Le manoir des Barns. Situé sur de nombreux hectares, occupant une grande partie du village. D'après son père, Jules Barns, ces terres étaient un cadeau du roi pour son service. Julian n'était pas ignorant de la gloire passée de son père, mais de là à nommer toute une province à son nom… La principauté des Barns.
Ça laissait place à beaucoup de questions, qui jusqu'à aujourd'hui restaient sans réponse.
"Ton daron est franchement riche. Regarde une épée en or !" Les yeux de Leck s'illuminèrent, fixant la bibliothèque remplie de toute sorte d'artefacts.
"Ce n'est pas une épée, mais une lance. Une demi-lance pour être exact. Les chevaliers du royaume perdu les utilisaient pour se défendre il y a plus de trois mille ans," William clarifia.
"Tu es vraiment coincé, toi. C'est bien une épée, hein, Julian ?"
"Une lance !"
"Vous allez vous chamailler. Ce n'est pas pour ça qu'on est là. On doit se dépêcher, mon père ne tardera pas à rentrer," Julian s'écria. Puis il poussa la porte de la grande bibliothèque et entra.
Julian eut une soudaine envie de tomber. Levant la tête vers le haut, la bibliothèque s'étirait avec des livres à en perdre la vue.
"Je me demande si Père a vraiment lu tous ces livres. C'est incroyable."
"Je pense bien, sinon comment se serait-il hissé à un rang si élevé, étant donné ses nobles origines ?"
Chaque fois qu'ils parlaient du père de Julian, leurs voix résonnaient d'admiration. Pour beaucoup, il était un exemple à suivre. Pour Julian, encore plus.
Tandis qu'ils étaient occupés à parler, William avait déjà trouvé le livre. D'un mouvement précis, il le déposa et l'ouvrit sur la table. Leck se pencha, un sourire toujours plus curieux.
"C'est quoi ces caractères tous bizarres ?"
"Ça y est… le voici. Contes et légendes des Royaumes," William ne put se retenir. Feuilletant les pages tel un savant devant une nouvelle découverte.
Julian observait calmement. Tout comme Leck, il était curieux. Ils avaient passé pas mal de temps dans cette bibliothèque avec son père et donc reconnu le livre. Cela dit, il ne voyait clairement pas la relation entre ça et les mots du capitaine Soll.
"William, qu'est-ce que tu as derrière la tête ?"
"Écoutez, les gars. Je pense que tout est lié à ces personnes qu'on nomme les Héritiers. Écoutez-moi avant de parler…"
William n'avait même pas encore terminé que Leck piaffait déjà. Le regard un peu déçu.
"Qu'est-ce que tu vas imaginer là, William ? Tu penses vraiment que le programme serait pour former des héritiers ? Ha ha ha !"
Leck se mit à rire.
"Et dire que je pensais être le plus barjo de la bande. Et toi, Julian, tu crois à ces sornettes ?"
"Julian ?"
Perdu dans ses pensées, Julian hocha légèrement la tête. Tout s'expliquait maintenant. Se frappant légèrement la tête :
"Comment n'y ai-je pas pensé… peut-être parce que, comme Leck le dit, c'est un peu trop absurde."
Qu'est-ce qu'un héritier ?
Cette question résonnait dans leur esprit, et une réponse semblait comme tomber du ciel. Car ces personnes étaient plus que des légendes.
Les royaumes avaient toujours été en guerre les uns avec les autres. En quête de pouvoir, de domination, et bien plus encore. La légende parle de personnes dotées de pouvoirs qui surpasseraient l'entendement. Des personnes capables de faire chavirer la direction d'une bataille.
Plus importantes que des seigneurs et des rois. Elles sont craintes et vénérées tels des dieux vivants. Certains les nomment les Calamités, les Démons, les Damnés. Mais beaucoup les connaissent sous le nom d'Héritiers.
William semblait pouvoir lire sur le visage de Julian et continua de parler.
"Vous savez bien que ce qui détermine la puissance et la prospérité d'un royaume, ce sont ses héritiers. Un royaume sans eux est telle une proie parmi les chasseurs."
Secouant la tête, Leck se mit à divaguer sans direction précise. Ses pensées, toutes chamboulées, reflétaient ses mouvements.
"Mais pourquoi maintenant ? Feroth n'a jamais produit d'héritiers depuis plus de deux mille ans. Qu'est-ce qui a changé cette fois-ci ?"
"Un danger… un danger imminent."
Bien que William était le cerveau, Julian était le stratège. Il ne fallut pas beaucoup pour comprendre.
"Je ne sais pas ce qui se trame derrière tout ça. Mais une chose est sûre : Feroth et les royaumes sont sur le point de changer," finit-il par dire.
"Peu importe. Je pense qu'on devrait partir d'ici avant que quelqu'un ne nous trouve."
Leck se mit à sourire bêtement, mais Julian semblait ne rien remarquer.
"T'inquiète, mon père ne rentrera pas si tôt. Nous avons encore quelques minutes," Julian dit d'un ton nonchalant. Puis ce fut au tour de William de sourire bêtement.
Un point d'exclamation dans la tête, Julian observait ses amis, ne semblant pas comprendre la situation.
"Qu'est-ce qui vous arrive, les gars ? On dirait que vous êtes constipés."
"Ce livre ne parle des héritiers qu'en général. Si vous voulez apprendre, il y a mieux."
Julian se crispa. La voix, bien trop familière. Le sourire presque moqueur de ses amis le fit rougir de colère.
"Je vais vous étrangler, vous deux," se disait-il.
"Père, comment allez-vous ? Vous semblez de très bonne humeur aujourd'hui."
Julian avança puis se courba naturellement. Une salutation réservée aux aînés nobles. Une formalité quelque peu dépassée.
Jules Barns était un homme dans sa cinquantaine. Malgré ses longs cheveux blancs, il semblait plus en forme que jamais. Sa voix, aussi vibrante que le royaume du soleil. Et son aura, tout aussi imposante.
"Vous savez bien qu'il est interdit d'entrer dans cette pièce sans autorisation. Je vais devoir tous vous punir. Et de manière très sévère."
Le sourire de Jules se crispa, sa voix plus froide que les vents de la forêt gelée.
Julian et ses amis se mirent à transpirer, le cœur battant à tout rompre. Ils improvisèrent un mensonge aussi vite qu'ils le purent.
"Monsieur Barns, nous sommes vraiment désolés. Nous ne voulions pas nous introduire ici. C'est Julian qui nous a forcés," répondit Leck sans scrupule.
À ce moment précis, Julian perdit presque connaissance.
"Quel traître," se murmurait-il dans la tête, son regard tourné vers son père. Il attendit sagement leur punition.
Jules Barns ouvrit lentement la bouche. Chaque seconde semblait une éternité. Julian transpirait à grosses gouttes jusqu'au moment où son père parla enfin.
"Les Héritiers sont bien plus que des machines de guerre. Ils représentent l'équilibre. L'équilibre des royaumes. Selon les textes anciens, la naissance d'un nouvel héritier est annoncée tous les cinq mille ans par une pleine lune, au sourire écarlate."
Julian et ses amis suivirent le doigt de Jules, pointé vers la grande fenêtre ovale. Un design gothique qui laissait passer les rayons de la pleine lune. Émerveillés, le trio s'approcha. À leur nouvelle position, ils finirent par la voir.
Dans le ciel, une pleine lune se dressait. Mais loin d'être celle à laquelle ils s'attendaient. Tout au centre, un arc se dessinait, presque une peinture incrustée dans le ciel. Formant presque un sourire. On aurait dit que la lune leur souriait.
"Alors, il se produirait bien qu'un véritable héritier naisse dans les prochains mois ?" Julian trembla à cette idée.
"Non, ça ne peut pas… Peut-être… Et si c'était toi… Non, impossible."
Il n'était pas du genre rêveur, mais pour la première fois, un doute agréable naquit dans ses pensées.
"Maintenant la punition "