Dans les profondeurs de la Forêt des Perdus, où les ombres s'étiraient comme des spectres et où le murmure des arbres semblait raconter des secrets anciens, Zas et Nilsha s'observaient. S'il était méfiant au premier regard, désormais il voyait en elle une force brute, une tempête contenue derrière un sourire maîtrisé. Elle percevait en lui une profondeur troublante, une âme marquée par des cicatrices invisibles. Pourtant, quelque chose les attirait l'un vers l'autre, un écho de reconnaissance entre deux âmes brisées.
Le clan des parias, cette communauté de marginaux, offrait un refuge, mais chacun devait y prouver sa valeur. Nilsha, en tant que nouvelle arrivée, ne fit pas exception. Au fil des semaines, elle démontra une habileté qui la rendit rapidement indispensable. Sa maîtrise de la magie infernale et son intelligence stratégique firent d'elle une alliée précieuse pour Nymira. Elle conseillait le clan sur les tactiques de défense et utilisait sa magie pour repousser les intrusions des patrouilles de paladins et de clercs qui osaient s'aventurer trop près.
Zas, de son côté, continuait à jouer son rôle de pilier discret. Sa capacité à apaiser les conflits internes et à soigner les blessés le plaçait au centre des décisions, même s'il évitait les projecteurs. Leur première collaboration se produisit presque par hasard. Une troupe de mercenaires avait été repérée à la lisière de la forêt, et le clan se préparait à défendre son territoire. Nilsha proposa un plan audacieux : tendre une embuscade avant que les intrus ne pénètrent plus profondément dans la forêt.
— Tu veux les affronter en terrain découvert ? demanda Zas, un sourcil arqué.
— Pas tout à fait. Nous allons les attirer dans une zone où la forêt elle-même deviendra notre alliée, répondit-elle avec un sourire en coin.
Malgré ses doutes, il accepta de suivre son plan. Ensemble, ils orchestrèrent une diversion, utilisant une combinaison de magie nécromancienne et infernale pour désorienter leurs adversaires. Les mercenaires, perdus dans une illusion de brume et de silhouettes mouvantes, tombèrent dans un piège soigneusement élaboré. La victoire fut rapide et sans effusion de sang, renforçant la réputation de Nilsha et scellant une première pierre dans leur partenariat.
Après cette réussite, leur collaboration devint naturelle. Ils partageaient des nuits à discuter des stratégies du clan, mais aussi de leurs propres rêves et regrets. Nilsha racontait ses jours dans les Neuf Enfers, les promesses brisées et la trahison qui l'avait menée ici. Zas, en retour, lui parlait de son exil, de son frère et de la douleur de perdre une famille qui ne l'avait jamais vraiment accepté. Ces confidences, bien que rares, leur permirent de baisser leurs gardes.
Un soir, alors qu'ils surveillaient les environs depuis une plate-forme en hauteur, Nilsha rompit le silence.
— Tu sais, ce clan… C'est un bon début, mais ce n'est pas suffisant.
— Pas suffisant pour quoi ? répondit-il sans détourner le regard des arbres en contrebas.
— Pour survivre. Un jour, les paladins ou quelqu'un de pire viendront avec une force qu'on ne pourra pas repousser. Si on veut avoir une chance, il faudra être plus que ça. Plus qu'une bande de parias.
— Et que proposes-tu ? Devenir comme eux ?
— Non. Devenir autre chose. Quelque chose qu'ils ne peuvent pas prévoir.
Il ne répondit pas immédiatement, mais ces mots s'enfoncèrent profondément dans son esprit. Cette conversation marqua un tournant dans leur relation. Ils commencèrent à rêver d'un avenir où leur différence deviendrait une arme, une force capable de protéger ceux qu'ils aimaient.
Au fil des mois, leur influence dans le clan grandit. Nymira elle-même reconnaissait leur complémentarité et leur offrit davantage de responsabilités. Mais cette montée en puissance attira également des jalousies et des tensions. Certains membres du clan voyaient d'un mauvais œil l'alliance entre le nécromancien exilé et la tieffeline infernale. Les murmures devenaient plus forts à mesure qu'ils prenaient des décisions qui semblaient défier les traditions du clan.
Un jour, une confrontation éclata. Duvann, le gnome inventeur, accusa Nilsha de manipuler Zas pour asseoir son contrôle sur le clan.
— Elle n'est ici que depuis un an, et elle agit comme si tout lui appartenait ! cria-t-il lors d'une assemblée.
Nilsha, calme mais glaciale, répondit sans hausser la voix.
— Peut-être que si tu passais moins de temps à critiquer et plus à agir, tu comprendrais pourquoi on m'écoute.
Zas intervint avant que la situation ne dégénère.
— Assez ! Ce clan existe parce que nous nous protégeons les uns les autres. Si vous avez un problème avec ses idées, parlez-en. Mais ne laissez pas vos peurs nous diviser.
Son ton ferme mit fin à la dispute, mais il savait que ce n'était qu'un symptôme d'un problème plus profond. Le clan avait besoin d'une direction claire, et lui et Nilsha commençaient à réaliser que leur vision ne correspondait pas toujours à celle des autres.
Le temps qu'ils passèrent dans la Forêt des Perdus devint une période de transition. Leur amitié s'épanouit en une complicité qui transcendait les mots. Ils partageaient non seulement des idées, mais aussi des ambitions. Ensemble, ils commencèrent à expérimenter de nouvelles magies, mêlant leurs savoirs respectifs pour créer des sorts qu'aucun d'eux n'aurait pu concevoir seul. Ces expériences, bien que discrètes, posèrent les bases de ce qui deviendrait plus tard leur plus grande œuvre : les chimères.
Mais pour l'instant, ils étaient encore des parias, naviguant entre le poids de leur passé et la promesse d'un avenir incertain.