Les semaines qui suivirent l'attaque apportèrent un calme étrange au village. Les maisons furent réparées, les villageois reprirent leurs activités, mais une tension persistante flottait dans l'air. Lysandre, désormais âgé de neuf ans, observait tout cela avec une attention accrue. Il n'était pas effrayé, mais intrigué par ce que cette nuit lui avait appris.
Elias, bien qu'encore légèrement blessé, avait retrouvé sa routine. Ce matin-là, il travaillait sur une nouvelle charpente devant la maison. Lysandre s'approcha de lui, les mains dans les poches.
« Père, » commença-t-il doucement.
Elias posa son marteau et s'essuya le front. « Oui, fils ? »
Lysandre le fixa, ses yeux clairs dévoilant une curiosité intense.
« Pourquoi les gens attaquent-ils d'autres personnes ? »
Elias resta silencieux un moment, son expression se durcissant légèrement.
« Parce qu'ils veulent ce qu'ils n'ont pas, ou parce qu'ils croient que c'est leur droit. Le monde est parfois cruel, Lysandre. »
« Et toi ? Tu avais l'air… différent cette nuit-là. Presque comme si tu avais déjà combattu avant. »
Elias posa une main lourde mais chaleureuse sur l'épaule de son fils.
« J'ai vu des choses, Lysandre. Quand j'étais soldat, j'ai appris que protéger les autres n'était pas seulement une question de force, mais de volonté. Tu comprendras un jour. »
Lysandre hocha la tête, mais au fond, il savait que sa compréhension du monde irait au-delà de celle de son père.
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Plus tard dans la journée, Lysandre se rendit au centre du village. Élia l'attendait près de la fontaine, son sourire habituel éclairant son visage.
« Tu viens, Lysandre ? » dit-elle avec enthousiasme. « On va chez Maître Gérald pour l'aider à trier ses livres. »
Lysandre la suivit en silence. La bibliothèque de Gérald était un endroit qu'il appréciait particulièrement. Les vieux grimoires et parchemins y renfermaient des connaissances qui semblaient presque interdites.
En arrivant, Gérald les accueillit avec son habituel sourire édenté.
« Ah, mes deux assistants préférés ! » dit-il en leur tendant une pile de livres poussiéreux. « Rangez-moi ça par sujet. Histoire ici, botanique là-bas, et tout ce qui concerne la magie… eh bien, sur cette étagère. »
Le mot magie attira l'attention de Lysandre. Bien qu'il n'en parlât pas souvent, il avait une fascination pour cet art mystérieux qui semblait être la clé des forces invisibles du monde.
Alors qu'il rangeait un grimoire intitulé Les secrets de l'arcane, il remarqua un vieux symbole gravé sur la couverture : un cercle parfait entouré de runes.
« Gérald, » demanda Lysandre, « qu'est-ce que cela signifie ? »
Le vieil homme s'approcha et plissa les yeux.
« Oh, ça ? Un symbole de protection ancienne. Ceux qui savaient manipuler les énergies du monde utilisaient ces cercles pour repousser le mal. Mais ça, c'est de l'histoire ancienne, garçon. »
Lysandre fronça les sourcils, mais ne dit rien.
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En fin de journée, alors qu'il marchait seul sur le chemin du retour, les paroles de Gérald tournaient dans sa tête. Le concept de "protection" l'intriguait. S'il existait un moyen de protéger ceux qu'il aimait sans dépendre de la force physique, il devait le découvrir.
Arrivé à la maison, il trouva sa mère en train de préparer le dîner.
« Comment s'est passée ta journée, Lysandre ? » demanda Elena en posant un bol de légumes sur la table.
« Intéressante, » répondit-il simplement.
Elena s'approcha de lui, posant une main douce sur sa joue.
« Tu réfléchis beaucoup pour ton âge, » murmura-t-elle. « Parfois, il faut aussi laisser la vie te surprendre, Lysandre. »
Il ne répondit pas, mais au fond de lui, il savait que sa curiosité ne le laisserait jamais simplement vivre. Il était destiné à comprendre, à apprendre, et à utiliser tout ce qu'il découvrirait pour tracer son propre chemin.
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Cette nuit-là, Lysandre resta éveillé, le regard fixé sur le plafond. Ses pensées étaient un tourbillon de questions. Pourquoi le monde fonctionnait-il comme il le faisait ? Pourquoi certaines personnes cherchaient-elles à contrôler les autres ? Et surtout, comment pouvait-il naviguer dans ce chaos tout en restant maître de son destin ?
Dans l'ombre, une résolution naissait. Ce monde était un échiquier, et il comptait bien apprendre à en manipuler les pièces.