Le silence pesait comme une chape de plomb.
Seul le vent soufflait à travers les interstices des murs fissurés, glissant sur les poutres vermoulues comme un murmure du passé.
Feng Lin ouvrit lentement les yeux.
Sa vision était trouble, son corps douloureux. Chaque muscle était engourdi, comme si des chaînes invisibles l'avaient maintenu prisonnier pendant des années.
Mais il était libre.
Enfin.
Son regard parcourut lentement la pièce.
C'était une chambre... mais elle ressemblait plus à une prison.
Des murs ternis par le temps, un plafond rongé par l'humidité, une simple table bancale et un lit aux draps élimés. Même la lumière qui filtrait à travers les fenêtres semblait épuisée, comme si elle hésitait à pénétrer cet endroit oublié de tous.
Feng Lin se força à respirer profondément.
Chaque souffle était un supplice.
— Mon corps est trop faible...
Un tremblement imperceptible parcourut ses doigts lorsqu'il essaya de bouger. Ses jambes lui semblaient étrangères, comme si elles refusaient de lui obéir.
Quinze ans.
Quinze ans sans le moindre mouvement.
Un enfant de cinq ans, empoisonné, plongé dans le coma avant même d'avoir pu comprendre ce qui lui arrivait.
Et aujourd'hui, il n'était plus un enfant. Son âme appartenait à un Empereur Pré-Céleste qui avait dominé les cieux…
Mais ce corps…
Ce misérable corps mortel, privé de force, vidé de toute essence spirituelle...
Un frisson d'agacement lui parcourut l'échine.
Dans sa vie passée, il aurait pu anéantir un royaume d'un simple geste. Son nom seul suffisait à faire trembler les étoiles.
Aujourd'hui ?
Il n'était qu'un infirme à peine capable de tenir debout.
Feng Lin serra les poings. L'humiliation était insupportable.
Mais il refusa de se laisser écraser par cette faiblesse passagère.
Il posa lentement la main sur sa poitrine et ferma les yeux, tentant d'éveiller sa mémoire.
Son clan. Son passé. Son héritage.
Mais ce qu'il trouva...
Ce ne furent que des fragments épars, brisés, éparpillés dans les méandres de son esprit.
Comme une peinture ancienne, rongée par le temps.
Des visages flous. Des voix sans noms. Des lieux sans contours.
Un gouffre insondable.
Feng Lin ouvrit brusquement les yeux.
— Mon âme est trop instable.
Il n'avait pas seulement perdu son corps.
Sa mémoire même était altérée.
Les souvenirs de sa vie passée étaient encore là, quelque part… Mais son âme brisée l'empêchait d'y accéder pleinement.
Et plus encore…
Il n'avait aucune technique de cultivation.
Ses connaissances étaient celles d'un Empereur. Mais elles ne lui servaient à rien dans ce corps de mortel.
Un Empereur ne gardait pas en mémoire des techniques de base. Il n'en avait jamais eu besoin.
— Même un dragon tombé du ciel doit ramper avant de retrouver ses ailes...
Un rictus amer déforma ses lèvres.
Il allait devoir tout reconstruire. Depuis les fondations.
Un sentiment de frustration bouillonnait en lui, mais il l'écrasa aussitôt.
Peu importait.
Il gravirait de nouveau les cieux.
Mais pour cela… il devait d'abord comprendre où il était et qui contrôlait ce lieu.
Un bruit résonna soudain dans la demeure.
Dong.
Une vibration lourde, métallique.
Dong.
Feng Lin tourna légèrement la tête vers la porte.
Une horloge ?
Le son, profond et pesant, vibrait à travers les murs, comme un écho du temps passé.
Dong.
Combien de choses avaient changé en quinze ans ?
Son clan était-il tombé dans l'oubli ?
Son nom était-il encore prononcé quelque part, ou bien avait-il été effacé de l'histoire ?
Il se redressa lentement, ignorant la douleur qui traversait ses muscles.
Puis… il entendit un autre bruit.
Des pas.
Lents puis Hésitants.
Quelqu'un approchait.
Feng Lin se força à calmer sa respiration. Il était trop faible pour se défendre, mais son esprit était prêt à affronter n'importe qui.
Les pas s'arrêtèrent devant la porte.
La poignée grinça doucement.
Un souffle court se fit entendre. Puis… la porte s'ouvrit.
Une silhouette apparut.
Une vieille femme, courbée par les années. Son dos voûté témoignait du poids du temps, ses vêtements en lin simples et usés montraient qu'elle n'appartenait pas à la noblesse. Ses cheveux blancs étaient attachés en un chignon négligé, et ses mains ridées tremblaient légèrement.
Lorsqu'elle leva les yeux vers lui…
Son corps se figea.
Feng Lin vit son visage se décomposer.
Son souffle se coupa, son regard s'agrandit, et une lueur d'incrédulité absolue s'y refléta.
Ses doigts, déjà fragiles, perdirent toute force.
La gourde qu'elle tenait glissa de ses mains.
Elle tomba au sol dans un bruit sourd, éclaboussant l'eau sur le plancher poussiéreux.
Un silence glaçant s'installa.
La vieille femme ouvrit la bouche… mais aucun son n'en sortit.
Elle semblait incapable de respirer, figée dans une terreur muette.
Ses lèvres tremblèrent.
Feng Lin ne bougea pas.
Il observa simplement la vieille femme, tandis que la stupeur tordait lentement ses traits.
Dans ce silence, seul l'écho de l'horloge résonnait encore.
Dong.
Dong.
Dong.
Son cauchemar venait à peine de commencer.