Le ciel était rouge sang.
Des ombres dansaient au rythme des flammes qui consumaient la cité en ruines.
Les éclairs magiques illuminaient la nuit, projetant sur les murs les silhouettes des combattants.
Des hurlements. Des ordres criés au milieu du chaos.
Mais au fond… ce n'était plus une guerre.
C'était un massacre.
Sur une tour brisée, Eldric observait le carnage.
Ses yeux balayèrent le champ de bataille.
Partout, des mages tombaient. Certains frappés par des lames, d'autres exécutés d'une flèche en plein cœur.
D'autres encore… perdaient tout simplement la force de se battre.
Un frisson parcourut son dos.
Une anomalie.
Il leva la main.
Le mana affluait dans ses veines, vibrant sous sa peau. Il voulait lancer un sort. Un dernier, un puissant.
Mais rien ne se passa.
Le vide.
Une onde invisible venait de balayer le champ de bataille.
Un choc, silencieux. Une pression, imperceptible.
Les sorts en plein vol explosèrent.
Les barrières magiques se fissurèrent.
Les artefacts enchantés s'éteignirent comme des torches soufflées par le vent.
Il serra les dents.
C'était impossible.
Il réessaya. Encore. Aucune magie ne répondait.
Les hurlements des mages résonnèrent.
— « Ma magie ! Elle… elle a disparu ! »
L'horreur se propagea.
Eldric fit volte-face, cherchant un ennemi, une source à cette catastrophe.
Mais il n'y avait rien. Juste le vide.
Et soudain… une douleur fulgurante.
Une lame transperça son dos.
Son souffle se coupa. Il baissa les yeux, voyant la pointe ensanglantée ressortir de son ventre.
Une attaque dans son dos.
Un assassin ? Un traître ?
Sa vision se troubla. Il tourna la tête.
Un homme se tenait là. Un visage familier.
Un ancien camarade. Un mage.
— « C'était la seule solution. »
Eldric tomba à genoux, le sang coulant sur les pavés brisés.
Autour de lui, les siens se faisaient massacrer, désarmés, impuissants.
Son regard se leva une dernière fois vers le ciel.
Les nuages, autrefois parcourus d'éclairs magiques, étaient désormais silencieux.
Un dernier soupir.
Un dernier murmure.
— « Si vous tuez la magie… que restera-t-il de ce monde ? »
Le monde s'éteignit.
Tout était noir.
Un vide absolu. Un néant si profond qu'il semblait s'étendre à l'infini.
Il n'y avait ni son, ni mouvement, ni douleur.
Juste une étrange sensation d'absence.
Était-ce la mort ?
Il n'en savait rien.
Mais il se souvenait…
De la guerre.
Du sang versé.
Du moment où la magie s'était éteinte.
De la trahison et de la lame qui l'avait transpercé.
Puis… plus rien.
Un battement.
Sourd, faible, presque imperceptible.
Puis un autre.
Et encore un autre.
Son cœur battait.
Lentement, son esprit s'accrocha à cette pulsation.
Quelque chose l'appelait. Quelque chose le tirait hors du vide.
L'air.
Il eut soudain besoin de respirer, une nécessité absolue, viscérale.
Mais où était l'air ? Où était son corps ?
L'étouffement.
Un poids l'écrasait.
Un espace trop petit, trop étroit, l'emprisonnait.
Il devait sortir.
La chaleur devenait insupportable.
Ses muscles—s'il en avait encore—ne répondaient pas.
Un instinct primitif prit le dessus.
Un cri.
Le sien.
Un hurlement brut, arraché à sa gorge comme une déchirure.
Puis soudain, la lumière.
Aveuglante.
Des bruits. Des voix. Des mains qui le tiraient hors de cette prison étouffante.
Il sentit l'air glacial frapper sa peau nue, un frisson brutal traversa son petit corps.
Une sensation inconnue depuis… sa mort.
Il était vivant.
Des sons indistincts l'entouraient.
Un mélange de chuchotements et de voix apaisantes.
Il ouvrit les yeux.
Flou. Tout était flou.
Des ombres bougeaient autour de lui, mais son regard n'arrivait pas à les fixer.
— C'est un garçon.
La voix d'une femme, douce et fatiguée.
Il cligna lentement des yeux, tentant de comprendre.
Tout était nouveau. Son propre corps lui était étranger.
Il était un nouveau-né.
Un esprit adulte piégé dans un corps d'enfant
Il tenta de bouger, de lever un bras… impossible.
Ses membres étaient trop faibles.
Il essaya d'ouvrir la bouche, d'articuler un mot… rien ne sortit.
Une prison.
Une sensation de panique monta en lui.
Je suis un enfant… Non, un nourrisson.
Pourquoi ?
Sa mémoire était là. Floue, mais intacte.
Il se souvenait de son passé, de ses connaissances, de la magie.
Mais ici, il ne pouvait même pas bouger un doigt.
C'était une humiliation.
Soudain, une chaleur réconfortante l'enveloppa.
Un parfum familier, doux. Une main délicate effleura son front.
— Il a tes yeux, Varian.
Une femme.
Sa vision était trouble, mais il distingua son sourire.
Un sourire tendre, rassurant. Fatigué.
— Il a aussi ta patience, Lyria. Il ne pleure presque pas.
Une voix plus grave. Un homme.
Lyria. Varian. Ses parents.
— Veyran…
Elle murmura ce prénom avec tendresse, comme si elle l'avait attendu toute sa vie.
Veyran Dorne.
C'était son nom, à présent.
Il ne comprenait pas encore qui ils étaient vraiment.
Mais une chose était sûre… il était bel et bien né dans un autre monde.1
Il ne pouvait pas parler.
Il ne pouvait pas bouger librement.
Alors il observa.
Les visages de ses parents.
Leur maison, modeste mais chaleureuse.
Les objets du quotidien, la lumière du jour filtrant à travers une fenêtre en bois.
Ce monde était différent.
Il ne percevait aucune magie. Aucune fluctuation de mana dans l'air.
Pourquoi ?
Si un autre monde existait… alors la magie aussi, non ?
Elle ne pouvait pas simplement disparaître.
Les nuits étaient longues.
Il ne dormait pas immédiatement.
C'est alors que Lyria lui raconta des histoires.
Des récits anciens.
Des guerriers maniant des armes dotées de pouvoirs mystiques.
Des armes… magiques.
— "On dit que les hommes ont perdu leur lien avec la vraie magie…", murmurait-elle.
— "Mais qu'elle subsiste encore, cachée dans des reliques anciennes…"
De la magie enfermée dans des armes ?
Pourquoi ?
Il ne pouvait pas poser la question. Pas encore.
Mais il l'entendait dans sa voix.
Ce n'étaient pas de simples contes.
Elle savait quelque chose.
Varian, l'Ombre du Guerrier
Varian, lui, ne racontait pas d'histoires.
Il s'entraînait.
Chaque matin, il le voyait dans la cour, sous le soleil brûlant.
Son épée fendait l'air avec une précision terrifiante.
Ce n'était pas un noble. Ni un érudit.
C'était un guerrier.
Il n'était pas seulement puissant. Il était discipliné.
Un mercenaire.
Un homme qui se battait pour survivre, pas pour la gloire.
Un jour, Veyran Dorne aussi tiendrait une lame.
Mais pour l'instant…
Il devait grandir.