Chapitre 2 : Les murs du quotidien
Le tintement métallique d'une cloche retentit dans les couloirs de l'orphelinat. Shin ouvrit les yeux brusquement, une fine couche de sueur perlait sur son front. Encore ce cauchemar. Encore cette voix.
Il resta allongé quelques instants, fixant le plafond sombre. Autour de lui, les autres garçons se réveillaient, leurs pas et leurs murmures remplissant la pièce.
— Shin, t'es réveillé ? demanda une voix familière.
Shin tourna légèrement la tête pour voir Raiden, déjà debout, les bras croisés.
— Ouais, grogna-t-il en se redressant lentement.
Raiden plissa les yeux, le jaugeant avec un mélange d'inquiétude et de curiosité.
— Tu parles encore dans ton sommeil, dit-il en s'approchant. Des trucs étranges.
Shin passa une main sur son visage, tentant de masquer son agacement.
— C'est rien. Juste un mauvais rêve.
Raiden s'assit sur le lit voisin, le regard sérieux.
— Écoute, je sais que tu veux jouer au gars dur et tout, mais… on sait tous que t'es différent.
Shin fronça les sourcils.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
Raiden haussa un sourcil.
— Sérieusement ? Le Système, Shin. Tout le monde reçoit des notifications, des directives, des objectifs. Tout le monde… sauf toi.
Un silence lourd s'installa. Shin détourna le regard, mais Raiden ne lâcha pas l'affaire.
— Et si c'était dangereux ? continua Raiden. Et si… c'était pas normal ?
— Ce n'est pas important, répliqua Shin sèchement.
— Pas important ?! Raiden se leva brusquement. Shin, on vit dans un monde où le Système régit tout. Il te donne des quêtes, des récompenses, il t'aide à survivre ! Mais toi… toi, tu n'as rien. Ça ne t'inquiète pas ?
Shin serra les poings, le regard fixé au sol.
— Ce n'est pas ton problème, Raiden.
Raiden soupira, passant une main dans ses cheveux.
— Tu sais que je suis là pour toi, hein ? Peu importe ce que c'est, on trouvera une solution.
Avant que Shin ne puisse répondre, une voix douce mais ferme résonna depuis l'entrée de la pièce.
— Vous deux, vous allez être en retard pour le petit-déjeuner si vous continuez à traîner ici.
Hiwari, une fille de leur âge, se tenait dans l'embrasure de la porte, les bras croisés. Ses longs cheveux noirs encadraient son visage sérieux, mais ses yeux trahissaient une pointe d'inquiétude.
— Hiwari, toujours à jouer la grande sœur, plaisanta Raiden avec un sourire forcé.
Elle l'ignora, se concentrant sur Shin.
— Tu as encore fait un cauchemar, pas vrai ?
Shin se leva, évitant son regard.
— Ce n'est rien, répondit-il en sortant de la chambre.
Hiwari lança un regard accusateur à Raiden.
— Tu pourrais au moins essayer de ne pas le brusquer.
— Je fais de mon mieux, répondit-il en haussant les épaules. Mais il ne me facilite pas la tâche.
Dans la salle commune, l'atmosphère était étrangement silencieuse. Les pensionnaires mangeaient en silence, chacun perdu dans ses pensées.
Shin s'installa à une table près de la fenêtre, Hiwari et Raiden le rejoignant rapidement.
— Tu devrais manger quelque chose, dit Hiwari en lui tendant son bol de porridge.
— Je n'ai pas faim.
Raiden s'appuya sur la table, fixant Shin avec insistance.
— Tu sais quoi, j'ai réfléchi. Peut-être que ton absence de Système, c'est pas juste un bug ou une anomalie. Peut-être que ça signifie quelque chose.
Shin posa son regard glacial sur Raiden.
— Laisse tomber.
— Non, je ne peux pas, insista Raiden. Tu pourrais être une exception pour une raison. Peut-être que ça te rend spécial.
Hiwari intervint, sa voix calme mais ferme :
— Raiden, arrête. Tu vois bien qu'il ne veut pas en parler.
— Justement ! C'est parce qu'il n'en parle jamais que ça me dérange.
Shin se leva brusquement, renversant sa chaise.
— Arrêtez de vous inquiéter pour moi, lança-t-il avant de quitter la salle.
Hiwari soupira, les mains jointes sur la table.
— Il est plus perdu qu'il ne veut l'admettre, murmura-t-elle.
Raiden hocha la tête, le regard sombre.
— Et c'est bien ça qui m'inquiète.
Shin monta sur le toit, cherchant à s'éloigner des regards et des questions. Le vent froid le frappa au visage, mais il accueillit cette morsure glacée.
Il fixa l'horizon, le cœur lourd. Pourquoi tout semblait-il si compliqué ? Pourquoi lui ?
Les mots de Raiden résonnaient encore dans sa tête : "Peut-être que ça te rend spécial."
Shin ferma les yeux, inspirant profondément.
"Spécial, hein ?" pensa-t-il. "Si c'est le cas, pourquoi ai-je l'impression d'être une erreur ?"