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Chapter 9 - Les Murs se Referment

Le soir, après avoir ramené Zeeya à la maison et s'être

assuré qu'elle se repose, Mr. Harper s'isole dans le salon. Il hésite un

instant avant de composer le numéro. Le combiné vibre doucement, puis une voix

familière répond.

 

— Salut, Karen, ça va ? dit-il, sa voix trahissant une

certaine nervosité.

— Heyy, salut, beau gosse. Tu t'es enfin décidé à m'emmener

à ce fameux rendez-vous ? plaisante-t-elle d'un ton sarcastique.

— Non... Ce n'est pas pour ça. En fait, je crois que

j'aurais peut-être besoin de tes services.

 

L'humour dans la voix de Karen disparaît instantanément.

— Qu'est-ce qui se passe, Mark ? Tu as l'air inquiet.

— C'est... c'est Zeeya.

— Qu'est-ce qu'elle a ? Elle va bien ? demande Karen,

soudain alarmée.

— Elle sortait avec un garçon... Il y a eu un accident. Le

jeune est tombé d'un pont, et maintenant ses parents essaient de lui faire

porter le chapeau.

 

Un silence tendu s'installe avant que Karen ne reprenne

d'une voix ferme :

— Est-ce qu'il y a des témoins ? Quelque chose qui pourrait

l'incriminer ?

— Non. Enfin, pas à ma connaissance, mais... je n'en sais

rien.

 

Sa voix devient plus tremblante, marquant son inquiétude

grandissante.

— Écoute, Karen, je suis complètement perdu. Les Shepard

sont influents, et ils veulent des réponses. Mais je sais que ma fille n'a rien

fait.

 

Karen prend une inspiration, cherchant à apaiser son vieil

ami.

— Ok, écoute-moi. Calme-toi. Je vais finir ce que je fais

ici, et je viens. On va s'occuper de ça. Tu me fais confiance, pas vrai ?

— Oui, bien sûr. Merci, Karen. Fais vite.

 

Elle raccroche, laissant Mark Harper seul avec ses pensées.

Il regarde brièvement vers la chambre de Zeeya, un mélange de colère et de peur

dans les yeux.

 

Le jour de la veillée

 

La ville se réveilla une fois de plus dans une atmosphère

pesante. Une tristesse palpable planait sur chaque rue, chaque maison, comme si

le temps lui-même s'était ralenti par respect pour Tony.

 

Chez les Harper, Mark était assis devant la télévision,

zappant sans but, incapable de se concentrer sur quoi que ce soit. Les chaînes

d'information locales ne parlaient que de l'incident, et il préférait éviter

d'écouter les spéculations incessantes. Dans la cuisine, Zeeya, silencieuse,

essayait de se rendre utile.

 

— Tu fais quoi, ma puce ? demanda Mark sans détourner les

yeux de l'écran.

— Je prépare à manger, papa.

 

Mark fronça les sourcils.

— Inutile de faire brûler la maison. On peut commander

quelque chose.

 

Zeeya ouvrit le réfrigérateur et poussa un soupir. Il était

presque vide, à l'exception de quelques restes qui ne suffisaient même pas pour

un repas.

— Papa, on n'a plus rien dans le frigo. Tu devrais aller

faire des courses.

 

Mark se redressa légèrement.

— Je vais m'en occuper. Reste ici.

— Non, je veux venir avec toi.

 

Mark secoua la tête.

— Ce n'est pas une bonne idée.

— Papa, je t'en prie. J'ai besoin de prendre l'air.

 

Le ton suppliant dans sa voix finit par le convaincre.

— D'accord, mais on fait vite, et tu restes près de moi.

 

Au supermarché

 

Une fois arrivés, la tension était palpable. Dès qu'ils

passèrent les portes automatiques, les conversations des clients

s'interrompirent, et tous les regards se tournèrent vers eux. Des murmures

commencèrent à s'élever.

 

— C'est elle, non ? La fille qui était là quand Tony est

mort.

— Je parie qu'elle sait ce qui s'est passé.

— Pourquoi sont-ils même venus ici ? Ils n'ont aucune honte.

 

Zeeya, mal à l'aise, baissa les yeux et se rapprocha de son père.

Mark, les mâchoires serrées, essaya de faire abstraction des murmures. Ils

parcoururent les rayons en silence, remplissant leur panier avec l'essentiel.

 

Arrivés au comptoir pour payer, le caissier, qui s'apprêtait

à scanner leurs articles, s'arrêta brusquement. Il échangea un regard inquiet

avec son manager, qui finit par prendre sa place.

 

— Désolé, mais on ne peut pas vous laisser partir avec vos

courses, déclara froidement le manager, les bras croisés.

 

Mark plissa les yeux, incrédule.

— Quoi ? Pourquoi ?

— Nous nous réservons le droit de ne pas vendre à qui nous

voulons.

 

Mark sentit la colère monter en lui.

— Vous plaisantez ? On est des clients comme les autres.

Vous n'avez pas le droit de faire ça.

 

Le manager resta imperturbable.

— C'est notre décision. Merci de bien vouloir partir.

 

Mark était furieux.

— Vous allez vraiment nous traiter comme des criminels,

alors que ma fille n'a rien fait ? C'est ça, votre sens de la justice ?

 

Zeeya posa doucement une main sur le bras de son père.

— Papa, s'il te plaît. Ce n'est pas grave. On peut partir.

 

Il hésita, puis, voyant le regard suppliant de sa fille, il

hocha la tête à contrecœur. Ils laissèrent leur panier derrière eux et se

dirigèrent vers la sortie.

 

À l'extérieur

 

Dès qu'ils franchirent les portes, ils furent accueillis par

un groupe de journalistes et de photographes, comme si quelqu'un avait prévenu

la presse de leur venue.

 

— Zeeya, pourquoi avez-vous tué Tony ? cria l'un d'eux.

— Était-ce par jalousie ? demanda un autre, caméra braquée

sur son visage.

— Avez-vous quelque chose à dire à ses parents ?

 

Les flashs crépitaient, et les questions devenaient de plus

en plus invasives. Zeeya, terrifiée, se cacha derrière son père, qui perdit

patience. Il s'avança brusquement et poussa un journaliste un peu trop

insistant, le faisant tomber au sol.

 

— Foutez-nous la paix ! rugit-il.

 

Il attrapa Zeeya par le bras et la conduisit rapidement vers

leur voiture. Les journalistes continuaient à les harceler, mais Mark les

ignora. Une fois dans la voiture, il claqua la porte, démarra en trombe, et

prit la direction de la maison.

 

Dans le rétroviseur, il pouvait voir les journalistes les

poursuivre à pied, certains riant presque de leur réaction. Zeeya, les mains

tremblantes, gardait les yeux fixés sur ses genoux.

 

— Je suis désolé, ma puce, murmura Mark.

— Ce n'est pas ta faute, papa, répondit-elle doucement, mais

sa voix était empreinte d'une tristesse profonde.

 

Ils roulèrent en silence, le poids du rejet de la ville

pesant sur leurs épaules.

 

Une soirée de deuil

 

La maison des Shepard était plongée dans une atmosphère de

tristesse et de désolation. Les invités arrivaient à tour de rôle, chacun avec

une mine grave et des mots de réconfort pour les parents de Tony.

 

Chad arriva seul, vêtu de noir, son visage fermé. Il

s'approcha de M. et Mme Shepard pour leur présenter ses condoléances.

— Je suis vraiment désolé pour votre perte, dit-il, les yeux

baissés.

Mme Shepard, les larmes aux yeux, posa une main sur son

épaule.

— Merci, Chad. Tony t'aimait beaucoup. Il te considérait

comme un frère.

 

Chad hocha la tête, murmurant un « merci » avant de se

retirer dans un coin de la pièce.

 

Peu de temps après, ce fut au tour des Hannigan. Le maire et

sa femme avancèrent d'un pas solennel vers les Shepard.

— M. et Mme Shepard, je vous présente toutes mes

condoléances, dit M. Hannigan d'une voix grave.

— C'était un garçon formidable, ajouta Mme Hannigan avec

sincérité.

 

Allison, quant à elle, restait silencieuse, les yeux fixés

sur le sol. Mme Shepard, en l'observant, brisa le silence :

— Ça va, Allison ?

 

Allison releva légèrement la tête, mais avant qu'elle puisse

répondre, M. Shepard intervint, sa voix amère.

— Rien de tout cela ne serait arrivé si toi et mon fils

étiez restés ensemble. Si cette fille n'était jamais entrée dans sa vie.

 

Allison détourna les yeux, mal à l'aise, tandis que ses

parents lui firent signe de rester calme.

 

Le shérif arriva en dernier, vêtu de son uniforme

impeccable. Il inclina légèrement la tête.

— Mes respects, M. et Mme Shepard.

 

Les Shepard lui jetèrent un regard appuyé, leur silence plus

éloquent que des mots : Vous feriez mieux d'agir, et vite.

 

Chez les Harper

 

Pendant ce temps, à la maison des Harper, Zeeya, assise sur

le canapé, observait son père.

— Papa, j'aurais vraiment voulu aller à la veillée.

 

Mark se retourna brusquement.

— Non, Zeeya. Tu sais très bien ce que les gens pensent de

toi. Ce serait une mauvaise idée.

 

Elle soupira, baissant les yeux.

— Je voulais juste lui rendre hommage...

 

Mark adoucit un peu son ton.

— Je comprends, mais tu devras trouver une autre manière.

 

Zeeya acquiesça, réfléchissant en silence. Après un moment,

elle murmura un « bonne nuit » à son père et monta dans sa chambre.

 

Cependant, elle n'avait pas l'intention de rester là. Une

idée lui traversa l'esprit, une manière personnelle et intime de dire adieu à

Tony. Sachant que son père ne l'approuverait jamais, elle décida de sortir

discrètement. Elle ouvrit la fenêtre de sa chambre et s'éclipsa dans la nuit.

 

La veillée des lanternes

 

Dans le jardin des Shepard, les invités furent invités à se

diriger vers l'arrière-cour, où une cérémonie spéciale les attendait. La nuit

était sombre, et un silence respectueux s'installa parmi les convives.

 

Des lanternes en papier furent distribuées, chacune portant

le prénom de Tony écrit en lettres élégantes. M. Shepard monta sur une petite

estrade improvisée et prit la parole, sa voix tremblante d'émotion.

— Tony était notre fils, notre lumière dans l'obscurité.

Nous ne pourrons jamais combler le vide qu'il laisse derrière lui. Mais ce

soir, nous voulons l'honorer, lui montrer qu'il brillera toujours dans nos

cœurs.

 

Une fois son discours terminé, les invités allumèrent leurs

lanternes une par une, et elles commencèrent à s'élever dans le ciel,

illuminant la nuit d'une lueur douce et mélancolique.

 

Sur la colline

 

Pendant ce temps, Zeeya atteignit la colline, essoufflée

mais déterminée. C'était l'endroit préféré de Tony, celui où ils allaient

souvent pour échapper au tumulte de la ville. Sous l'arbre imposant qui

dominait le paysage, elle s'assit, prenant un moment pour reprendre son

souffle.

 

Les larmes coulèrent librement lorsqu'elle parla à voix

basse, comme si Tony était encore là pour l'écouter.

— Je ne sais pas si tu peux m'entendre, Tony... Mais je

voulais te dire que tu as rendu cette ville vivable pour moi. Tu étais mon

refuge, ma joie. Maintenant que tu es parti, tout semble vide... Je suis vide.

 

Elle leva les yeux, cherchant un signe dans le ciel. Et

c'est à cet instant qu'elle les vit : les lanternes des Shepard. Une par une,

elles flottaient dans les airs, formant un spectacle triste et magnifique.

 

Un mélange de douleur et de réconfort envahit Zeeya. Elle se

redressa et sortit un couteau de sa poche. Avec soin, elle grava leurs noms sur

l'écorce de l'arbre : Zeeya & Tony. C'était son adieu, un geste intime pour

sceller leurs souvenirs à cet endroit sacré.

 

Elle resta encore quelques minutes, regardant les lanternes

disparaître dans le ciel avant de prendre le chemin du retour, le cœur lourd,

mais un peu apaisée.