Ce qui nous définit, ce ne sont pas nos circonstances, mais nos actions dans ces circonstances…
Au milieu d'une foule gigantesque se cachait un jeune homme. Sa carrure agile et athlétique lui valut quelques regards curieux, mais rien de particulier. Ses cheveux bien tressés mais négligés le rendaient singulier. Il semblait être une incohérence en lui-même, à la fois d'allure noble et paysanne.
Il répondait au nom de Julian, plus exactement Julian Barns, fils aîné de la famille Barns. Julian, plutôt beau garçon, voyait sa vision obstruée par la foule.
" Ils sont tellement nombreux aujourd'hui, à croire qu'ils viennent de plus loin que les contrées des Barns ", murmura Julian. Malgré sa taille, il arrivait à peine à voir devant lui. Se faufilant à travers la foule, il endura les regards méfiants des autres.
Malgré cela, Julian ne s'arrêta pas.
" Désolé... désolé... laissez-moi passer. "
Après ce qui sembla une éternité, Julian finit par voir la lumière. Ou plutôt, ce que représentait la lumière pour les habitants des contrées Barns.
Un homme! Hélas, pas n'importe lequel. Oui, c'était celui-là. Avec une carrure imposante, il scrutait la foule tel un aigle. Sous les rayons puissants du soleil, son armure fière reflétait presque de l'arrogance. À l'apparence d'un lion, il dégageait une aura de leader.
Se déplaçant sur la plateforme, à chacun de ses pas, son armure émettait un léger son, presque un cliquetis. Rien à voir avec le bruit vulgaire d'une roue. Non loin de là, ce rugissement métallique déclencha un frisson d'excitation parmi tous. C'était l'armure d'un chevalier. Des chevaliers du grand royaume de Feroth.
Ce chevalier se nommait Captain Soll. Bien que ce fût la millième et une fois que Julian l'apercevait, il ne pouvait s'empêcher de sourire, ébahi par la prestance de Soll. Le jeune homme, dans sa trentaine, leva la main. Tel un commandement royal, il fit taire la foule.
Julian serra les poings, une boule se formant dans son ventre.
" Ça y est, ça commence ", murmura-t-il.
" Pour ceux qui ne me connaissent pas, je me nomme Captain Soll, chevalier de Feroth. "
Sa voix puissante balaya la foule. À cet instant précis, tous avaient le regard fixé sur lui. Malgré cela, il restait d'un calme digne d'un combattant.
" Sa majesté le roi Chargn m'a chargé, cette année encore, de conduire le recrutement pour les futurs chevaliers de Feroth. Vous le savez tous, Alderia et Sangnum deviennent de plus en plus forts. Le royaume de Feroth se doit de ne pas perdre cette course. Cette fois, seulement cent personnes feront partie de la sélection. "
Julian ouvrit grand les yeux, regardant autour de lui. Tous avaient la même expression.
" Seulement 100 ? Il y a plus de deux mille candidats ici! " Julian ne comprenait pas ce qui se passait. À sa connaissance, toutes les années précédentes, ils prenaient en moyenne 3 000 jeunes. Mais cette fois-ci, seulement 100 ? Cela semblait absurde.
Bien que surpris, Julian continua d'écouter.
" Ce programme, pour cette fois, est différent. Nous avons pour but de former des personnes qui pourraient changer l'avenir du royaume de Feroth. Pour cela, nous avons besoin des meilleurs. Chers candidats, soyez prêts, les épreuves débuteront dès demain. "
Une fois fini, Captain Soll se retira de la scène et partit sans attendre ni répondre à aucune préoccupation.
Une fois parti, Julian revint à lui. La curiosité montait. Il se demanda, " Changer l'avenir de Feroth ? Qui aurait un tel pouvoir ? " Julian se retourna, la tête dans tous les sens, mais ne trouva aucune idée.
C'est à ce moment-là qu'il sentit un coup violent sur son épaule. Le regard crispé, il rugit à la personne.
" Mais tais malade ou quoi ? "
Cependant, derrière lui ne se trouvait personne d'autre que son ombre. Julian cligna des yeux, puis pivota pour écouter. Un visage désespérément familier, celui de Leck, un de ses meilleurs amis.
" Je me doutais bien que tu étais le seul taré à faire un truc pareil. "
Complètement ignorant de la remarque de Julian, Leck sourit et s'approcha.
" Tu as écouté le Captain Soll ? Un nouveau programme, un nouveau monde, de nouvelles aventures. Ça va être de la folie... ah, j'ai hâte ! "
Julian leva les yeux, incrédule.
" Si j'étais toi, je ne serais pas aussi excité. On parle de cent candidats, Leck. Les provinces des Barns comptent plus de 500 jeunes de notre âge. "
" Arrête avec ton pessimisme pragmatique. On s'en fout de combien ils sont. Ils devront réserver trois places pour nous. "
Un autre surgit. Cette fois-ci, une figure élégante, se saisissant. William ajusta ses lunettes, les bras croisés. Son regard ne trahissait aucune pression.
" William, toi aussi, tu es là… " Julian sourit, ravi de revoir ses camarades.
Malgré son origine noble, Julian avait du mal à se faire de vrais amis. La plupart pensaient que les nobles n'étaient que des arrogants sans aucune empathie. Bien que la famille de Julian ne fût pas particulièrement puissante, comparée aux vrais nobles de la capitale, beaucoup le méprisaient.
Il avait essayé de se faire des amis, mais c'était un peu trop difficile à cause de son identité. Malgré cela, ces deux incompris s'étaient liés d'amitié avec lui.
William ajusta ses lunettes.
" Je pense savoir de quoi parle le Captain Soll à propos du nouveau programme. Si mes calculs sont exacts, j'en suis à 100% certain. "
Julian et Leck échangèrent un regard curieux. William était, comme on dirait, le cerveau de la bande. S'il en était sûr, cela ne pouvait qu'être vrai.
" Qu'est-ce que c'est alors ? "
" Il serait mieux de se rendre à la bibliothèque. Là, je pourrais mieux vous expliquer de quoi il s'agit. Mais la bibliothèque privée du chef du village est à accès restreint… " William finit sa phrase d'un ton hésitant.
Leck se frottait les mains dangereusement, son regard se tournant vers Julian.
" Oh non. Cette fois, je ne me ferai pas fouetter pour vous, hors de question. "
Julian secoua la tête, les bras croisés.
Quelques heures plus tard…
...
...
" T'es sûr que ton père est absent, Julian ? Si on se fait choper, on est morts. "
Le regard froncé, Julian chuchota.
" Tais-toi. Tu parles trop fort. "
Julian n'arrivait pas à croire qu'il était encore là. Sa décision avait été prise : s'ils se faisaient attraper, il allait tous les embarquer avec lui cette fois.
" Hey, les gars, arrêtez de crier ", intervint William, se plaçant entre les deux. Julian serrait presque le poing, prêt à étrangler son meilleur ami. Les deux autres rigolaient sans gêne tandis que les gardes passaient à quelques centimètres de là.
" Ça y est, les gars, on peut y aller. "
Il connaissait tellement bien les recoins du manoir qu'il pouvait s'y faufiler les yeux fermés. Le trio avançait discrètement vers la bibliothèque.