Le vide.
Un gouffre sans fin, où ni le temps ni l'espace n'existaient.
Tout aurait pu rester ainsi pour l'éternité. Mais quelque chose s'accrochait à la conscience mourante, refusant de disparaître.
Puis, la douleur.
D'abord diffuse, elle se répandit brusquement comme un millier d'aiguilles transperçant son âme. Une sensation brûlante se propagea dans ses veines, lui arrachant une réaction instinctive.
— Hngh…
Ses paupières tressaillirent avant de s'ouvrir brusquement.
Une lumière faible et vacillante l'aveugla un instant. Il plissa les yeux, son regard s'adaptant lentement à son environnement. Ce qu'il vit le frappa immédiatement.
Un plafond en bois sale et fissuré.
Des murs ternes, rongés par l'humidité.
L'odeur de moisissure et de renfermé envahissait l'espace, agressant ses narines. Il tenta d'inspirer, mais une vague de faiblesse le submergea aussitôt.
Ses muscles tremblèrent sous son propre poids, incapables de réagir correctement. Son corps était… froid. Il ne ressentait plus la force familière qui avait autrefois parcouru ses méridiens comme une mer infinie d'énergie.
— Ce corps… ?
Ses doigts frémirent, puis se crispèrent sur des draps rêches et élimés. Il tenta de se redresser, mais un vertige brutal l'écrasa contre le matelas.
Il baissa lentement les yeux et découvrit des bras fins, presque décharnés. Ses mains, autrefois capables de faire plier les cieux et d'écraser des continents, étaient désormais frêles et tremblantes.
Un silence pesant s'installa.
Puis, un rire. Grave. Glacial.
— Ainsi, même moi, j'ai été réduit à ça…
Ses souvenirs affluèrent, l'espace d'un instant, comme une tempête violente déferlant sur son esprit.
Il était Feng Lin, Empereur Céleste invincible, maître absolu des cieux et de la terre. Son nom seul suffisait à faire trembler les royaumes immortels. Son regard pouvait faire plier les génies, et sa puissance dictait le destin des millions d'êtres vivants.
Mais il était tombé.
Trahi par ceux qu'il avait élevés. Frappé par des mains qu'il avait autrefois protégées. Il se rappelait de sa dernière bataille, de la rage et du désespoir d'un homme seul contre le monde entier. Puis… le néant.
Pourtant, il était vivant.
Son regard se durcit.
Non, il n'était plus l'Empereur Céleste. Il était… quelqu'un d'autre.
Peu à peu, ses souvenirs fusionnèrent avec ceux du corps qu'il habitait désormais.
Ce corps appartenait à un Feng Lin différent. Un jeune homme faible, dernier héritier d'un clan autrefois prestigieux, aujourd'hui méprisé et oublié. Il aurait dû posséder un immense potentiel, mais un poison inconnu circulait dans ses veines, rongeant lentement sa force vitale et scellant ses méridiens.
Il comprit immédiatement.
— Ce poison… quelqu'un voulait sa mort.
Non… ma mort.
L'ancien Feng Lin était mort à cause de cela. Trahi. Empoisonné. Abandonné.
Et maintenant, il se retrouvait dans ce corps misérable, un vestige pathétique d'un clan déchu.
Mais ce monde commettait une erreur impardonnable s'il pensait qu'il allait accepter cette humiliation.
Un sourire froid s'étira sur ses lèvres.
— Peu importe qui a fait ça… je le retrouverai.
Son regard brilla d'une lueur cruelle.
Sa faiblesse actuelle n'était qu'une entrave temporaire. Il avait déjà gravi les sommets une fois. Il savait exactement comment procéder.
Ce monde le pensait enterré.
Il allait leur prouver qu'un Empereur ne meurt jamais.
Et cette fois…
Ceux qui l'avaient trahi, ceux qui l'avaient oublié, ceux qui l'avaient méprisé…
Tous allaient payer.
Mais avant...La Purification du Poison
Feng Lin serra lentement les poings.
Ce corps était faible. Trop faible. Mais ce n'était pas la seule raison de son état pitoyable.
Le poison.
Il le sentait, rampant dans ses veines comme une nuée de serpents venimeux. Chaque respiration était une lutte contre une lourdeur invisible, chaque battement de cœur une souffrance silencieuse.
Il ferma les yeux un instant, se concentrant sur la moindre trace d'énergie qui lui restait.
— Voyons voir…
Son ancienne cultivation avait disparu, réduite à néant. Il ne restait plus que… un souffle. Une bribe infime, un vestige de la puissance qu'il possédait autrefois.
Un autre se serait effondré dans le désespoir.
Lui, il esquissa un sourire glacé.
— C'est suffisant.
Il n'avait pas besoin d'une force écrasante pour survivre. Seulement d'un instant.
Son esprit s'enfonça profondément dans son propre corps, sondant chaque recoin. Et il le trouva : un minuscule fragment de son ancienne essence, enfoui au plus profond de son dantian effondré.
D'un geste tremblant, il pressa son index et son majeur contre son dantian, déclenchant ce qu'il lui restait de force.
Une flamme bleue jaillit en lui, minuscule mais brûlante. Elle s'infiltra dans ses méridiens, illuminant l'intérieur de son corps.
— Sors.
Sa voix n'était qu'un murmure, mais l'ordre était absolu.
Le poison réagit immédiatement, se débattant violemment. La douleur déchira son corps, mais il n'arrêta pas.
Puis, d'un coup sec, la flamme bleue s'éteignit.
Tout redevint silencieux.
Il ouvrit lentement la main. Une perle noire, de la taille d'un grain de riz, s'y trouvait.
Il l'écrasa entre ses doigts.
— J'ai survécu.
Ce n'était que le début.
Face à son nouveau corps
Feng Lin inspira profondément. Sa respiration était encore irrégulière, mais la lourdeur dans ses membres s'était considérablement atténuée.
D'un mouvement lent et mesuré, il repoussa les draps élimés et posa les pieds au sol. Le contact froid du bois vieilli lui fit réaliser à quel point ce corps était frêle. Il se redressa, mais un vertige l'assaillit immédiatement.
Il tituba légèrement, mais se rattrapa sur un meuble bancal. Un rictus déforma son visage. Être réduit à ce point… c'était une humiliation.
Son regard se posa sur un miroir fissuré, accroché de travers sur le mur d'en face. Il s'en approcha d'un pas lent, le souffle encore court.
Ce qu'il vit le figea un instant.
Un jeune homme lui faisait face, le teint blafard, les traits creusés par la maladie. Ses cheveux noirs étaient en bataille, ternes et sans éclat. Ses yeux, d'un doré profond, étaient la seule chose qui brisait l'image de faiblesse.
Il effleura son propre visage du bout des doigts, ressentant la maigreur sous sa peau.
— Misérable.
Il redressa lentement son dos, son regard se durcissant.
— Que les cieux se souviennent… un Empereur est revenu.