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Chapter 8 - Le Poids des Soupçons

Zeeya ouvrit lentement les yeux, le regard flou et les

pensées embrouillées. La lumière tamisée de la pièce l'aveuglait légèrement, et

il lui fallut quelques secondes pour se rappeler où elle était. Elle se

redressa légèrement sur le lit, les muscles encore endoloris, et vit son père

assis près d'elle, l'air inquiet. Chloé se tenait un peu plus loin, adossée au

mur, les bras croisés et l'air soulagé de la voir éveillée.

 

— Papa ? murmura Zeeya d'une voix rauque.

 

Son père posa immédiatement une main réconfortante sur son

épaule.

— Je suis là, ma chérie. Tu es en sécurité.

 

Zeeya sentit une boule se former dans sa gorge. Les images

de la veille lui revinrent brutalement : la chute de Tony, le cri déchirant de

sa mère, les accusations des Shepard, et surtout, ce corps sans vie qu'on avait

remonté du ravin.

 

Elle serra les poings contre ses genoux, tremblant sous le

poids de l'émotion.

— Tout est de ma faute, murmura-t-elle, une larme coulant le

long de sa joue.

 

Son père secoua la tête, ses yeux remplis de compassion.

— Non, Zeeya, ce n'est pas vrai. Ce n'était pas ta faute.

 

Chloé s'approcha et s'assit à côté d'elle sur le lit.

— Zeeya, écoute, je sais que c'est dur, mais tu dois te

reposer. Tu as vécu quelque chose d'horrible. Ce n'est pas le moment de te

blâmer.

 

Mais Zeeya ne pouvait pas s'empêcher de ressasser les

événements. La voix de Mme Shepard résonnait encore dans sa tête, la regardant

avec haine et douleur, l'accusant publiquement. Elle revoyait les regards des

gens autour d'elle, lourds de jugement, et sentait qu'il serait impossible de

prouver son innocence, même si elle n'avait rien fait de mal.

 

Elle releva les yeux, les cernes profondes trahissant une

nuit blanche.

— Tout le monde pense que c'est moi. Je les ai vus. Je les

ai entendus murmurer.

 

Son père soupira et lui caressa doucement les cheveux.

— Les gens parlent sans savoir, Zeeya. Laisse-moi gérer ça.

Je ne laisserai personne t'accuser à tort.

 

Mais ses mots ne semblaient pas l'atteindre. Zeeya détourna

le regard, fixant un point invisible au mur, les larmes silencieuses roulant

sur ses joues.

 

Chloé posa une main douce sur celle de son amie.

— Zeeya… Tu n'es pas seule. Je suis là. Et on va surmonter

ça ensemble.

 

Un silence pesant remplit la pièce, brisé seulement par les

sanglots étouffés de Zeeya. Son père échangea un regard avec Chloé, visiblement

désemparé. Il se leva lentement, la voix douce mais ferme.

— Je vais te laisser te reposer un peu. Chloé, reste avec

elle, d'accord ? Je dois passer au bureau pour régler quelque chose, mais je

reviens vite.

 

Chloé hocha la tête.

— Je resterai ici, monsieur Harper.

 

Avant de quitter la pièce, il se tourna une dernière fois

vers Zeeya.

— Je t'aime, ma chérie. Rappelle-toi ça.

 

Zeeya hocha faiblement la tête sans répondre. La porte se

referma doucement derrière lui, laissant les deux amies dans un silence

empreint de tristesse et d'incertitude.

 

 

De son côté, Chad se rendit chez les Hannigan. L'air glacial

du matin le fit frissonner alors qu'il gravissait les marches du perron. Il

hésita un instant avant de frapper à la porte. Il avait besoin de parler à

Allison, de comprendre ce qu'il ressentait, mais une partie de lui redoutait

cette conversation.

 

La porte s'ouvrit rapidement, dévoilant Allison, toujours

vêtue de son peignoir en soie, les cheveux en désordre. Son teint pâle et ses

yeux rouges témoignaient des pleurs et de l'insomnie.

 

— Chad ? Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle d'une

voix rauque.

 

— J'avais besoin de te voir, répondit-il simplement, ses

mains tremblant légèrement.

 

Elle le fit entrer sans un mot de plus. Ils s'installèrent

dans le salon, l'atmosphère pesante entre eux. Chad observa brièvement la pièce

luxueusement décorée, mais tout semblait dénué de chaleur aujourd'hui. Allison

croisa les jambes et lui fit signe de parler.

 

— Comment tu vas ? demanda-t-il finalement, brisant le

silence.

 

Allison haussa les épaules, un sourire amer se dessinant sur

ses lèvres.

— Comment tu crois que je vais ? Tony est mort, Chad. Mort.

 

Son ton cinglant fit grimacer Chad. Il baissa la tête,

jouant nerveusement avec ses mains.

— Je sais… Je sais. C'est juste… je n'arrête pas de penser à

tout ça. À ce qu'on a fait.

 

Allison fronça les sourcils, ses yeux s'assombrissant.

— Qu'est-ce que tu veux dire par "ce qu'on a fait"

?

 

— Allison… Ce piège qu'on a tendu à Zeeya… Si on n'avait pas

fait ça, peut-être que rien de tout ça ne serait arrivé, dit-il d'une voix

brisée.

 

Elle se redressa sur son siège, le regard perçant.

— Tu plaisantes, là ?

 

Chad secoua la tête, les larmes menaçant de couler.

— Je m'en veux, Allison. On a été trop loin. On voulait

juste l'humilier, lui faire comprendre qu'elle n'avait pas sa place parmi nous.

Mais… Tony est mort maintenant, et c'est comme si tout ça, c'était notre faute.

 

Le visage d'Allison se durcit. Elle se leva brusquement,

croisant les bras et dominant Chad de sa hauteur.

— Non. Stop. Arrête ça tout de suite, Chad.

 

— Mais…

 

— Non ! s'écria-t-elle, les yeux lançant des éclairs. Si

quelqu'un est à blâmer dans cette histoire, ce n'est pas nous. C'est Zeeya.

 

Chad la regarda, stupéfait.

— Zeeya ?

 

— Oui, Zeeya ! Tout allait bien avant qu'elle débarque dans

nos vies. Tony était heureux. On était heureux. Mais elle est arrivée avec ses

grands airs de fille parfaite, et tout a changé.

 

— Allison, ce n'est pas juste…

 

— Tu crois quoi ? continua Allison, la voix tremblante

d'émotion. Qu'elle est innocente dans tout ça ? Tony n'a jamais été le même

depuis qu'elle est apparue. Elle l'a manipulé, elle l'a éloigné de nous, et

regarde où ça l'a mené !

 

Chad secoua la tête, les mains tremblantes.

— On ne peut pas mettre ça sur son dos, Allison. C'est

cruel…

 

— Cruel ? Tu veux parler de cruel, Chad ? Et ce qu'elle nous

a fait, à toi et à moi, c'était quoi ? Elle nous a volé Tony, et maintenant

elle joue les victimes alors qu'il est mort !

 

Le silence retomba, lourd et étouffant. Chad détourna le

regard, incapable de soutenir celui d'Allison. Une part de lui savait qu'elle

avait tort, mais il n'avait pas la force de la contredire. Pas maintenant.

 

— Alors quoi ? reprit-elle, sa voix baissant d'un ton mais

restant dure. Tu vas aller pleurer sur son épaule ? La défendre comme si elle

était une pauvre petite fille innocente ?

 

— Non… Je ne sais pas, murmura-t-il.

 

Allison soupira, passant une main nerveuse dans ses cheveux.

— Écoute, Chad. Ce qui est fait est fait. On ne peut pas

revenir en arrière. Mais si tu veux quelqu'un à blâmer, regarde ailleurs. Ce

n'est pas nous. C'est elle.

 

Elle se rassit, croisant les jambes et s'enfonçant dans le

canapé.

— Maintenant, si tu veux rester ici et continuer à te

morfondre, libre à toi. Mais moi, j'ai assez donné.

 

Chad resta immobile, luttant avec les émotions

contradictoires qui bouillonnaient en lui. Finalement, il se leva, évitant de

croiser le regard d'Allison.

 

— Je vais y aller, dit-il doucement.

 

Elle haussa les épaules, le suivant des yeux alors qu'il se

dirigeait vers la porte.

— Comme tu veux, Chad.

 

Lorsqu'il quitta la maison, le froid extérieur lui sembla

moins glacial que l'atmosphère qu'il venait de quitter. Les mots d'Allison

résonnaient encore dans sa tête, mais une part de lui savait qu'ils n'étaient

qu'un écran pour masquer sa propre culpabilité.

 

 

La lumière froide des néons de la morgue éclairait la pièce

de manière crue, accentuant l'austérité des lieux. Mme Shepard était penchée

sur le corps inerte de son fils, son visage ravagé par les larmes. Ses mains

tremblaient en caressant doucement le front glacé de Tony, comme si elle

espérait pouvoir le réchauffer.

 

— Mon bébé… sanglota-t-elle, la voix brisée. Mon petit

garçon… Pourquoi toi ? Pourquoi toi, Tony ?

 

Chaque mot était un poignard pour le cœur, et ses sanglots

résonnaient dans la pièce silencieuse. Ses épaules tressautaient sous

l'intensité de sa douleur, tandis que son mari se tenait à l'écart, le visage

fermé mais les yeux brillants d'une colère contenue.

 

Dans une autre pièce, Mr Shepard échangeait avec le shérif.

La tension était palpable entre eux.

 

— Cette fille, Zeeya, devra rendre des comptes, lança Mr

Shepard d'une voix froide et déterminée.

 

Le shérif, un homme robuste mais visiblement épuisé par les

événements, secoua la tête avec une pointe de lassitude.

— Monsieur Shepard, je comprends votre douleur. Mais il n'y

a aucune preuve que cette jeune fille ait fait quoi que ce soit de

répréhensible.

 

— Aucune preuve ?! s'exclama Mr Shepard, sa voix montant

d'un cran. Mon fils est mort, et elle était là ! Vous pensez vraiment qu'elle

est innocente ?

 

Le shérif tenta de garder son calme.

— Tout ce que nous savons, c'est qu'il est tombé

accidentellement. Rien n'indique qu'elle ait agi intentionnellement pour causer

sa mort.

 

Mr Shepard s'avança, son regard sombre transperçant celui du

shérif.

— Écoutez-moi bien, shérif. Vous savez qui je suis, et ce

que je représente dans cette ville. J'ai construit des écoles, financé des

hôpitaux, soutenu vos services quand personne d'autre ne le faisait. Alors, je

vais être clair : je veux des réponses. Et si vous ne les trouvez pas, je ferai

ce qu'il faut pour m'en assurer moi-même.

 

Le shérif serra les mâchoires, partagé entre son devoir et

la pression exercée par l'homme le plus influent de la ville.

— Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, monsieur Shepard,

dit-il finalement, la voix tendue. Mais je ne peux pas accuser une jeune fille

sans preuve.

 

De l'autre côté du couloir, Chloe, un sandwich emballé à la

main, s'arrêta net en entendant les voix étouffées. Elle ne voyait que des

ombres projetées sur le mur, mais elle comprit rapidement la teneur de la

conversation.

 

Elle sentit son cœur s'alourdir. La détermination de Mr

Shepard à trouver un coupable – et son insistance sur Zeeya – ne présageait

rien de bon. Chloe recula discrètement, ne voulant pas être vue, et s'appuya

contre le mur, son esprit tourbillonnant de pensées.

 

— Pauvre Zeeya… murmura-t-elle pour elle-même.

 

Elle savait que les jours à venir allaient être encore plus

difficiles, et une peur sourde s'insinua en elle. Si Mr Shepard s'acharnait sur

son amie, rien ni personne ne pourrait l'arrêter.

 

Chloe entra précipitamment dans la chambre de Zeeya, son

visage pâle et visiblement perturbé. Elle referma la porte derrière elle et

s'approcha rapidement de son amie, qui était recroquevillée sur son lit, les

yeux rougis.

 

— Zeeya, je viens de voir quelque chose... murmura-t-elle en

s'asseyant à côté d'elle.

 

Zeeya leva les yeux, inquiète.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

 

Chloe baissa la voix, regardant furtivement vers la porte.

— J'ai entendu Mr Shepard parler au shérif. Il veut que tu «

rendes des comptes ». Il est en train de mettre la pression au shérif pour que

tu sois impliquée dans cette histoire.

 

Zeeya serra ses genoux contre sa poitrine, ses mains

tremblant légèrement.

— Mais... mais je n'ai rien fait, Chloe. Pourquoi ils

s'acharnent sur moi ? Je n'ai rien fait à Tony.

 

Chloe posa une main réconfortante sur son épaule.

— Je sais, Zeeya. Mais ce n'est pas comme ça qu'eux le

voient. Ils sont brisés, en colère... et ils cherchent quelqu'un à blâmer.

 

Avant que Zeeya ne puisse répondre, la porte s'ouvrit

brusquement. Le shérif entra dans la chambre, son regard dur et professionnel.

 

— Mademoiselle Harper, j'ai besoin de vous poser quelques

questions supplémentaires, dit-il, son ton calme mais pressant.

 

Zeeya, paniquée, regarda Chloe, qui se redressa

instinctivement, prête à intervenir.

 

— Je vous ai déjà tout dit... murmura Zeeya.

 

Le shérif ignora son hésitation.

— Je sais, mais il y a des choses qui ne collent pas. Vous

étiez sur le pont avec Tony, n'est-ce pas ? Vous êtes la dernière personne à

l'avoir vu vivant. Peut-être qu'il y a des détails que vous avez oubliés, ou

que vous n'avez pas voulu mentionner...

 

Zeeya se sentit acculée.

— J'ai tout raconté, je vous jure.

 

Le shérif croisa les bras, son regard devenant plus perçant.

— Vous savez, parfois, dans des situations comme celle-ci,

les gens omettent des détails importants. Parfois, ils pensent qu'un petit

mensonge ou une omission peut tout arranger... mais ça peut aussi les

incriminer.

 

Zeeya secoua la tête frénétiquement.

— Je ne mens pas !

 

La tension monta dans la pièce, mais avant que le shérif ne

puisse continuer, la porte s'ouvrit violemment. Mr Harper entra, furieux.

 

— Vous n'avez pas le droit de l'interroger comme ça !

lança-t-il en se plaçant entre Zeeya et le shérif. Elle est une mineure, et je

ne vous ai pas donné la permission d'être ici.

 

Le shérif recula légèrement, mais il tenta de justifier son

intrusion.

— Je fais seulement mon travail, monsieur Harper. Je ne

l'accuse de rien. Je veux juste comprendre ce qui s'est passé.

 

Mr Harper plissa les yeux, son ton devenant glacial.

— Si vous ne l'accusez de rien, alors pourquoi attendre que

je sois absent pour venir la harceler ?

 

Le shérif hésita, cherchant ses mots, mais Mr Harper ne lui

laissa pas le temps de répondre.

— Dites-moi franchement, shérif. Dois-je appeler mon avocat

?

 

Le shérif ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Il

tourna légèrement la tête et aperçut les Shepard debout dans le couloir, leurs

regards empreints de colère et de détermination. Il savait qu'ils

l'observaient, qu'ils attendaient qu'il prenne leur parti.

 

Il soupira et revint à Mr Harper, évitant soigneusement de

croiser son regard.

— Oui... Je pense que vous devriez appeler votre avocat.

 

Un silence tendu s'installa. Mr Harper se redressa, son

visage exprimant une colère froide.

— Je vois... dit-il simplement. Je vois exactement ce qui se

passe ici.

 

Le shérif détourna les yeux, embarrassé. Mr Harper posa une

main protectrice sur l'épaule de sa fille et l'aida à se lever.

— Vous avez terminé ici, shérif. Nous ne répondrons plus à

vos questions sans la présence de notre avocat. Maintenant, partez.

 

Le shérif hocha la tête, jetant un dernier regard nerveux

vers les Shepard, puis quitta la pièce en silence. Mr Harper ferma la porte

derrière lui et se tourna vers Zeeya, qui semblait au bord de l'effondrement.

 

— Ça va aller, ma chérie. Je ne laisserai personne te faire

de mal, dit-il doucement en la prenant dans ses bras.

 

Mais au fond d'eux, ils savaient tous les deux que les

choses ne faisaient que commencer.