Le trafic était intense, la gare d'Osaka débordait de monde. Une marée humaine se pressait dans un chaos maîtrisé, rythmée par le grondement des trains et les annonces diffusées en boucle. L'air était chargé de fatigue et de résignation, une froideur presque palpable planait sur les lieux. Oui, c'était un lundi matin.
Sur un banc proche de la gare, un jeune garçon attirait malgré lui l'attention des passants. Vêtu d'un sweat et d'un pantalon noir décontracté, il semblait perdu dans ses pensées, une valise posée à ses côtés. Mais ce n'était pas son apparence qui captivait les regards, c'étaient ses soupirs bruyants et incessants, accentués par des gestes exagérés, comme s'il voulait que le monde entier partage son exaspération.
« Putain! Qu'est ce que j'ai foutu bordel ? »
Finalement les soupir ont laissé place à un bon nombre de jurons.
« Comment est ce que je peux être aussi compétent pour foirer les choses ? » demanda t'il en serrant les dents
Merde! Dis quelque chose comme ça a quelqu'un comme mère était une grave erreur de ma part.
Le garçon, affalé sur le banc comme si le poids du monde s'était abattu sur ses épaules, semblait à deux doigts d'exploser et de hurler un retentissant « Fuck you, fucking world ! ». Son nom ? Kenshin Ishikawa. Ironiquement, il était le fils aîné de l'une des femmes les plus puissantes du Japon : Madame Sakura Ishikawa, PDG du Tenkai Group, un conglomérat classé parmi les trois plus grandes entreprises du pays.
Autant dire qu'elle était immensément riche.
Alors, comment son fils en était-il arrivé là ?
"Je me suis fait larguer par ma copine... pour mon meilleur ami. J'ai misé tout mon argent de poche au loto—des millions de yens—et j'ai tout perdu comme un idiot. Et maintenant, ça…"
Un profond soupir lui échappa tandis qu'il s'affaissait encore plus sur le banc, sa posture criant le désespoir. De l'extérieur, il ressemblait à un homme ayant tout perdu, une rare vision de misère pour quelqu'un de son rang.
Les yeux fermés, il se laissa emporter par ses pensées, revivant les événements qui l'avaient conduit ici.
Trois heures plus tôt
À Tokyo, un bâtiment dominait le paysage urbain de par son imposante architecture et l'énorme écran LED affichant le logo "Tenkai Group" en lettres dorées. Il s'agissait du siège de l'empire que dirigeait Madame Sakura Ishikawa, la femme d'affaires redoutée et respectée de tout le pays.
Dans son luxueux bureau, une discussion houleuse battait son plein.
Une confrontation entre une mère impitoyable et son fils désespéré.
« Tu ne mérites pas de porter mon nom. Tu es une honte. »
Installée derrière son bureau, Madame Sakura Ishikawa prononça ces mots d'une voix calme, dénuée de la moindre émotion. Son visage, aussi stoïque qu'une statue, n'affichait ni colère ni déception. Juste une froideur absolue.
Malgré son âge, elle conservait une beauté éclatante : une longue chevelure noire soigneusement entretenue, une silhouette qui ferait pâlir les mannequins les plus prestigieux. Mais ce qui frappait le plus, c'était l'aura qui l'entourait—pesante, écrasante. Une présence semblable à celle d'un vétéran de guerre, une femme qui avait conquis le monde des affaires sans jamais fléchir.
Rien qu'en un regard, on comprenait qu'elle était une dominatrice née, tout l'opposé de son fils.
Un fils qu'elle ne reconnaissait plus.
« M-Mère, écoute-moi ! Cette fois, c'était une bonne affaire, j'ai juste eu un coup de malchance à la dernière minute, j'aurais pu— »
« Assez ! »
La voix glaciale de Sakura trancha l'air comme une lame affûtée.
« Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te déshériter sur-le-champ. »
Ken se figea. Un frisson lui parcourut l'échine.
« J'ai déjà été plus que patiente avec toi. Je t'ai offert des opportunités que n'importe qui aurait rêvé d'avoir. Pourtant, dis-moi, quelle est ta seule et unique réalisation en tant qu'héritier ? »
« Je… »
« Rien. Absolument rien. Contrairement à tes sœurs, toi, tu n'es qu'un raté. Même la plus jeune, encore au lycée, a plus de potentiel que toi. Et toi ? Tu dilapides des fortunes dans les casinos et les femmes. Est-ce pour ça que je t'ai envoyé faire tes études aux États-Unis ? »
Chaque mot était un coup de poignard. Chaque syllabe enfonçait un peu plus Ken dans l'abîme.
Il aurait voulu crier, protester, renverser ce bureau qui le séparait de cette femme qui était pourtant sa mère. Mais il ne pouvait pas. Parce qu'au fond, tout ce qu'elle disait était vrai.
Alors, il écouta.
Il écouta son propre arrêt de mort.
« Tu m'as poussé à prendre une décision que j'aurais préféré éviter…
Désormais, c'est Nora qui héritera de la direction de l'entreprise. »
Un choc. Une sentence.
Les yeux de Ken s'écarquillèrent sous l'effet du coup de massue.
« Quoi !? »
Le silence fut sa seule réponse.
Puis vint la colère.
« C'est quoi ce bordel ?! Je sais que je n'ai pas été exemplaire ces dernières années, mais est-ce une raison suffisante pour me retirer mon droit d'aînesse ?! »
Un sourire en coin, discret mais cruel, se dessina enfin sur le visage jusqu'alors impassible de Sakura.
Elle murmura, presque pour elle-même :
« Droit d'aînesse, hein… ? »
D'un geste tremblant, Ken s'accrocha au rebord du bureau, la panique gagnant son regard.
« Je vais me rattraper ! S'il te plaît, mère… non, maman ! »
Désespoir. Il le sentait ronger son être, lui broyer la poitrine.
« Je te le jure, je vais changer ! Je vais me concentrer sur les affaires de l'entreprise, je vais… je vais— »
« Ça suffit. »
Un silence s'abattit sur la pièce.
Le regard de Sakura était plus froid que jamais.
« Je ne compte même plus le nombre de fois où j'ai entendu ces mots sortir de ta bouche. »
Elle soupira, un souffle glacial chargé d'une finalité sans appel.
Ken comprit.
Être déshérité signifiait perdre le nom Ishikawa.
Dans le monde des affaires, il n'existerait plus. Aux yeux de la société, il n'était plus un Ishikawa. Autrement dit… il venait d'être renié.
Soudainement, l'atmosphère autour de Ken se modifia. Son sourire revint.
Mais ce n'était plus un sourire nerveux, ni un sourire d'excuse.
C'était un sourire étrange. Un sourire teinté d'une lueur de folie.
Madame Sakura haussa légèrement un sourcil. C'était bien la première fois qu'elle voyait une telle expression sur le visage de son fils.
Puis, il déclara d'une voix calme, trop calme :
« Si jamais je prenais la tête d'une entreprise dépassant l'influence de Tenkai Group… pourrais-je reprendre ce qui me revient de droit ? »
Un silence pesant s'installa.
Les yeux de Sakura, déjà froids, devinrent glaciaux. Comme si, à cet instant, elle venait de perdre le dernier fragment d'intérêt qu'elle pouvait avoir pour lui.
D'un ton nonchalant, elle lâcha :
« Je pensais que tu allais enfin dire quelque chose d'intéressant… mais je t'ai encore surestimé. »
« Réponds-moi, mère ! »
Ken ne criait pas. Sa voix était ferme. Déterminée.
Sakura le fixa un instant avant de détourner le regard, visiblement lassée.
« Pfff… »
Elle se leva lentement, avançant vers la fenêtre tout en lui tournant le dos.
Puis, sans même daigner le regarder, elle déclara d'un ton glacial :
« Fais ce que tu veux. Dès aujourd'hui, tu perds le nom Ishikawa.
Un transfert a été effectué sur ton compte. Tes affaires sont prêtes. Pars. »
Sakura s'arrêta un instant avant d'ajouter, d'une voix aussi tranchante qu'une lame :
« Cependant… si tu réussis, tu auras ce que tu veux. »
Puis, sans un mot de plus, elle tourna de nouveau le dos à son fils, mettant ainsi un point final à leur échange.
Et ainsi, le fils héritier du Tenkai Group cessa d'exister.