Mince...
-Mais ne t'inquiète pas. C'est comestible et c'est même très bon pour la digestion.
-Comme quoi ça servait de les ramasser.
-Mais, je n'ai jamais dit le contraire. Juste de ne pas goûter quand on n'est pas sûr...
-De notre côté, on a une bonne et une mauvaise nouvelle, nous avoue Lyra.
-Commence par la bonne.
-La bonne, c'est que le lac est dans cette direction et qu'il est à peut-être une demi-journée de marche, répond-elle en levant son bras droit pour pointer du doigt la direction.
-La mauvaise ?
-Il y a une énorme crevasse qui nous barre la route, lâche Hirion un peu triste.
-Il n'y a pas moyen de la contourner ? demande Wistom.
-Impossible, à moins de perdre peut-être plusieurs jours car elle semble s'étaler à perte de vue. Je ne suis même pas sûr qu'elle s'arrête quelque part.
-Mince... Et elle est large ? je demande.
-Plutôt, oui. Mais à cette distance, je ne saurais pas dire de combien, me réponds Hirion.
-Bon, ben on sait ce qu'on doit faire. On marche tout droit vers le lac tout en récupérant de quoi manger et boire. Une fois devant la crevasse, on avisera, je leur propose.
-Ok, alors en route les copains, finit Hirion en prenant fièrement la tête du groupe.
Hirion est parfois assez déroutant, il passe d'une émotion à une autre sans délai. Il faut dire aussi que ce n'est qu'un jeune adolescent de quinze ans. Ce qui en fait le plus jeune et le plus petit du groupe. Mais il est loin d'être le moins intelligent. Depuis que je le connais, il s'intéresse à toutes les plantes du monde. Il passe sa vie entre les livres et les jardins ou forêts qui l'entoure. Il va pouvoir briller ici car je ne nous vois pas survivre dans un tel endroit sans lui. De plus, plus on s'enfonce dans la forêt, moins on voit le ciel à cause des branches immenses qui nous couvrent la vue. Cela fait ainsi monter la tension alors que nous n'étions déjà pas franchement rassuré.
De son côté, Wistom continue à regarder par terre à droite et à gauche pour ne pas être surpris par un serpent. Il fait bien, je pense. Je ne lui ai pas dit, mais j'ai moi aussi entendu des sifflements qui ressemblaient à ceux de serpents.
-Ah !
Lyra vient de chuter au sol un poussant un cri aigu.
-Qu'est-ce qu'il y a, Lyra ?
-Un serpent, il m'a mordu à la cheville.
-Tu as vu à quoi il ressemblait avant de te mordre ?!
-Ah ! Punaise ! Tu en as encore des bonnes comme ça Hirion ?! s'énerve Wistom.
-C'est pour savoir s'il est venimeux!
-On ne prend pas le risque, je reviens dans le temps.
Instantanément, je tourne le cadran de ma montre et je me retrouve dix secondes avant que le serpent n'ait mordu Lyra.
-On s'arrête tous et vous regardez à vos pieds!
-Qu'est-ce qu'il y a, Myo ?
-On a des serpents autour de nous et ils risquent de nous mordre si l'on ne fait pas attention.
-Bordel ! J'en étais sûr ! Je vous l'avais bien dit !
-Merci, Wistom ! Tu auras le droit à un bon point.
-On fait quoi maintenant ? s'inquiète Lyra.
-On réfléchis et on fait gaffe au sol.
-Les gars... lâche Hirion en tremblant
-Quoi, Hirion ? demande Wistom énervé.
-Regardez au-dessus de nous, mais ne paniquez surtout pas.
Nous regardons donc en l'air et nous découvrons un spectacle atroce. Des centaines de serpents sont enroulés dans les branches et le long des troncs d'arbres. Ils glissent et se faufilent le long des feuillages, pendant que nous nous efforçons de garder notre sang froid.
-Surtout ne bougez pas, je leur chuchote.
-Je ne promet rien, avoue Lyra.
-On est censé faire quoi dans une situation pareille ? demande Wistom en crispant chacun des muscles de son corps.
-Ne pas les provoquer et contourner la zone en espérant qu'elle n'est pas trop vaste, murmure Hirion.
-Je pense que ce serait une perte de temps. Si tout comme le fossé, la zone est immense. Nous ne ferions que gâcher un temps qui nous est précieux.
-Tu as une autre idée ? me demande Hirion.
-Non, je réfléchis.
-Euh... Je crois que j'en ai une, dis Wistom, en étonnant tout le monde.
-Sérieux ? s'amuse Hirion. Si tu nous dis de courir tout droit et de ne pas regarder en arrière. Je serai au regret de te dire que c'est ce qu'on appelle du suicide.
-On a qu'à y mettre le feu à cet endroit. Tous les animaux ont peur du feu.
-Brillante idée, Wistom, dit Lyra.
-Merci, je suis stratège à mes heures perdues, répond Wistom tout fier, en oubliant même pour quelques instants, le danger qui nous guette.
-C'est un bon plan, à ceci près que nous n'avons rien pour démarrer un feu, je lui avoue.
-Euh oui... C'est un peu la faille de mon idée.
On a qu'à utiliser de la cymure, dit Hirion en sortant de sa poche quelques graines rouges.
-Qu'est-ce que c'est que ces graines, Hirion ? demande Lyra.
-Elles poussent en haut de certains arbres, c'est une mauvaise herbe qui peut s'enflammer. Ça permet aux forêts de redémarrer et d'être plus saines. J'en ai pris tout à l'heure en me disant que ça pourrait toujours servir pour démarrer un feu de camp.
-Tu pourrais brûler quoi avec cette quantité ?
-Hum... Je dirais quelques branches durant cinq minutes tout au plus, Myo.
-Parfait.
-C'est du suicide. Tu as vu combien il y a de serpents ici ? me dit Lyra.
-Je suis d'accord avec Lyra et c'est pas du tout parce que je déteste ces bestioles que je dis cela., continue Wistom.
-C'est très risqué mais ça pourrait marcher, s'exclame Hirion.
-Ecoutez, on pas d'autres solutions. Si on se défend mutuellement en cercle, on a une chance.
-J'aime pas du tout ce plan.
-Mais, on n'en a pas d'autres et vu la gueule des serpents qui sont sur les branches. On devrait faire un choix et vite.
-Bon, on a la majorité. Je démarre le feu.
Hirion se précipite au sol et écrase les graines sur des branches qui prennent feu immédiatement. Chacun d'entre nous en prend deux et nous commençons à marcher au milieu de cet enfer. J'ouvre la marche tandis que Wistom reste de dos pour la fermer et empêcher les serpents de nous suivre de trop près. Le plan a l'air de marcher mais c'est immonde. Tout autour de nous des centaines de serpents rampent, sifflent et nous suivent en espérant se repaître de nos restes. Devant moi, les serpents mettent du temps à réagir et à plusieurs reprises, je suis obligé de donner des coups au sol ou dans les airs pour effrayer les plus téméraires. A gauche et à droite, Hirion et Lyra font de même avec une certaine dextérité, je dois l'admettre. Lyra a ravalé sa peur et ne laisse aucuns serpents s'approcher tandis qu'Hirion les insultes tout en frappant au sol.
Nous devons être un spectacle plutôt inhabituel pour qu'ils prennent la peine de nous suivre pendant plusieurs minutes. Malheureusement, petit à petit, nos torches commencent à perdre de l'éclat et effraie de moins en moins nos monstres.
-Les gars, derrière ils commencent à vouloir un peu trop goûter à mes mollets à mon goût.
-Pareille à gauche. J'ai même l'impression qu'ils sont plus nombreux qu'au début.
-Gardez espoir, devant il n'y en a presque plus.
-Il va falloir faire quelque chose et vite parce qu'une de mes torches vient de s'éteindre et l'autre ne vaut pas vraiment mieux, poursuit Wistom en haussant le ton
-Je pense pouvoir faire quelque chose, rapprochez-vous de moi et Wistom prend ma torche, ordonne Lyra.
Nous nous rapprochons donc de Lyra tout en continuant de marcher. Nous formons désormais un triangle tandis qu'elle ferme les yeux et qu'elle joint ses mains.
-Quoi que tu prépares, Lyra. Fais-le vite! hurle Wistom.
A ce moment précis, Lyra frappe le sol avec la paume de ses mains et soudain, des centaines de bulles partent tout autour de nous pour éclater à la gueule des serpents qui reculent en râlant et glissant dans tous les sens comme s'ils étaient perdus.
-Qu'est-ce que c'était que ça ? demande Hirion.
-Des bulles de savons. Je me suis dit qu'il ne devrait pas aimer en avoir pleins les yeux.
-Tu es génial, Lyra. lui dis-je.
-Merci, répond-elle presque timide.
-Tu es trop forte, continue Wistom.
-Arrêtez. Je vais rougir, confie Lyra avec un léger sourire.
-Désolé de casser l'ambiance. Mais pour l'instant faudrait faire gaffe à ceux qui restent, dis Hirion.
-Tu as raison. Devant, il n'y en a plus. Profitons-en pour piquer un sprint et fuir cet endroit.
-Tout à fait d'accord. Allez on y va tout le monde! Crie Wistom en fonçant pour nous devancer.
A ces mots, nous courons tous à toute vitesse en ne regardant plus derrière nous, pour oublier toutes ces bestioles qui avaient rêvé d'un superbe dîner. La course dure bien dix bonnes minutes où nous ne pensons qu'à une chose, mettre le plus de distance entre nous et ces monstres pour ne plus jamais les revoir.
On peut dire que cela nous a bien fatigué. Nous sommes obligés de nous arrêter pour ne pas voir notre cœur éclater. Je prends alors le temps de reprendre mon souffle en m'appuyant contre un arbre pendant qu'Hirion et Lyra sont penchés en avant en tentant de ne pas cracher leurs poumons. Il n'y a que Wistom qui a l'air en forme, malgré le poing de côté évidant qu'il a, mais qu'il essaie de cacher tant bien que mal.
-Vous pensez qu'on va encore avoir affaire à des trucs dangereux comme ça ? demande Lyra en essayant de calmer sa respiration.
-Je pense, vu le prof tordu que l'on nous a foutu, s'exclame Wistom.
-Drôle de test, si vous voulez mon avis, je leur confie.
-C'est le moins qu'on puisse dire. Ecoute moi bien Akota, si tu peux m'entendre, sache que t'es un gros sadique! Tu as failli tuer quatre adolescents pour un simple test! Espèce de malade!
-Calme toi, Hirion. Ça ne sert à rien que tu t'énerves comme cela. A l'heure qu'il est, il est sûrement en train de déguster un cocktail au soleil au milieu de jeunes soldates, dit Wistom en rigolant.
-Ce n'est pas mon avis, je lui répond en finissant de reprendre une respiration presque normale.
-Quoi? Tu penses qu'il préfère les hommes ?
-Non... Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je pense qu'il ne doit pas être loin en train de nous observer et évaluer notre niveau.
-Je l'avais bien dit que c'était un sadique! lâche Hirion en s'effondrant sur le dos épuisé par l'effort et le stress.
-Mieux vaut qu'on ne reste pas ici, immobile. On risquerait de se laisser surprendre une nouvelle fois.
-Je suis d'accord avec toi. Il faut qu'on reprenne la route même si ce n'est qu'en marchant, ajoute Wistom.
-Moi pas. Continuez sans moi. Je n'ai plus la force de faire un pas de plus, dit Hirion, toujours allongé au sol.
-ça tombe bien. On ne te demande même pas de marcher, s'amuse Wistom en s'approchant d'Hirion pour le prendre sur son épaule droite comme un sac de pomme de terre.
-Eh ! Lâche moi espèce de brute, proteste Hirion.
-Désolé, mais les autres ont raison. Faut pas rester ici, réponds Wistom.
Hirion se laisse finalement faire et il reste sur le dos de Wistom, les bras croisés et un peu vexé. Le reste du chemin est plus calme et nous devons simplement nous faufiler au milieu de lianes et de ronces. Malgré le fait qu'Hirion refuse toujours de poser pied à terre, la marche se passe plutôt bien mais nous continuons à rester sur nos gardes.
-ça fait près de deux heures qu'on marche. Il me faut une pose, demande Wistom.
-Ok. On va prendre cinq minutes pour nous reposer, leur dis-je.
-Tu es à nouveau prêt à marcher, Hirion ? demande Lyra.
-Moui.
-Allez, arrête de bouder et aide-moi plutôt à trouver de quoi nous nourrir un peu.
-Très bien, mais c'est bien parce que c'est toi qui me le demandes, Lyra.
-Ne vous éloignez pas trop. C'est compris ?
-Entendu, capitaine Myo, rigole Lyra en s'éloignant avec Hirion.
Je n'aime pas endosser le rôle du chef mais il faut bien que quelqu'un prenne les décisions. Sinon nous sommes tous bon pour la tombe.
-Finalement, tu ne te débrouille pas si mal comme chef, Myo, me confie Wistom.
-Merci, Wistom. Tu nous a aussi été d'un grand secours. Je ne sais pas ce qu'on aurait fait d'Hirion sans toi.
-Vous l'auriez baffé jusqu'à le remotiver, rigole Wistom.
-Peut-être, je rigole avec lui.
-Qu'est-ce que tu crois qui nous attend encore ?
-Je ne sais pas, Wistom. Mais à mon avis, on est qu'au début des ennuis.
-Ok. En tant que chef, il faut que tu envisages toutes possibilités. Tu en conscient n'est-ce pas ?
-Oui, mais pourquoi tu dis ça ?
-Nous allons arriver face à des trucs bien plus dangereux que des serpents. J'en suis persuadé et à ce moment-là tu devras faire un choix.
-Un choix ?
-Le choix pour savoir qui sacrifier.
-Quoi ? Non, jamais je nous laisserai dans une situation pareille.
-Écoutes-moi, fais-moi la promesse que si cela arrive. Tu me choisiras moi.
-Pourquoi tu me demandes une chose pareille ?
-Parce que tu as le cerveau le mieux constitué que je connaisse et que si la situation se présente. Tu sauras faire un choix logique et pas de cœur. Fais-m'en la promesse.
-Comment veux-tu que je te promette quelque chose de pareille?
-Parce que tu sais que je suis un pion sacrifiable. C'est comme au Shogi. On ne sacrifie pas le roi, ni le général, ni même le cheval. Mais le soldat, il est là pour ça.
-...
-Promet le moi.
-Je suis désolé, mais ça je ne peux pas te le promettre. Mais je peux te jurer que je ferai tout pour qu'on arrive tous ensemble au bout de cette aventure. Tu es rassuré ?
-Nous verrons.
Je n'aime pas cette soudaine perte de confiance chez Wistom. Ça ne lui ressemble pas du tout. Au contraire, la plupart du temps, je dois le faire freiner car il ne s'est pas quand s'arrêter. Mais les événements récents puis la découverte d'un véritable nouveau monde a dû le changer intérieurement.
-Qu'est-ce qui t'arrive, Wistom ?
-... Pour la première fois de ma vie, j'ai peur, Myo. J'ai peur pour moi, j'ai peur pour vous.
-C'est normal d'avoir peur, petit frère. La seule chose que nous pouvons faire, c'est de nous efforcez de la surmonter. Quand bien même, on ne s'en sentirait pas capable.
-Oui, mais toi tu es un génie. C'est simple pour toi de penser comme ça.
-Oh, bien au contraire. Le fait de comprendre parfois avant les autres ce qui va arriver est un poids sans équivoque. Crois-moi, tu n'en voudrais pas. J'échangerai avec joie tes muscles contre mon cerveau. Ne serait-ce que pour impressionner un peu, Lyra.
-Pas d'inquiétude. Tu l'as déjà impressionné face au capitaine Haka. Tu nous as tous impressionné avec ton calme et ton intelligence.
-Mais cela n'a pas suffi.
-Et cela ne suffira pas toujours. Certains combats sont perdus d'avance. C'est pour ça que les soldats sont faits, pour permettre au roi de battre en retraite.
-On est de retour, les gars, crie Hirion en bondissant dans tous les sens.
-Tu as à nouveau la pêche, ça fait plaisir à voir.
-On se demande grâce à qui, ironise Wistom.
-On vous a ramené de quoi boire et manger à votre faim.
Lyra a dans ses bras des sortes d'ananas violet, tandis qu'Hirion gambade avec une sorte d'immense salade qui cache tout son petit corps.
-Tu t'es trouvé une tenue de camouflage à ta taille, Hirion ? rigole Wistom.
-Non, monsieur. Je vous présente la Cornellia Echinacée aussi appelée plus communément « Salade buisson ».
-Drôle de plante et toi Lyra, c'est quoi ces ananas ?
-Ce ne sont toujours pas des ananas mais des Heucherella Trillium que l'on appelle aussi « Cœur de Noyé ».
-Comme quoi la lecture, ça sert s'amuse Lyra en regardant Wistom.
-Mouais...
-Bon, au lieu de lancer un débat philosophique. ça vous dit de casser la croûte ? propose Lyra.
-Avec plaisir, mes amis et merci pour tout. je leur réponds.
Nous nous asseyons donc en cercle en mangeant un peu de salade et de cet « ananas » comme j'aime l'appeler pour énerver Hirion qui est un poil tatillon sur les termes. Ce repas nous fait un grand bien, mais je ne baisse pas pour autant ma vigilance et je regarde à droite et à gauche pendant que nous mangeons. Par chance, nous ne sommes pas dérangés pendant notre goûter. Nous avons alors l'occasion de pleinement reprendre nos forces.
Puis, nous reprenons la marche lentement pour ne pas faire souffrir notre estomac qui est en pleine digestion. La végétation est de plus en plus différente à mesure que nous nous rapprochons de la fissure. Pendant plus de deux heures le paysage évolue, les arbres sont plus petits et plus secs. L'herbe commence à se faire rare et la terre est de moins en moins meuble.
-Cet endroit est plutôt sinistre vous ne trouvez pas ? souligne Lyra.
-Oui. A mon avis, on se rapproche de la fissure. J'avais remarqué que la végétation était beaucoup moins dense aux abords de la crevasse, réponds Hirion.
-Tu pense qu'on y sera bientôt ? je demande.
-Je dirais qu'il va nous falloir encore une heure ou deux de marches.
-Quoi ? La nuit est en train de tomber et on a encore plus d'une heure à marcher, se plaint Lyra.
-C'est une approximation. Je ne peux pas être certain.
-Cela va commencer à faire beaucoup. Même pour moi, réplique Wistom.
-On continue de marcher et une fois à la crevasse on avisera, leur dis-je.
-Ok. Mais ralentissez un peu le rythme, demande Lyra.
-Très bien. Mais pas trop, sinon on va se retrouver au beau milieu de la forêt dans le noir, lui dis-je.
Nous décidons donc de reprendre la route et pendant une heure, nous marchons sans encombre et sans trop de plaintes. Après cette durée, nous apercevons la crevasse éclairée par la lumière de la Lune. Le trou est béant et nous n'en voyons même pas le fond. Pas moins de cent mètres doivent nous séparer de l'autre rive alors qu'un précipice de plusieurs centaines de mètres se dessinent sous nos pieds sans que nous puissions en distinguer clairement le fond.
-Eh ben. Ce n'est pas un petite faille, ce truc. Il doit facile y avoir cent mètres jusqu'à l'autre côté. dis Wistom.
-Si quelqu'un a une idée pour traverser, je suis preneur, demande Hirion.
-Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas ce soir qu'on aura la solution. Pas avec si peu de lumière, je lui réponds.
-Je suis d'accord avec Myo. On ferait mieux de se reposer ici et d'y réfléchir à tête reposée demain, appuie Lyra.
-Je ne suis pas contre une petite sieste. Mais faites attention à ne pas dormir trop près du précipice. Ce serait dommage de tomber durant votre sommeil, rigole Wistom.
-Super rassurant, merci Wistom, dit Hirion en s'allongeant sur le sol le long d'une racine, bien éloigné du vide.
-Je vous propose qu'on fasse des tours de gardes, leur dis-je.
-Bonne idée, Myo. Wistom, tu prends la première car tu es épuisé puis ce sera au tour d'Hirion, puis de Myo et enfin de moi. Ça vous va ? propose Lyra.
-Vendu, répond Wistom.
-Ok, continue Hirion.
-C'est parfait, je leurs dis en confiant ma montre à Wistom pour qu'il la passe autour de son cou.
-Bonne nuit, tout le monde.
-Bonne nuit.
-Bonne nuit.
-Nuit Bonne, finis par lâcher Hirion avec un petit rire étouffé.
Nous commençons donc tous à nous endormir sauf Wistom qui admire la Lune, alors qu'il est assis au bord du ravin pour son tour de garde. Je m'endors assez facilement et alors qu'il ma semblé n'avoir fait que fermer les yeux, je suis réveillé durant la nuit par Hirion pour débuter mon tour de garde. Je n'avais même pas remarqué que je m'étais endormis. La fatigue et surement aussi le stress ont épuisé mon corps. Il me rend ma montre alors que je m'efforce de garder les yeux ouverts tout en restant attentif aux bruits des alentours. Mais rien. Cette nuit est parfaitement calme, trop même. Pas le moindre oiseau, animal, ou insecte ne vient perturber ce silence, pas même le vent ne vient s'opposer à lui. Je regarde vers l'autre côté du précipice. Il faut que je trouve un moyen de traverser. Il faut absolument qu'on y arrive. C'est peut-être bête mais je veux prouver au capitaine que l'on vaut quelque chose. Que nous ne sommes pas que de simples soldats bons pour obéir et se taire quand on l'ordonne. Je veux lui montrer que nous sommes capables de survivre et même de nous surpasser en avançant ensemble, tous ensemble.
Mais bientôt mes réflexions sont interrompues par un bruit, une branche qui vient de craquer.
-Qui va là ?
-C'est moi. C'est Lyra.
-A c'est toi. J'ai eu peur que ce soit quelqu'un d'autre.
-Qui veux-tu que ce soit au beau milieu de cette forêt ?
-Je ne sais pas un animal ou un autre humain venu nous attaquer.
-Ne te fais pas de soucis. Il n'y a que nous ici. Et pour ce qui est des animaux, cela fait longtemps qu'il n'y en a plus dans cette forêt.
-Tu as raison. Mais je fais ça pour nous protéger.
-Oui, je sais bien. Ne t'inquiète pas. Tu penses que les choses pourront redevenir normales ? me demande-t-elle en s'asseyant près de moi.
-C'est-à-dire ?
-Est-ce que tu crois qu'on pourra retourner un jour à la maison. Revoir nos parents, nos amis, notre famille, notre foyer.
-Je pense que oui. Mais je ne sais pas quand on aura cette chance.
-Je n'ai même pas pu dire au revoir à mes parents, ni même à mes sœurs, soupire Lyra en laissant s'écouler des larmes sur son visage.
-Je sais, Lyra. Mais je t'en fais la promesse. Nous les reverrons et ce jour-là, ils seront fiers de ce que nous serons devenus. Avant ça, on fera en sorte de les prévenir pour ne pas qu'ils s'inquiètent et que nous ayons un peu de leurs nouvelles, lui dis-je en lui souriant.
-Merci, Myo. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi.
Puis, elle me prend dans les bras, sans que nous disions quoi que ce soit.
Je passe mon bras par-dessus son épaule et elle pose sa tête contre mon cœur. Nous restons là, immobile, dans le silence. J'aimerai que ce moment dure éternellement, je sens sa respiration contre ma peau et mon cœur ne cesse de battre plus vite. Je n'ose plus bouger. Je ne sais pas si je dois me risquer à prendre sa main contre la mienne ou si je dois lui dire des mots doux. Je reste alors sans rien faire de plus que la tenir contre moi, comme-ci inconsciemment, je me disais qu'elle ne pourrait plus partir et que nous resterions là à tout jamais. Finalement, c'est elle qui rompt le silence.
-Il va falloir que tu ailles te coucher, Myo. Si tu veux pouvoir nous guider, demain.
-Je ne vous guiderai qu'avec votre aide. Sinon je ne pourrais pas avancer.
Notre étreinte cesse alors doucement pour que je me lève et que j'aille me coucher à quelques mètres d'elle pendant qu'elle s'appuie contre un arbre et nous observe pendant que nous rêvons.
Au petit matin, je suis réveillé par Wistom qui me bascule le corps de droite à gauche.
-Eh, oh! Debout là-dedans. C'est finis la sieste, frérot.
-Merci pour ce réveil, qui est des plus tendres, petit frère.
-Tu as de la chance. Moi, il m'a réveillé en me baffant, râle Hirion.
-Olalala! Tout de suite les grands mots. Je lui ai tapoté les joues jusqu'à ce qu'il se réveille.
-Bon, maintenant qu'il commence à faire jour, regardez à notre droite du côté de la falaise, nous dits Lyra.
Nous nous approchons donc du précipice et nous remarquons un pont suspendu à environ un kilomètre.
-C'est notre chance! s'exclame Wistom.
-J'ai comme l'impression qu'on n'a pas non plus une tonne de choix, confie Hirion.
-C'est vrai, raison de plus d'être extrêmement prudent, leur dis-je.
-Tu pense que c'est un piège ? me demande Lyra.
-Oui, j'en suis persuadé.
-On fait quoi alors ? demande Hirion.
-On s'y précipite. dis Wistom, avec toujours son sourire de vainqueur.
-Quoi ? On sait que c'est un piège et on y va ? s'exclame Lyra.
-Pour une fois, Wistom n'a pas tort. On n'a pas d'autre choix, alors restons sur nos gardes.
-On va dire que je n'ai rien entendu et je vais y aller confiant, dis Hirion en commençant à partir dans la direction du pont.
-Je fermerai la marche, ne vous inquiétez pas, dis Wistom.
C'est donc plutôt anxieux que nous avançons vers ce pont suspendu. Plus nous l'approchons, plus nous nous demandons, si c'est vraiment notre seule solution. De nombreuses planches sont manquantes ou alors suspendues dans le vide par quelques fils. Pour le reste, quatre cordes soutiennent l'ensemble en étant attaché à deux rochers de part et d'autre du ravin.
-Si vous voulez mon avis, je pense que ce pont ne soutiendra même pas Wistom seul, lâche Hirion.
-Mais si, j'ai fait un régime.
-C'est vrai qu'il n'a pas l'air très solide. Mais on n'a pas non plus d'autres solutions.
-Il faudrait faire un test avant d'y aller, leur dis-je.
-Je pourrais utiliser mon samouraï ?
-Bonne idée. Il y va d'abord et on verra ce qu'il advient, approuve Lyra.
-Si personne n'a d'objection, je l'invoque.
-Vas-y, je pense que c'est la chose la plus sage à faire.
Wistom ferme alors les yeux et commence à se concentrer. Son samouraï apparaît alors soudainement devant nous dans une tempête de feuilles mortes. Il part donc dans la direction du pont et ils se tient aux cordages tout mettant les pieds sur les planches lentement. Il fait aussi attention de toujours prendre appui au niveau des bordures extérieures pour éviter que celles-ci ne cèdent sous son poids.
-Je me demandais, Wistom. Tu le contrôle comment ? demande Lyra.
-Je pense simplement à ce qu'il doit faire et ensuite il s'exécute. Ensuite, je peux le faire changer d'objectif mais il est très autonome. Ce n'est pas moi qui guide chacun de ses mouvements en ce moment.
-En tout cas, il a l'air de pas trop mal s'en sortir, souligne Hirion.
-Oui, c'est parfait ce que tu fais, lui dis-je.
Le samouraï continue de nous impressionner et lentement mais surement, il avance et atteint presque la moitié du pont lorsqu'il finalement, il s'arrête sans raison apparente.
-Qu'est-ce qui se passe, Wistom ? demande Lyra.
-Il ne peut plus avancer. Je crois que c'est sa portée maximale.
-Mince. On y était presque, s'agace Hirion.
-Peu importe. Ce qu'il a fait nous permet déjà de savoir qu'il faut y aller un par un et avec prudence. Qui veut traverser en premier ? je leur demande.
-Wistom a dit qu'il voulait terminer la marche mais je préférerai y aller en dernier si vous le voulez bien, demande Hirion.
-Si tu veux. Personne ?
-Ce n'est pas que j'ai peur du vide. Mais ce pont ne me rassure pas du tout, avoue Lyra.
-C'est bon, j'y vais. Si mon gros corps passe, vous passerez tous, s'amuse Wistom.
Il part donc en premier, laissant son samouraï le devancer afin de faire les mêmes mouvements que lui. On peut dire que la méthode porte ses fruits. Certes avec difficulté, mais avec un certain panache, Wistom réussit à traverser le pont.
-Trop facile! ose hurler Wistom, pas peu fier de sa prouesse.
C'est maintenant au tour de Lyra d'avancer sur le pont, seule cette fois. Elle s'est couverte de bulle pour être plus légère à tel point qu'il semble qu'elle se tient plus pour ne pas s'élever dans les airs que pour simplement s'appuyer pour ne pas tomber. Sa méthode est un peu excentrique mais elle fonctionne et elle atteint l'autre côté sans trop de désagrément.
-C'est bon, plus de peur que de mal, nous crie Lyra en tapant dans la main de Wistom comme une championne de sport.
C'est donc maintenant mon tour. Je me dis avant de mettre le pied sur la première planche que si cela tourne mal : j'aurais la possibilité de retourner dans le temps pour avoir une deuxième chance. Mais il ne faut pas que je pense comme cela. Penser à la défaite, c'est déjà l'accepter. Prends ton temps, Myo, on n'est pas pressé. Un pas après l'autre... Je sens chacune de ces planches se plier et grincer lorsque je pose mon pied. Je hais ça. En plus de devoir regarder attentivement où poser mes pieds, je vois ce précipice sans fond sous moi. Par pitié, faites qu'elles tiennent le coup.
Crac !
Non ! La planche sur laquelle j'ai mis le pied gauche vient de céder. Je me tiens de toutes mes forces avec mes bras pour ne pas être emporté dans sa chute. Avec un peu de mal, je réussis à me remettre sur la précédente et me voici devant un dilemme. Dois-je retourner dans le passé ? Est-ce que j'aurais pu ne pas la casser? Car là je vais être obligé de sauter pour atteindre la suivante. Je pèse le pour et le contre... Bon sang ! C'est impossible ! J'avais pourtant calculé mon mouvement et j'avais même testé la planche avant de m'y appuyer. Elle n'aurait pas dû craquer ! Bon, bon. Calme toi, Myo, et réfléchis. Malgré tous mes efforts, la planche a cédé et pourtant j'y ai mis toute mon énergie et toute ma réflexion... Alors c'est inutile de revenir dans le temps. Je vais tenter de sauter et peut-être que ça passera. De tout manière, si cela ne passe pas, je pourrais toujours revenir dans le temps et peut-être même réessayé de passer cette planche sans la briser.
Maintenant, il s'agit de s'avoir comment sauter ces cinq planches manquantes. J'ai peur que si je saute, la planche que je vais attraper ne cesse sous mon poids... Réfléchis, réfléchis.
Hum... j'ai peut-être une solution, mais il va falloir que tienne avec mes bras. Je vais me suspendre à la corde de gauche et je vais avancer comme un singe. Je m'assois donc sur ma planche et je prends avec mes deux mains la corde. Je souffle un grand coup et je regarde devant moi. Wistom et Lyra sont en train de m'encourager, mais je suis tellement concentré que je ne les entends même pas. Je me lance et je m'accroche de toutes mes forces pour ne pas tomber. Je balance mon bras doit, puis mon bras gauche et ainsi de suite pour réussir à avancer ces quelques mètres qui me paraissent être interminable.
Finalement, j'attends l'autre côté et je ne perds pas une seconde de plus. J'ai l'impression que plus je reste sur ce pont, plus mon cœur bat vite et risque d'éclater. Je finis donc les dernières planches presque en courant et je me précipite sur la terre ferme que j'embrasse, pour m'y allonger sur le dos. Qu'est-ce que ça fait du bien, d'être sur la terre ferme. Je remarque Lyra qui est assis sur le sol et qui a l'air d'avoir presque autant souffert à la vue d'un tel spectacle.
-On peut dire que tu nous as fait une sacrée frayeur, Myo, m'avoue Wistom, soulagé.
-Plus jamais, on fait une chose pareille. Promis ?
-Promis, Lyra. Promis...
-Ne vous extasiez pas trop. Il reste encore Hirion à passer, nous rappelle Wistom.
-Tu as raison, Wistom. On se réjouira quand tout le monde sera passé.
Je me mets alors en tailleur pour l'observer et il n'a pas l'air non plus très confiant. C'est étrange, j'ai l'impression qu'il a transformé son bras en une sorte de pince tandis que ses jambes et le reste de son corps ressemblent à un buisson.
-Eh, vous savez ce qu'il mijote ? demande Wistom, sans comprendre sa stratégie.
-Pas la moindre idée et toi, Myo ?
-Je crois comprendre et c'est une très mauvaise idée, je leur avoue avant de crier. Hirion ne coupe pas la corde! Tu vas t'écraser contre la falaise!
Mon cri se répercute à l'infini, mais il ne réagit pas. Malgré mon ordre, il coupe la corde derrière lui, tandis qu'avec l'autre, il la tient fort. Finalement, il la prend à deux mains et la chose qui saute dans le vide en hurlant comme Tarzan, ressemble plus un gros buisson qu'à Hirion.
-Mais c'est un malade, en fait! lâche Lyra.
-Un véritable inconscient. J'adore, poursuit Wistom avec un sourire d'excitation non dissimulé.
Nous le voyons se balancer à grande allure et il percute soudain violemment la paroi rocheuse.
-Hirion, tu es toujours en vie ? crie Wistom.
Nous n'avons pas tout de suite de réponse, puis:
-Plus ou moins ! réponds Hirion en nous rassurant tous.
-Il est vivant, c'est déjà ça, dit Lyra.
-Oui, mais dans quel état ? On va essayer de lui filer un coup de main, en tirant la corde en arrière pour le faire monter.
Wistom et Lyra prennent donc avec moi la corde et nous commençons à le remonter. Après quelques minutes d'efforts, la tignasse blonde apparaît au rebord. Hirion est plutôt fier de lui et nous souris avec pas mal de bleus et de griffures.
-Si tu as d'autres idées stupides comme celle-la? Demande-nous avant d'agir de la sorte! s'exclame Lyra.
-Oui, mais j'ai peur du vide.
-Je ne sais même pas ce que je dois répondre à ça, lâche-t-elle, un peu désespérée.
-Laisse tomber. Content que tu t'en sois sortis. Presque indemne. Lui dis-je, en le dépoussiérant pour m'assurer qu'il ne soit pas trop blessé.
-Maintenant qu'on y est. Il reste encore beaucoup de chemins ? demande Wistom.
-Je dirai une heure ou deux encore, réponds Hirion.
-Très bien. Restez tous sur vos gardes. Il va surement y avoir d'autres dangers avant qu'on arrive au lacs, j'ajoute en me rassurant car il ne semble avoir que des blessures superficielles.
Sur ce, nous reprenons notre route. Hirion ferme la marche en faisant mine de ne pas avoir mal tandis que Wistom ouvre fièrement le chemin avec Lyra à ses côtés. Je préfère être au milieu pour pouvoir réagir en cas de problème à l'avant ou à l'arrière du groupe.
Étonnamment, cette forêt est peuplée d'animaux plus mignons les uns que les autres. Nous voyons des cerfs, des biches, des lapins, des écureuils, des hérissons, quelques marcassins et toutes sortes d'oiseaux colorés.
-Vous pensez que le capitaine veut nous mettre à l'épreuve en regardant si on ne finit pas par caresser tous ces magnifiques animaux ? rigole Hirion.
-ça paraît tout à fait surréaliste comme endroit. Il y a à peine cinq minutes, on risquait nos vies sur un pont suspendu et là, on se balade dans un parc remplit d'animaux calmes et majestueux, répond Lyra.
-Moi, ça me donne faim toute cette nourriture sur patte, dit Wistom en léchant presque les babines.
-Wistom! Rouspète Lyra.
-Olala. Si on ne peut même plus rigoler, râle-t-il joyeusement.
Lorsqu'ils continuent de papoter, je remarque quelque chose qui stoppe net ma marche. Un peu plus loin sur la droite, il y a un squelette assis, adossé contre un arbre.
-Non. On ne peut pas se permettre de rigoler. Regardez plutôt là et dites-moi que vous ne voyez pas un cadavre, je leur demande en pointant du doigt le cadavre en armure.
-Si s'en est pas un, c'est très bien imité, réplique Hirion.
-A mon avis, quand on a plus que des os, on est souvent mort, continue Wistom.
-Vous pensez qu'on devrait aller voir ? demande Lyra.
-Tu veux voir si tu peux lui faire les premiers secours ? s'amuse Wistom.
-Non, gros bêta. Je veux voir comment il est mort pour qu'on ne répète pas son erreur.
-Bonne idée. On va se rapprocher avec Lyra, mais vous, vous restez à distance pour regarder aux alentours au cas où se serait un piège, je leur propose.
-ça marche.
Je m'approche donc du cadavre avec Lyra. C'est un squelette humain dans une armure. Il a de grandes épaulettes en métal surplombant un vieux plastron. Ses bras quant à eux ne sont recouverts que par des lambeaux de tissus gris. Il ne porte pas de casque et il a toujours autour du cou, une sorte d'écharpe blanche qui a semble avoir été préservé des combats qu'il a subit avec son armure. Derrière sa tête, je vois dépasser le manche d'une épée à deux mains. Je m'attarde par la suite au bas de son corps et je remarque qu'il semble tenir quelque chose dans ses deux mains jointent. Plus je l'observe, plus je trouve étonnant la forme de son plastron et tout l'ensemble métallique qui le protège. Cette armure ressemble plus à des écailles d'un monstre, qu'une armure simplement faite de plate.
-Je ne sais pas si c'était une bonne idée, finalement, m'avoue Lyra.
-On a fait trop de chemin pour s'arrêter là. Fais-moi confiance.
Lorsque nous arrivons à seulement deux mètres du squelette, ses deux mains s'ouvrent et laissent apparaître une rose blanche qui émet une légère lumière bleutée. Celle-ci flotte au-dessus de ses articulations et tourne lentement sur elle-même à la verticale.
-On fait quoi, maintenant ? me demande Lyra en se mettant accroupis devant le soldat.
-Je... Je ne sais pas. Je m'attendais à tout sauf à cela, je lui avoue, comme hypnotisé par ce spectacle tout à fait singulier.
-On prend la rose ?
-Quoi ?
-Ben, oui. Il nous a ouvert la main lorsqu'on s'est approché. C'est pour nous la donner.
-Ou pour nous tendre un piège.
-Ce serait vicieux.
-Tout comme ce capitaine...
-On ne va pas rester là à ne rien faire. C'est toi-même qui m'a dit qu'on avait fait trop de chemin pour s'arrêter là.
-Oui, je l'ai dit. Mais ça concernait le fait de voir ce squelette. Pas de lui voler sa fleur.
-Bon, écoute. Je la prends et si tu n'es pas content. Tu n'auras qu'à remonter le temps.
Je n'ai même pas le temps de répondre, qu'elle prend la rose avec sa main gauche. Au moment précis où elle quitte le squelette, ses muscles, ses nerfs, sa peau commencent à refaire surface. Tous se lient tel des lierres parasites pour offrir semble-t-il, une nouvelle vie à ce guerrier. Et bientôt, le soldat retrouve ses traits d'origine.
Jamais, je n'aurais pu imaginer ce qui se dessine désormais devant mes yeux. Ces traits me sont extrêmement familiers, ils sont à jamais gravés dans mon esprit, dans mon âme. Car ce sont ceux de l'assassin de mes parents. Il a les mêmes yeux, le même nez et sa barbe grisâtre. Il semble paisible et ses yeux nous fixent. Mais, je vois bien qu'il respire. Sans réfléchir, je me précipite sur lui et je commence à l'étrangler. Ma colère est-elle que je ne pense qu'à une chose, le tuer de mes propres mains!
-Salopard! Je vais enfin me venger! Je ne sais pas comment tu as fait pour te retrouver là! Mais s'en est finis de toi!
Je commence à serrer mes mains autour de son cou sans qu'il n'oppose de résistance. Mais ce n'est pas ce qui m'arrête. Il peut bien abandonner, moi j'ai pris ma décision. Quand soudain, Lyra me frappe dans le dos en criant : Arrête, je t'en supplie arrête! C'est mon père !
-Quoi !?
-C'est mon père... Arrête, je t'en prie. Quoi qu'il t'ait fait, s'il te plaît. Lâche-le. Ne le tues pas...
Je ne sais plus quoi dire. Je le lâche et je me retourne face à Lyra. Elle est en larme et elle n'arrive plus à dire un mot. Tout ce qu'elle arrive à faire, c'est tomber dans les bras.
-ça fait si longtemps que je rêve de le revoir.
Tandis qu'elle me serre fort, je vois derrière elle, Wistom et Hirion accourir.
-Qu'est ce qui se passe ? demande Wistom en courant.
-Je ne sais pas, Wistom, mais le cadavre a pris vie, s'alarme Hirion.
En me retournant vers le soldat, je remarque qu'il n'a pas bougé et qu'il continue à nous fixer calmement. Mon attaque soudaine n'a pas l'air de l'avoir touché, le moins du monde.
-C'est qui ce gars ? Vous le connaissez? demande Hirion.
-Il semblerait que ce soit le père de Lyra, leur dis-je.
-Mais ton père ne ressemble pas du tout à cet homme ? Je me trompe, Lyra ? questionne Wistom.
Lyra essuie ses larmes et réussi à dire.
-C'est mon père adoptif que tu as rencontré. C'est quelque chose que nous avons toujours gardé secret. Mon père nous a abandonné quand j'avais cinq ans. Plus tard, ma mère a rencontré mon père adoptif dans un autre village. Et pour éviter d'être montré du doigt comme la femme abandonnée et pour démarrer une autre vie. Nous sommes allés avec mon père adoptif vivre à G-Shokunin.
-Mais tu es sûr que c'est lui ton père ? dis Hirion.
-Oui, j'ai encore une image de lui que j'ai gardé dans ma chambre. Je la cache sous mon oreiller pour pas que ma mère ne la voie et ne la déchire comme toutes les autres, avoue Lyra.
-Je suis vraiment désolé, dit Wistom, sans savoir où se mettre.
-Ne le soyez pas. Ce n'est pas de votre faute, mais celle de mon père, continue Lyra.
-Mais pourquoi tu lui as sauté de dessus alors, Myo ? me demande Hirion.
-Il ne le savait pas. Il avait peur pour nous deux, alors il a voulu se défendre, réponds Lyra sans me laisser répondre.
-Ce qui est sûr, c'est qu'il n'a pas l'air d'être très agressif, dis Hirion.
-Il a même l'air totalement dans les fraises. Il nous regarde mais il ne dit rien, continue Wistom.
-Qu'est-ce que tu fais là ? lui dis-je.
Il ne me répond pas et continue de nous regarder bêtement. L'assassin de mes parents se trouve face à moi et il ne me répond pas. J'en rage! J'ai du mal à contrôler mes émotions mais la main de Lyra sur mon torse me ramène à moi.
-Papa, cela fait tellement longtemps. Dis Lyra.
-Je sais ma fille, je le sais bien et je te demande pardon.
Puis il se fige et tend ses mains jointes en direction de Lyra. Elle y plonge son visage, puis elle y dépose la rose. Lorsqu'elle se pose sur ses paumes. Il bascule sa tête en arrière tout en referment ses mains et il libère une dernière parole.
-Je suis désolé, mais c'était pour notre bien.
Il finit de s'immobiliser, le visage triste et fermé vers le sol. Sa peau s'envole tout comme sa chair à l'image de simples feuilles mortes et bientôt, il ne reste plus que ses os dans son armure.
-Wow ! Qu'est-ce que c'était que ce prodige ? demande Wistom.
-Un mirage, rien de plus qu'un mirage, Wistom, lui dis-je.
-Vous pensez que tout cela a une quelconque signification ? s'interroge Hirion.
-Peut-être, mais il ne faut pas trop se tracasser. Nous sommes ici au beau milieu d'un test grandeur nature. Il est possible que ce ne soit que l'invention du capitaine, répond Lyra.
-Tout à fait du même avis. Mieux vaut se dépêcher, si on ne veut pas faire attendre le capitaine, souligne Hirion.
-Alors, c'est reparti. Au passage, Lyra récupère Myo car il a l'air de vouloir rester avec notre ami le squelette, s'amuse Wistom en reprenant la marche.
Lyra me prend alors le bras et m'aide à me relever. Nous suivons nos deux amis mais nous restons un peu en retrait pendant la marche.
-Où as-tu vu mon père ? me demande Lyra.
-Euh... Je ne peux pas te le dire. C'est impossible pour moi. Mais je te jure que si je le pouvais, je le ferai.
-Il t'a fait jurer de ne pas me le dire lorsque vous vous êtes vu ?
-Je l'ai vu chez moi, mais cela remonte à presque dix ans.
-Mais pourquoi tu lui as sauté au cou pour l'étrangler?
-Lyra... Je te prie de me croire. Certaines choses ne peuvent pas être révélés, ou elles ne doivent pas l'être. Je le fais pour te protéger et je te promets que je ne sais pas ce qu'il est devenu. Je ne l'ai vu qu'une fois dans ma vie.
-Et cela t'a suffi pour te mettre en tête... finis Lyra tout en réfléchissant à la situation.
-Par pitié, je t'en conjure. Ne repense plus à cela. Si tu ne le fais pas pour toi, alors fait le pour moi.
-Hum... Très bien. Mais j'espère qu'un jour tu seras capable de me parler sans crainte.
-Je le serai, mais pas aujourd'hui.
Nous finissons donc par rejoindre les autres et nous arrivons enfin au lac. Il se trouve dans une clairière de la forêt où bon nombre de nénuphars servent de résidence à des crapauds et quelques flamant bleus. Nous regardons à droite et à gauche, mais nous ne voyons pas le capitaine Okata. Nous nous avançons donc au bord de celui-ci pour observer la nature et chercher du regard notre chef, mais rien.
-Vous pensez qu'il est en retard ? demande Hirion.
-Quand je vous disais qu'il sirotait un cocktail, s'amuse Wistom.
-Bravo, je n'en ai pas perdu une miette.
La voix provient de sous la surface et petit à petit une silhouette se dessine. Finalement le capitaine Okata ressort du lac comme élevé par magie. Il se retrouve donc en face de nous, les pieds sur la surface de l'eau, avec de l'eau qui vient s'écouler le long de ses vêtements sans pour autant qu'il ne soit trempé.
-On peut dire qu'il sait soigner ses entrées, chuchote Lyra.
-Cela faisait longtemps que des jeunes recrues ne s'étaient pas données autant de mal et cela tout en faisant preuve d'un vrai esprit d'équipe. Il ne vous reste plus qu'à passer la dernière épreuve avant de pouvoir allez-vous reposer et enfin débuter votre formation sous mes ordres.
-Quel genre d'épreuve ? demande Hirion.
-C'est très simple, répond le capitaine.
Il claque alors des doigts et quatre personnes émergent de l'eau, la tête baissée. Nous découvrons alors de véritables clones de chacun d'entre nous qui finissent par relever la tête avec un regard de tueur.
-Je vous présente vos doubles. Vous allez devoir vous battre contre eux et réussir à les battre. Quand je dis battre, je veux dire tuer. Lorsque nous serons sur le terrain ensemble. Il nous arrivera de tomber sur des groupes armés et en aucun cas vous ne devrez hésiter à mettre tout en œuvre pour stopper des voleurs, des meurtriers et bien d'autres raclures qui peuplent ce monde. Cela va donc vous permettre de mettre le pied à l'étrier.
-Vous nous demandez de tuer !? s'exclame Lyra, affolée.
-Je sais que pour vous cela semble inimaginable, mais vous verrez qu'un jour vous devrez choisir entre deux vies, la vôtre ou celle de votre assaillant. Ce jour-là, vous devrez faire votre choix et vite, sans quoi vous aurez le sang d'innocent sur vos mains.
-Vous avez déjà tué quelqu'un capitaine ? demande Wistom.
-Oui, plusieurs fois cela m'est arrivé... J'ai tué douze personnes... Et chaque jour, je ne cesse de me poser la question mais si j'avais agi autrement. Aurais-je pu épargner au moins une de ses vies ?