Kael ouvrit les yeux, mais l'obscurité persistait. Une obscurité si dense qu'elle semblait presque palpable, comme un voile de soie noire enroulé autour de lui. Il cligna des paupières, essayant de chasser cette brume qui flottait dans son esprit, mais rien n'y faisait. Où était-il ? Et surtout... qui était-il ?
Il tenta de bouger, mais son corps répondait lentement, comme s'il était engourdi par un sommeil qui avait duré des siècles. Ses doigts frôlèrent une surface froide et humide, semblable à de la pierre polie par le temps. Il était allongé sur quelque chose de dur, peut-être une dalle. L'air qu'il respirait était lourd, chargé d'une odeur de moisi et de cendre, comme si un feu avait brûlé ici il y a très, très longtemps.
« Quelqu'un... ? » murmura-t-il, mais sa voix sembla s'éteindre aussitôt, avalée par l'immensité silencieuse qui l'entourait.
Il se redressa lentement, sentant chaque muscle de son corps protester. Ses mains tremblaient, et il les serra en poings pour tenter de retrouver un semblant de contrôle. Ses yeux commençaient à s'habituer à l'obscurité, et il distingua enfin des formes autour de lui. Des murs sombres, hauts et imposants, semblaient s'élever à l'infini, comme les parois d'une caverne gigantesque. Des stalactites pendaient du plafond, telles des dents acérées prêtes à le dévorer.
Il se leva, vacillant sur ses jambes, et posa une main contre le mur pour se stabiliser. La pierre était glaciale, presque vivante, comme si elle absorbait la chaleur de son corps. Il inspira profondément, essayant de calmer les battements désordonnés de son cœur. Mais quelque chose n'allait pas. Son cœur... il ne le sentait plus. Pas comme avant. Il porta une main à sa poitrine, cherchant le rythme familier, mais il n'y avait rien. Juste un vide étrange, comme si quelque chose avait été arraché.
« Qu'est-ce qui m'arrive... ? » murmura-t-il, sa voix résonnant faiblement dans l'espace vide.
C'est alors qu'il entendit un bruit. Un grattement léger, comme des griffes sur la pierre. Il se figea, retenant son souffle. Le son venait de quelque part devant lui, dans les ténèbres. Il plissa les yeux, essayant de percer l'obscurité, et vit enfin une silhouette se dessiner. Une forme basse, rampante, qui avançait lentement vers lui. Son estomac se noua, mais il ne pouvait pas bouger. Il était paralysé, comme si la créature avait déjà pris le contrôle de ses membres.
La silhouette s'approcha, et Kael distingua enfin ce que c'était. Un chien. Non, pas un chien ordinaire. Cette créature avait trois têtes, chacune plus terrifiante que l'autre. Ses yeux brillaient d'un rouge sang, et une bave épaisse coulait de ses gueules entrouvertes, révélant des crocs acérés. Les têtes grognaient, un son guttural qui semblait vibrer dans l'air.
Kael recula, mais ses talons heurtèrent quelque chose de solide. Il se retourna et vit qu'il était dos à un mur. Il était coincé. Les têtes du chien se penchèrent, comme si elles étudiaient leur proie, et Kael sentit une vague de terreur l'envahir. Il ferma les yeux, s'attendant à ce que les crocs s'enfoncent dans sa chair à tout moment.
Mais rien ne vint.
Quand il rouvrit les yeux, le chien avait reculé. Il grogna une dernière fois, puis tourna les talons et disparut dans l'obscurité, comme s'il avait reçu un ordre silencieux. Kael resta immobile, le souffle court, essayant de comprendre ce qui venait de se passer.
« Tu n'es pas encore prêt pour lui, » dit une voix derrière lui.
Kael sursauta et se retourna brusquement. Une femme se tenait là, à quelques pas de lui. Elle était vêtue d'une robe noire qui semblait faite d'ombre, et ses cheveux argentés flottaient autour d'elle comme s'ils défiaient la gravité. Ses yeux, d'un violet profond, le fixaient avec une intensité qui le transperça.
« Qui... qui êtes-vous ? » demanda-t-il, sa voix tremblante.
Elle sourit, mais ce n'était pas un sourire rassurant. C'était un sourire qui disait qu'elle en savait bien plus qu'elle ne le laissait paraître. « Je suis une guide, » dit-elle simplement. « Et toi, Kael, tu es perdu. »
Kael. Le nom résonna dans son esprit, comme un écho lointain. Était-ce vraiment son nom ? Il essayait de se souvenir, mais tout était flou. Des images fugaces traversaient son esprit : des visages qu'il ne reconnaissait pas, des lieux qu'il ne pouvait pas identifier. Et puis... rien.
« Où suis-je ? » demanda-t-il enfin.
La femme le regarda avec une expression indéchiffrable. « Tu es dans les Enfers, Kael. Et tu as une longue route devant toi. »
Les Enfers. Le mot résonna dans son esprit comme un glas. Il voulait protester, dire qu'il y avait une erreur, qu'il ne devait pas être ici. Mais quelque chose dans son cœur – ou ce qu'il en restait – lui disait qu'elle disait la vérité.
« Pourquoi suis-je ici ? » demanda-t-il, sa voix brisée.
La femme se rapprocha, et il vit que ses pieds ne touchaient pas le sol. Elle flottait, comme si elle faisait partie de l'obscurité elle-même. « Tu as commis un crime, Kael. Un crime si grave que même les dieux ont détourné leur regard. Mais tu ne t'en souviens pas, n'est-ce pas ? »
Il secoua la tête, incapable de répondre.
« C'est normal, » dit-elle. « Ici, les souvenirs sont une denrée rare. Mais si tu veux retrouver ta mémoire, si tu veux comprendre pourquoi tu es ici, tu devras traverser les neuf cercles des Enfers. Chacun d'eux te révélera une partie de la vérité. Mais attention, Kael... les Enfers ne laissent personne repartir intact. »
Kael sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il voulait poser d'autres questions, mais la femme commençait déjà à s'éloigner, son corps se dissolvant dans l'obscurité.
« Attendez ! » cria-t-il. « Comment je fais pour partir ? Où est-ce que je vais ? »
Sa voix résonna dans le vide, mais la femme avait disparu. Il était seul à nouveau, face à l'immensité sombre des Enfers.
Il prit une profonde inspiration, essayant de rassembler ses pensées. Il ne savait pas ce qui l'attendait, ni même s'il pourrait survivre à ce qui allait venir. Mais une chose était sûre : il ne pouvait pas rester ici.
Il fit un pas en avant, puis un autre. Les ténèbres semblaient s'ouvrir devant lui, comme si elles l'attendaient. Quelque part, au fond de lui, une petite voix lui murmura qu'il ne serait plus jamais le même.
Et ainsi commença son voyage dans le Royaume des Enfers.