À huit ans, Lysandre avait développé une routine bien ancrée dans le village. Il aidait ses parents, jouait parfois avec les enfants du coin et passait de longues heures à observer son environnement. Mais ce jour-là, une perturbation inattendue allait marquer un tournant dans sa vie.
Le matin était calme. Elena était occupée à coudre près de la fenêtre, tandis qu'Elias réparait une vieille charrette dans la cour. Lysandre, comme à son habitude, lisait dans un coin, absorbé dans un livre d'histoire ancienne.
« Lysandre, peux-tu aller chercher des herbes médicinales dans la forêt pour moi ? » demanda Elena en levant les yeux de son ouvrage.
Il acquiesça simplement. Sa mère lui tendit un panier en osier.
« Reste près des sentiers, et ne va pas trop loin, d'accord ? »
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Lysandre avançait dans la forêt, ses pas silencieux sur les feuilles mortes. La lumière du soleil traversait les feuillages, projetant des ombres mouvantes sur le sol. Il aimait cet endroit. Ici, il pouvait réfléchir sans interruption.
Alors qu'il s'accroupissait pour cueillir des herbes, des voix attirèrent son attention. À quelques mètres, derrière un grand chêne, deux hommes parlaient à voix basse.
« Ce village est une cible facile, » murmura l'un d'eux. « La nuit prochaine, on frappe vite et on repart avant l'aube. »
Lysandre se figea, le cœur battant. Les hommes ne l'avaient pas remarqué.
« Et les villageois ? » demanda l'autre.
« On s'occupe de ceux qui résistent. Les autres fuiront. »
Lysandre recula lentement, veillant à ne pas faire de bruit. Lorsqu'il fut suffisamment loin, il se mit à courir vers le village, ses pensées s'emballant.
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De retour chez lui, il trouva son père dans la cour.
« Père, » dit-il calmement mais avec une urgence inhabituelle dans la voix.
Elias leva la tête, surpris par le ton de son fils.
« Que se passe-t-il ? »
Lysandre lui expliqua tout, chaque mot précis et détaillé. Elias écouta attentivement, son visage devenant grave.
« Tu es sûr de ce que tu as entendu ? » demanda-t-il.
Lysandre hocha la tête.
« Très bien, reste ici. Je vais avertir le chef du village. »
Elias partit rapidement, laissant Lysandre avec sa mère.
« Tout va bien, mon chéri, » dit-elle en posant une main rassurante sur son épaule.
Mais Lysandre ne partageait pas son assurance. Il savait que la peur et la panique rendaient les gens vulnérables.
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Cette nuit-là, le village se prépara. Les hommes armés de fourches et d'arcs montèrent la garde, tandis que les femmes et les enfants se réfugièrent dans les maisons.
Lysandre restait près de la fenêtre, observant les mouvements dans la rue. Il n'était pas effrayé, seulement concentré.
Les assaillants arrivèrent peu avant l'aube, comme prévu. Des torches s'allumèrent dans la nuit, et des cris éclatèrent.
Elias, en tête des défenseurs, s'élança avec détermination.
« Protégez les maisons ! » cria-t-il.
Lysandre sentit un frisson parcourir son corps en voyant son père lutter contre un homme armé. La scène était chaotique, mais il analysait chaque mouvement, chaque faiblesse.
Soudain, un des assaillants s'approcha de leur maison. Elena attrapa un couteau de cuisine, prête à défendre son fils.
« Reste derrière moi, Lysandre, » murmura-t-elle.
Mais avant que l'homme ne puisse entrer, une flèche le faucha. C'était Elias, blessé mais toujours debout.
La bataille fut brève, et les assaillants, surpris par la résistance, prirent la fuite.
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Au matin, le village portait les marques de l'attaque : des clôtures brisées, des maisons endommagées, mais aucun mort parmi les villageois.
Elias rentra chez lui, boitant légèrement mais vivant.
« Tout va bien, » dit-il en souriant faiblement à Elena et Lysandre.
Cette nuit marqua un tournant pour Lysandre. Il réalisa que même dans un monde paisible, la violence et le chaos pouvaient surgir à tout moment.
Dans l'ombre de son esprit, une pensée germait : la force seule ne suffisait pas à protéger ceux qu'on aime. Il fallait aussi comprendre le monde, le manipuler si nécessaire.
Ce fut une leçon qu'il n'oublierait jamais.