Je la déteste. Kayla. Elle était dans ma classe depuis la primaire, et ce, jusqu'en seconde. "Madame je-sais-tout". Toujours à lever la main, à répondre aux questions avant même que les autres aient le temps de réfléchir. Juste son existence me donnait envie de rouler des yeux. Elle était tout ce que je ne supporte pas : sérieuse, studieuse, parfaite en tout point. Moi, j'étais le gars qui vivait au jour le jour, sans me prendre la tête.
Et maintenant, elle débarque ici. À ma fac. Sérieusement ? Comme si je ne pouvais pas avoir un seul endroit où elle ne soit pas là , où je puisse enfin respirer.
Je l'ai vue passer devant moi aujourd'hui. Je l'ai reconnue tout de suite, même si elle avait changé. Elle n'avait plus ses lunettes, et ses cheveux, autrefois toujours attachés en une queue-de-cheval stricte, tombaient maintenant en vagues autour de son visage. Mais ce sont ses yeux qui m'ont frappé. Un vert intense, presque hypnotisant. Depuis quand elle avait ces yeux-là ? Et son corps… disons qu'elle avait pris des formes. Des hanches, une poitrine… impossible de ne pas remarquer.
Je déteste l'admettre, mais elle s'est embellie. Pourtant, une partie de moi reste figée sur le souvenir de la Kayla d'avant. "Madame je-sais-tout". Non, elle et moi, ça ne changera jamais.
Un rire bruyant me sort de mes pensées.
— Killyan, t'as vu un fantôme ou quoi ? lance Théo, mon coloc et meilleur pote depuis deux ans.
— Hein ? Non, rien, répondis-je en détournant les yeux de Kayla, qui s'éloignait déjà dans la cour.
Théo ne me croit pas une seconde. Il pose son plateau sur la table et s'assoit en face de moi.
— Mec, t'étais complètement dans la lune. C'est qui ?
— Personne, mentis-je en haussant les épaules. Juste une fille que je connais de loin.
— De loin, hein ? intervient Lucas, un autre de mes potes, en posant son sac sur une chaise à côté de Théo. T'as passé trois bonnes minutes à la fixer.
— Vous êtes lourds, soupirai-je.
— Bah, elle est mignonne au moins ? demande Lucas avec un sourire moqueur.
Je serre les dents. C'est vrai, elle est mignonne. Trop mignonne, mĂŞme. Mais je refuse de le dire Ă voix haute. Pas Ă eux.
— Laissez tomber, on s'en fout, coupai-je.
Lucas et Théo échangent un regard, mais ils n'insistent pas. On passe le reste du repas à parler des cours, des soirées à venir, et des dernières rumeurs qui circulent à la fac. Pourtant, une partie de moi reste distraite. Chaque fois que je ferme les yeux, je revois Kayla. Ses cheveux, ses yeux, son sourire qu'elle affichait à moitié en marchant tout à l'heure.
Dans l'après-midi, après nos cours, je traîne avec Théo et Lucas sur le terrain de basket de la fac. On joue presque tous les jours. C'est notre façon de décompresser après les cours. Je me concentre sur le ballon, sur les mouvements, sur les passes. Tout sauf elle.
Mais ça ne dure pas. En plein milieu de la partie, je l'aperçois de loin. Elle traverse le campus avec une pile de livres dans les bras. Elle marche vite, concentrée, comme si elle portait le poids du monde sur ses épaules.
— Killyan, ça va ? appelle Théo en me lançant le ballon.
Je rate la passe, et le ballon roule sur le sol.
— Mec, t'es sûr que t'es pas malade ? ajoute Lucas en rigolant.
Je grogne, ramasse le ballon et continue le jeu. Mais au fond de moi, je sais que quelque chose ne va pas. Cette fille, Kayla, que je pensais détester, commence à envahir mes pensées. Et ça, c'est un problème.