Le discours du capitaine Okata est assez bouleversant, à la fois il nous demande d'être capable d'ôter la vie, mais en même temps on sent qu'il est contre. Et que c'est une extrémité à laquelle il se soumet que lorsqu'il n'en a pas le choix.
-Je ne tuerai jamais ! J'en fais le serment, réplique Hirion.
-Ne te lance pas dans des promesses que tu ne pourras pas tenir, petit.
-Je sais très bien ce que je dis et jamais je ne pourrais tuer.
-Si tu en es incapable, alors ce seront tes amis qui mourront. Mais j'ai été comme toi un temps. Lorsque je suis entré dans l'armée après mon contact avec le nuage de Rey, javais juré de ne jamais tuer. Je fus alors mis sous les ordres du capitaine Nieth ainsi que trois autres jeunes, Miel, Aji et Portelo. Rapidement, nous sommes devenus un groupe soudé. Le capitaine était parfois sévère mais jamais il n'a été injuste ou méchant. Tout ce qu'il faisait ou nous disait, c'était pour notre bien. Lors de notre première mission, on nous envoya pour arrêter des vendeurs d'armes dans la ville de U-Same. Nous nous sommes donc infiltrés et cachés dans le hangar où devait avoir lieu l'échange. J'avais à mes côtés Miel et nous avons attendu que l'ensemble des deux groupes arrivent avec les armes et l'argent. Pendant la transaction, nous nous sommes préparés à toutes les éventualités, sauf celle-ci.
L'un de nos amis avait été repéré et capturé. C'était Portelo, il fut traîné sur le sol par un des gangsters. Ils lui avaient fracassé la tête au sol avant de commencer à le rouer de coup pour le faire parler. Je n'arrivais pas à me retenir d'intervenir alors que le capitaine nous faisait signe d'attendre le chef des vendeurs d'armes. C'était l'un des membres piliers de cette organisation. Il occupait la place du Fou. Ma coéquipière réussit tout de même à me faire tenir en place cinq minutes de plus qui me parurent interminables. Jusqu'au moment où le Fou est entré dans le hangar. Il était habillé comme un arlequin ou un bouffon. Il avait un masque blanc avec un sourire sans dent, diabolique et une veste à carreaux couverte par une cape. C'était tout à fait déconcertant comme spectacle. Il semblait danser en marchant tandis que Portelo se faisait massacrer.
Malheureusement, je fis l'erreur de me précipiter sur lui depuis l'une des poutres qui soutenait le plafond. Je ne sais pas comment, mais il réussit à m'esquiver et il fit apparaître des dizaines d'épées sous sa cape turquoise qui foncèrent droit dans ma direction. Après cela, je perdus connaissance car l'une d'elle ripa sur mon crâne avec une telle force que j'ai crus que ma tête avait explosé. Après quelques instants, j'ai commencé à me réveiller. J'étais allongé sur le ventre et je mon visage baignait dans le sang. Je vis le reste de mon groupe en train de se battre, tandis qu'Aji essayait de déplacer Portelo qui semblait ne plus respirer. J'eus à peine le temps de me relever, qu'une balle atteignit Aji à l'épaule qui laissa tomber Portelo de douleur.
Je cherchai alors à me rendre utile en affrontant le tireur et je sortis mon katana de son fourreau. L'homme avait un fusil avec une sorte de lame au bout de sa crosse. Je me précipita aussitôt sur lui pour qu'il n'ait pas le temps de recharger.
Il était plutôt vif et il réussit à parer tous mes coups dans trop de difficultés. J'utilisa donc mon pouvoir pour le déséquilibrer et le faire tomber à la renverse. Ne lui laissant pas la chance de se défendre, je sautai sur lui et je mis ma lame sur sa gorge en lui ordonnant de lâcher son pistolet qu'il avait réussi à sortir de sa veste.
Au lieu de cela, il sourit et tout en armant le chien de arme, il me dit :
-Tu n'es qu'un gamin. Ici, si tu veux que quelqu'un t'obéisse. Il faut lui faire peur et un monstre comme moi n'aura jamais peur de toi.
Lorsqu'il finit sa phrase, je sentis son doigt se serrer contre la queue de la détente alors que je lui enfonçai ma lame dans la gorge pour qu'il ne puisse par tirer de nouveau sur Aji qui était écroulée au sol.
Voilà, comment j'ai tué pour la première fois et cela contre mon gré. Cela m'a changé pour toujours et je vous souhaite que cela ne vous arrive jamais...
Je crois décerner une larme dans le fond de son œil pendant qu'il finit son histoire.
-Euh je... Je voulais dire que... essaie d'articuler Hirion, trop ému par l'histoire pour réussir à parler correctement.
-Laisse tomber, Hirion. Nous sommes dans un nouveau monde, lui dis-je.
-Exactement.
-Je comprends et je respecte votre histoire. Mais je me refuse à tuer, réussit à articuler Hirion.
-Moi non plus, on n'est pas là pour ça. Si on a un pouvoir, c'est pour sauver des vies, continue Lyra.
La réaction du capitaine est tout à fait inattendue. Il sourit enfin et nous dit simplement :
-Vous avez réussi le dernier test.
-Quoi ?! crions-nous tous.
-Oui, vous avez réussi! A chaque fois, que l'on me donne un groupe, ils ne sont pas fichus de penser comme une équipe. Ils pensent tous réussir seul et lorsqu'ils arrivent face à cette épreuve, ils n'hésitent pas à se battre à mort. Ce n'est pas ce que je vous demande. Je vous demande de vous battre pour protéger vos amis quoi qu'il en coûte et jamais je ne vous demanderai de tuer un homme ou une femme de sang-froid. J'ai déjà tué, mais ce ne fut que sur des champs de batailles pour défendre ma vie ou celle de mes amis. Vous n'avez pas à devenir des tueurs mais des protecteurs.
Les clones commencent alors à se transformer en statue de lierre à notre image derrière le capitaine Okata en épousant tous un sourire.
-Je suis ravis d'avoir pour la deuxième fois, un groupe qui saura avancer avec les vraies valeurs de ce monde. Celle de l'amour et du partage. Cela peut paraître bizarre venant d'un militaire, même peut-être contradictoire. Mais si vous vous battez pour autre chose que vos amis ou votre famille ou des gens qui vous sont chers, alors vous allez vous égarer sur un chemin dont on ne revient pas. Sur ce, nous allons donc pouvoir retourner au centre et déjeuner ensemble. J'aimerai beaucoup apprendre à tous vous connaître.
Une nouvelle fois, les apparences étaient trompeuses. Je pense qu'aucun de nous de s'attendait à un tel retournement de situation. Nous nous attendions à tout, sauf à cela.
Il semblerait que le caractère du capitaine Okata soit plus complexe que ce qu'il laissait présager. Il passe au milieu de nous et lorsque nous nous retournons pour le suivre, nous sommes juste en face du terrain d'entrainement, comme-ci nous ne l'avions jamais quitté.
-Je crois que je l'aime bien finalement, me murmure Lyra.
-Moi aussi... moi aussi je commence à l'apprécier, je lui réponds.
-En tout cas, on a bien mérité un gros repas, car moi je commence à crever la dalle. C'est un crime que de sauter un petit déjeuner! s'exclame Wistom.
-Moi, j'espère qu'il y aura des légumes car je ne vais pas me nourrir exclusivement de viande comme toi, dis Hirion pour se moquer un peu de Wistom.
-Eh ! Il m'arrive de manger des fruits et des légumes, répond Wistom.
-Oui. Lorsqu'il n'y a que ça comme nourriture, comme dans la forêt, réplique Lyra.
-Non, non. Je me rappelle avoir manger des légumes, l'année derrière.
Cette dernière réplique finit par tous nous faire rire et même le capitaine a souris à cette petite blague. Nous le suivons donc et sur le chemin, il nous révèle:
-D'ailleurs, j'ai un bonne nouvelle pour vous.
-Ah oui ? Laquelle ? demande Lyra.
-Vous allez pouvoir voir vos parents d'ici cinq jours. Une fois par mois, toutes les nouvelles recrues peuvent passer une journée en famille.
-Super, lâche Hirion.
-Youpi, s'exclame Lyra.
-On va pouvoir raconter tout ça à papa, se dit Wistom.
Le capitaine Okata stoppe soudainement sa marche et se retourne vers nous.
-Non, Wistom. Aucun d'entre vous n'a le droit de parler de ce qu'il se passe ici. Officiellement, vous êtes dans l'armée de sa majesté l'empereur Meiji III et c'est tout ce que vous avez à dire à vos parents. Il en va de même pour vos pouvoirs. Ils n'ont pas à être utilisé en public. Ils ne sont là qu'en cas d'ultime recours. Sinon débrouillez-vous par vous-même ou alors évitez le conflit.
-On n'a même pas le droit de faire quelques expériences à l'extérieur ? demande Hirion.
-Non, tout simplement parce que si quelqu'un vous voit, vous risquez de vous mettre vous et votre famille en danger. Le monde dans lequel nous vivons, n'a rien à voir avec celui où vous étiez avant votre renaissance. Oubliez tout ce que l'on vous a raconté, maintenant vous arrivez dans la vraie vie et celle-ci est remplie de personne sans scrupule qui auront bien souvent la loi pour eux.
Après cela, le capitaine reprend le chemin vers la sortie. Tandis que nous nous dirigeons vers la grande arche, nous voyons sur notre droite, le Capitaine Haka se battre à nouveau. Mais cette fois-ci, il affronte trois personnes en armure lourde et lui, comme à son habitude, il est main nue et en kimono. C'est décidément un homme bien singulier qui n'a pas froid aux yeux.
Puis, nous repassons devant le musée de l'armurerie et je me permets de ralentir un peu l'allure, pour observer une rangée de masque. Ils sont tous plus impressionnants les uns que les autres. Le premier qui a attiré mon regard est vert, celui d'un samouraï avec une splendide moustache brune, le second ressemble plutôt à un gorille noir et rouge, le troisième à une tête de lapin blanc et enfin le dernier sur lequel je m'attarde, il est bleu nuit, avec comme une trace de brûlée sur la joue droite. Étrangement, il n'a aucun trou pour les yeux. Ces masques m'évoquent mon enfance, lorsque nous préparions des pièces de théâtre et que nous fabriquions nos costumes et nos masques.
-Il ressemble à celui de Qomu. Tu ne trouves pas ? me dit Wistom en s'arrêtant près de moi pour admirer lui aussi les masques d'un peu plus près.
-Oui, en effet. On dirait celui qu'il portait pour la pièce de théâtre où tu jouais un ogre venu pour détruire le village, alors que lui était un esprit venu pour nous protéger, je lui réponds.
-ça remonte à longtemps. Maintenant, il habite B-Frost je crois.
-Oui, je crois bien aussi. Il a dû être bien dépaysé, lorsqu'il est arrivé là-haut.
-ça, c'est le moins que l'on puisse dire. Arriver dans une région où il fait en moyenne -20°C, c'est sûr que cela a dû lui faire un choc. Mais on en discutera plus tard car les autres ont l'air de nous attendre, dépêche-toi.
Lorsque nous rejoignons le groupe, le capitaine regarde en direction des masques et nous dit:
-Je vois que vous admirez la collection que nous avons. Eh bien, sachez qu'elle est sous la garde avisée du commandant Perenn et qu'il arrive qu'il entretienne celle-ci en les utilisant lors d'entraînement dans l'arène de combat. Je vous y amènerai un jour, si cela vous intéresse.
-Avec grand plaisir capitaine, je lui réponds.