Léo observait l'écran lumineux de son ordinateur, les doigts posés sur le clavier sans taper. Il était absorbé par ses pensées, imaginant les stratégies qu'il pourrait déployer dans leur prochaine partie. Comment coordonner l'équipe, exploiter les failles des adversaires, prévoir les coups audacieux. Mais au fond de lui, une inquiétude sourde persistait : et si ces moments volés au quotidien, ce sanctuaire partagé, disparaissaient sous le poids des responsabilités imminentes et des attentes des adultes ? Chaque partie était un échappatoire fragile, un instant suspendu où tout semblait encore possible. Le club de gaming était leur sanctuaire, une pièce exiguë au sous-sol de l'école, envahie par des posters d'anciens jeux mythiques et l'odeur tenace de pizza froide. Chaque soir, c'était le même rituel : discussions passionnées, stratégies élaborées, et rêves partagés sur les prochaines grandes compétitions.
À ses côtés, Camille ajustait son casque audio, absorbé par une partie de tir à la première personne. Anna triait des cartes de jeu sur la table en formica, ses lunettes glissant constamment sur le bout de son nez. Jules, fébrile comme toujours, pianotait sur sa tablette, ses yeux courant entre plusieurs onglets.
— Vous avez vu cette pub ? demanda soudain Jules en projetant une vidéo sur l'écran central du club. Regardez ça !
La bande-annonce scintilla sur l'écran : un univers dystopique se déployait sous leurs yeux. Des gratte-ciels effondrés, envahis par une végétation luxuriante, contrastaient avec des ruines métalliques fumantes. Dans un ciel teinté d'orange crépusculaire, des drones luminescents planaient comme des prédateurs, émettant un bourdonnement électrique inquiétant. Au sol, des silhouettes encapuchonnées avançaient à travers des rues dévastées, illuminées par des néons clignotants. Une pluie fine tombait, amplifiant l'écho des pas sur le bitume fissuré. Chaque image était accompagnée d'une bande sonore vibrante, mêlant des chœurs synthétiques et des battements sourds, qui ajoutaient une tension palpable. Les paysages semblaient à la fois éclatants et oppressants, des batailles spectaculaires faisaient rage, et une musique immersive accompagnait chaque scène. La voix off clamait : "Eidolon : entrez dans une nouvelle dimension. Le jeu qui redéfinira la réalité. Une seule entrée, pas de limites."
- Incroyable… murmura Camille, les yeux brillants. Ça sort quand ?
Jules déploya une page web dédiée.
- C'est une compétition pour tester la version bêta. Faut s'inscrire et répondre à un quizz de pré-sélection. Vous êtes partants ?
Anna haussa un sourcil, sceptique, en croisant les bras.
- Et c'est pas un peu… risqué ? On sait jamais avec ces trucs expérimentaux. Elle tapota nerveusement le coin de la table du bout des doigts, son regard hésitant glissant entre Jules et l'écran. Une ombre d'inquiétude passa sur son visage, trahissant son malaise.
- Anna, t'es sérieuse ? protesta Camille. C'est Eidolon ! Le jeu dont on rêve depuis des mois ! Imagine si on est sélectionnés. Ce serait énorme.
Léo croisa les bras, pensif. Il comprenait les réticences d'Anna, mais une opportunité comme celle-ci était rare.
- On pourrait au moins essayer, proposa-t-il. Si on est pris, on verra. Si c'est trop étrange, on se retire.
Anna souffla, mais finit par hocher la tête. Camille sauta sur l'occasion.
- Alors, on s'y met ?
Ils s'attelèrent au questionnaire, chacun apportant sa contribution. Jules géra les questions techniques, Anna les stratégies, Camille les anecdotes sur le gaming, et Léo supervisa. Au bout d'une heure, ils cliquèrent sur "Envoyer".
Une animation apparut, accompagnée d'une phrase cryptique : "Votre destin est en marche. Rendez-vous bientôt dans une nouvelle dimension."
Quelques jours plus tard, une enveloppe noire arriva au domicile de chacun. Camille, en ouvrant la porte, fronça les sourcils en voyant l'enveloppe posée sur le paillasson. Elle n'avait ni timbre ni adresse, et une étrange lueur argentée semblait pulser doucement sous la lumière. Intrigué mais méfiant, il la ramassa en retenant son souffle.
Chez Anna, la découverte de l'enveloppe provoqua une montée d'adrénaline. Elle resta un instant immobile, hésitant à la toucher, ses pensées tourbillonnant. Finalement, elle s'empara de l'objet avec une précaution excessive, comme si elle craignait qu'il explose.
Jules, lui, trouva l'enveloppe déjà déposée sur son bureau. Il leva un sourcil, sceptique, mais son excitation prit vite le dessus. "C'est quoi ce truc ?" murmura-t-il en la scannant rapidement avec son téléphone pour détecter des anomalies.
Quant à Léo, il s'assit à son bureau, l'enveloppe entre ses mains, le regard fixé sur le logo mystérieux d'Eidolon. Il la tourna plusieurs fois, cherchant un indice, avant de se décider à l'ouvrir. Une lumière froide jaillit soudain, illuminant la pièce d'une aura irréelle. Camille, toujours le premier à ouvrir ses courriers, la scruta avec méfiance. Elle n'avait ni timbre ni adresse expéditeur, et l'encre argentée du nom « Eidolon » semblait pulser doucement sous la lumière. Lorsqu'il déchira l'enveloppe, un hologramme surgit, projetant une lumière froide dans sa chambre mal rangée. Il resta figé, un sourire nerveux étirant ses lèvres.
Anna, de son côté, hésita avant de toucher la sienne. Elle passa un doigt sur la surface lisse, le cœur battant, avant de finalement céder à la curiosité. Quand l'hologramme s'alluma, elle sursauta et jeta un regard méfiant autour d'elle, comme si quelqu'un pouvait surgir de l'ombre.
Chez Jules, l'excitation était palpable. Il scanna immédiatement l'enveloppe à l'aide de son téléphone pour détecter d'éventuels dispositifs cachés, mais ne trouva rien d'anormal. « Fascinant, » murmura-t-il avant d'ouvrir l'enveloppe. L'hologramme se matérialisa dans un tourbillon de pixels, et ses yeux brillèrent de curiosité pure.
Léo, quant à lui, prit son temps. Assis à son bureau, il caressa machinalement le bord de l'enveloppe. Son esprit oscillait entre excitation et prudence. Lorsqu'il la déchira enfin, la lumière de l'hologramme se refléta sur son visage pensif. « C'est pour de vrai, » murmura-t-il. Aucune adresse expéditeur. Un hologramme scintilla lorsqu'ils l'ouvrirent, projetant le logo d'Eidolon. Une voix synthétique annonça : "Félicitations ! Vous êtes parmi les élus. Rendez-vous le 15 à 14h au centre technologique de NovaDome. Une nouvelle aventure vous attend."
Le 15, le groupe se retrouva devant la bâtisse imposante du NovaDome. Érigée en verre et en acier, elle reflétait un ciel nuageux, donnant l'impression d'être un vaisseau spatial posé sur Terre.
- Vous êtes sûrs qu'on a bien fait ? murmura Anna en ajustant son sac.
- Trop tard pour reculer, répondit Jules avec un sourire nerveux.
Un technicien en blouse blanche les guida jusqu'à une salle circulaire baignée d'une lumière tamisée. Camille entrouvrit la bouche, ses yeux parcourant les détails luminescents des murs avec un mélange d'admiration et de nervosité. Anna s'arrêta un instant sur le seuil, ses bras croisés comme pour se protéger, avant de suivre à contrecoeur, lançant des regards rapides autour d'elle. Jules, lui, ne put s'empêcher de sourire en coin, visiblement fasciné par l'ambiance futuriste qui semblait tout droit sortie d'un film. Quant à Léo, il resta en retrait, ses yeux fixant les pods flottants, partagé entre excitation et appréhension. Les murs étaient recouverts de panneaux noirs brillants, parsemés de lignes lumineuses qui pulsaient doucement, créant une ambiance à la fois futuriste et énigmatique. Les pods futuristes, disposés en cercle parfait, semblaient flotter au-dessus du sol, chacun émettant un léger bourdonnement. Une odeur métallique et froide emplissait la pièce, ajoutant une touche presque clinique au décor. La salle semblait vivante, comme si elle respirait à travers les vibrations imperceptibles qui résonnaient sous leurs pieds. Chaque joueur se vit attribuer un casque et des capteurs sensoriels.
- Veuillez suivre les instructions à l'écran, expliqua le technicien. Une fois connectés, vous serez plongés dans l'univers d'Eidolon. Bonne chance.
Camille ajusta son équipement, excédé par l'attente.
- Allez, c'est parti.
Une lumière douce enveloppa leur vision, s'intensifiant jusqu'à masquer complètement la salle autour d'eux. Leurs sens furent submergés : une légère pression les entourait, comme s'ils traversaient un fluide invisible. Une chaleur douce envahit leur peau, accompagnée d'un murmure à peine perceptible, semblable au vent dans les arbres. Puis, tout bascula. Une sensation de chute vertigineuse, suivie d'un silence absolu.
Quand ils rouvrirent les yeux, ils furent submergés par une vague d'émotion. Camille cligna des yeux, bouche béante, et pivota lentement sur lui-même pour contempler les montagnes flottantes qui semblaient danser dans l'air. Anna porta une main à sa bouche, comme pour retenir un souffle coupé, tandis que ses yeux s'élargissaient sous le choc. Jules laissa échapper un ricanement incrédule, ses doigts bougeant comme s'il voulait toucher les rivières scintillantes au loin. Léo, silencieux, serra les poings et inspira lentement, envahi par un mélange d'admiration et d'inquiétude. Chaque souffle de vent portait un parfum floral, presque enivrant, et les craquements des branches étaient si nets qu'ils donnaient l'illusion d'une réalité amplifiée. Des montagnes flottaient dans les airs, des rivières scintillaient sous un ciel aux teintes violettes, et un parfum léger, presque floral, flottait dans l'air. Un monde magnifique, vaste et éclatant, les entourait
- C'est… incroyable, murmura Camille, sans voix.
Anna fronça les sourcils, examinant un panneau de contrôle holographique. — Attendez, le menu de déconnexion est… absent ?
- Sûrement un bug, répondit Jules, concentré sur l'interface. Rien d'inquiétant.
Mais les premières quêtes leur prouvèrent le contraire. Une créature mineure attaqua Léo. La douleur qu'il ressentit était bien réelle.
- On est coincés, murmura Anna, paniquée. Et ça, c'est pas normal.
Ainsi débute leur aventure, entre fascination et terreur.