La vallée était silencieuse, seulement perturbée par le souffle du vent entre les arbres. Les montagnes lointaines baignées de brume semblaient veiller sur cet endroit isolé. Kael se tenait seul dans une petite clairière, ses pieds solidement ancrés dans le sol comme un arbre millénaire, son regard distant, perdu dans ses pensées. Son épée de fer noir brillait sous la lumière du soleil, une lame forgée dans l'antique feu d'un volcan éteint, un artefact rare et puissant, dont il était le seul à connaître les véritables pouvoirs. Le vent agita ses cheveux sombres, et une brume légère, presque imperceptible, s'éleva autour de lui. C'était la magie du vide, la magie qu'il maîtrisait sans effort, mais qu'il craignait plus que tout.
Il ferma les yeux, cherchant à repousser les souvenirs de l'époque où cette magie avait échappé à son contrôle. Ce pouvoir, il l'avait utilisé une fois, une seule fois, et cela avait suffi à détruire tout ce qu'il aimait. Les visages de ceux qu'il avait perdus étaient encore gravés dans sa mémoire, un poids qu'il portait chaque jour. Fuir semblait être la seule option. Fuir, encore et encore, jusqu'à ce qu'il disparaisse de ce monde.
Mais même dans cet endroit retiré, loin des batailles, loin des hommes et des femmes, le poids de son pouvoir était toujours là. Il ne pouvait pas se défaire de la brume qui l'entourait, de la peur qu'il inspirait, même à ceux qui ne le connaissaient pas. Il se battait toujours avec lui-même, et cette guerre intérieure le consumait un peu plus chaque jour.
Un bruit de pas se fit entendre derrière lui. Un bruissement léger, presque furtif. Kael ouvrit lentement les yeux et tourna la tête vers la silhouette qui s'avançait à travers les arbres. Une silhouette élancée, avec des cheveux argentés qui brillaient à la lumière du crépuscule. L'air autour d'elle semblait vibrer légèrement, comme si elle portait une part de la magie de la nature elle-même. Liryel, l'elfe qu'il avait repoussée de ses pensées, se tenait là, fixant Kael avec des yeux perçants, comme un prédateur observant sa proie.
Liryel :
(elle sourit légèrement, un sourire à la fois amical et calculateur)
— Ce n'est pas un endroit que l'on choisit pour une promenade, vous ne trouvez pas ?
Kael la regarda sans un mot. Il savait que l'elfe ne s'était pas aventurée ici par hasard. Elle devait avoir ses raisons, mais il ne comptait pas lui rendre les choses faciles. Il serra plus fermement la prise de son épée, son regard s'assombrissant. Une simple rencontre était rarement anodine.
Kael :
(calmement, sa voix tranchant l'air comme une lame)
— Si vous êtes ici pour m'empêcher de fuir encore, vous vous êtes trompée d'endroit. Ce lieu est tout sauf accueillant pour les curieux.
Liryel ne sembla pas se laisser déstabiliser par sa réponse. Elle avança de quelques pas, l'air impassible. Elle savait à quel point Kael pouvait être intransigeant, mais elle aussi avait sa propre mission. Elle n'allait pas reculer si facilement.
Liryel :
(s'arrêtant à quelques mètres de lui, ses bras croisés)
— Fuir n'est pas la solution. Ce monde a besoin de vous, même si vous ne le voulez pas. Vous êtes plus qu'un simple fugitif, Kael. Les rumeurs qui circulent à votre sujet ne sont pas celles d'un simple guerrier. Vous êtes un bretteur légendaire, l'un des plus puissants qui aient jamais existé. Et vous avez des pouvoirs que peu d'entre nous pourraient même imaginer.
Kael détourna le regard. Ses yeux se fixèrent sur la terre sous ses pieds, comme si le sol allait soudainement lui apporter une réponse. Ses pensées, tourmentées et confuses, étaient en pleine éruption.
Kael :
(d'une voix plus basse, presque murmurée)
— Ce n'est pas une bénédiction. Ni un don. C'est une malédiction. Vous ne pouvez pas comprendre ce que c'est, d'avoir une puissance telle que la vôtre vous échappe. D'avoir causé la souffrance de ceux que vous aimiez, juste à cause d'une erreur. Une seule.
Liryel observa attentivement ses traits. Il y avait une douleur qu'il ne parvenait pas à dissimuler, une douleur profonde. Il y avait bien plus derrière ses paroles que ce qu'il laissait paraître. Elle s'approcha lentement, posant une main légère sur son épaule.
Liryel :
(avec douceur, mais fermeté)
— Vous avez peur de ce que vous êtes. Vous avez peur de perdre le contrôle. Mais vous ne pouvez pas vous cacher éternellement. Si vous fuyez, vous ne serez jamais en paix. Vous avez ce pouvoir, Kael. Un pouvoir immense. Vous pouvez choisir ce que vous en faites. Vous pouvez choisir de l'utiliser pour le bien. Ou laisser ce monde se détruire à petit feu, à cause de l'indifférence de ceux qui sont trop faibles pour se battre.
Il la fixa, le regard dur, mais quelque chose dans ses mots le frôla. Un éclair d'espoir, une lueur qu'il n'avait pas vue depuis longtemps. Mais il la repoussa immédiatement.
Kael :
(ses yeux brûlant d'une colère contenue)
— Ne parlez pas de ce que vous ne comprenez pas. Vous n'avez jamais eu à gérer un tel pouvoir. Vous ne savez rien des conséquences d'une seule erreur. Si vous saviez ce que j'ai fait… Si vous saviez ce que j'ai perdu…
Liryel :
(son ton plus calme, presque compatissant)
— Je sais. Pas tout, bien sûr, mais je sais ce que c'est que de se battre contre soi-même. Vous n'êtes pas seul, Kael. Et même si vous ne voulez pas l'entendre, il y a d'autres personnes qui ont besoin de vous. Ce pouvoir, vous ne pouvez pas le garder pour vous. C'est un fardeau, je le comprends. Mais vous ne devez pas le porter seul.
Le silence s'installa un moment. Le vent soufflait à nouveau dans la vallée, murmurant des secrets oubliés. Kael regarda Liryel, cette elfe qui semblait avoir une confiance inébranlable en lui. Mais ses yeux étaient empreints de douceur, une douceur qu'il n'avait plus rencontrée depuis longtemps.
Kael :
(soupirant profondément, se redressant légèrement)
— Vous croyez qu'un homme comme moi peut encore sauver ce monde ? Vous croyez que je peux changer les choses, après tout ce que j'ai fait ?
Liryel :
(d'une voix claire, pleine de conviction)
— Oui. Je crois que vous pouvez. Parce que vous êtes plus qu'un guerrier. Vous êtes aussi un homme capable de choisir. Et tant que vous choisissez de vous battre, il y a de l'espoir.
Kael ferma les yeux un instant, comme s'il pesait ses paroles. Puis, lentement, il tourna son regard vers elle, ses yeux froids mais remplis de détermination.
Kael :
(finalement, d'une voix calme mais résolue)
— Si je choisis de vous suivre, ne vous attendez pas à ce que je sois un héros. Je ne suis qu'un homme avec des démons dans l'âme. Et ces démons ne disparaîtront jamais.
Liryel :
(un sourire léger se dessina sur ses lèvres, sincère)
— Parfait. C'est ce que j'attendais.
A suivre