4 septembre 1186 ap. La Brèche- quelque part dans la forêt-
Lorsqu'il sort enfin de la forêt, le groupe tombe, en effet, sur un splendide paysage. Devant eux, à perte de vue, s'étendait la magnificence des landes vissariennes. Ici, aucun bruit n'était perceptible, exception faite de la brise matinale qui, ne faisait que renforcer ce sentiment de quiétude et de tranquillité. Autour d'eux, hautes et fraîches herbes, s'accordaient parfaitement entre elles, dans un mélange combinant orange et vert clair. Cà et là, plusieurs amas d'arbres pouvaient de même être observés bien que, dans l'ensemble, l'espace demeurait, il est vrai, grandement dégagé. Ces derniers possédaient un feuillage rose clair, semblable à quelques cerisiers asiatiques, et qui, au doux contact du vent, s'envolaient dans le firmament, décorant ainsi l'air de magnifiques pétales, tombant telle la neige d'hiver.
"Regardez là-bas" Dit apparaît Alessio.
Son doigt pointait alors l'horizon. Au loin, une montagne gigantesque se dressait face à un décor somptueux. Celle-ci était si haute, que son sommet lui-même atteignait facilement les nuages, d'autant plus que cette dernière semblait aussi grande que deux montagnes réunies. On pouvait également apercevoir, parmi la masse rocheuse la constituante, quelques neiges éternelles d'un blanc pur de-ci de-là, notamment près de son éminence. Quant à l'astre solaire, le dominant pour le coup de peu, celui-ci battait néanmoins son plein, sa position, pour le moins proche du zénith, indiquant environ 11h00 du matin.
"Nous approchons du mais, reprit-il. Au jugé, je dirais que nous devrions atteindre le Grand Od dans une heure si on se dépêche."
Sur ce, les trois se remirent en route, tout en accélérant cette fois-ci légèrement l'allure. Morgan et Florian, sur le chemin, s'occupèrent en contemplant les lieux, d'un regard toujours aussi émerveillé qu'à l'initial. C'était comme si chaque parcelle de cet immense terrain constituait à eux seuls une sorte de paradis terrestre. L'air y était agréable, mélangeant de multiples parfums, magnifiquement accompagné de ces nombreuses et vives couleurs d'automne, ne faisant de ce fait que bonifier la singulière beauté de ce spectacle.
Pour ce qui était d'Alessio, celui-ci songea, en effet, durant une bonne fête du cheminement, aux récents événements survenus durant les quatre derniers jours.
En effet, lorsque ces derniers avaient été poursuivis par lesdites créatures, un rude combat pour la survie s'en était ensuite suivi, dont le groupe en était ressorti vainqueurs, notamment grâce à la mystérieuse capacitée de Vanira ainsi qu'à l'ingénieuse formation qu'Alessio avait auparavant mis en place. Les trois avaient finalement atteint le temple en début d'après-midi entamant alors immédiatement les recherches. Sur place, ces derniers avaient, en outre, trouvé un très grand nombre de textes mais également de nombreuses gravures, toutes rédigées dans la langue de l'Ancien Culte. Les relevés avaient été si longs que cela leur avait pris, pour ne point exagérer, tout le reste de l'après-midi, s'étant, de ce fait, achevé en début de soirée. Se rendant compte du temps passé, Alessio avait ainsi annoncé à Vanira que le groupe n'aurait pu continuer, du fait de leur retard pris sur leur trajet initial. Fort heureusement, cette dernière, face à la nouvelle, ne lui en avait point tenu rigueur, les remerciant même également pour l'aide que ces derniers lui avaient apporté. En contrepartie, Alessio avait, de son côté, promis l'entier soutien matériel de la capitale vis-à-vis du peuple salgor.
Cependant, à l'issue de cette dernière promesse, loin des plus hasardeuse et futile, Alessio se demandait encore si celle-ci fut la bonne à prendre en de telles circonstances. Aurait-il dû rester afin d'épauler les salgors ? Fallait-il mieux suivre les ordres d'Adonis ? Il ne savait, pour dire vrai, quoi répondre à cela. Dans ce genre de situations, le jeune prince avait alors tendance à procéder d'une façon qu'il estimait méthodique, à savoir par ordre d'élimination.
"Alors, Alessio, à quoi tu penses ? Lui demanda alors instantanément Morgan en souriant, le sortant pour la énième fois de ses pensées confuses. Tu parles de se dépêcher, mais tu es le premier à ralentir le pas. " Reprit le mage, cette fois-ci en rigolant.
Ainsi, sur ces seules paroles, le thaumaturge laissa là en plan le juvénile vissarien, le distançant sans grand mal de plusieurs mètres, immédiatement suivi de Florian qui, au passage, lui tapota l'épaule, afin de lui signifier à son tour d' accélérer.
"Pourquoi je me préoccupe de ça maintenant ? Ce qui est fait est fait, et il n'y a aucun doute à avoir là-dessus. Prendre des décisions implique parfois de faire certains sacrifices. L'incertitude et le doute ne sont pas permis dans ce genre de situation."
Alessio, à la suite de cette réflexion brève et concluante, accéléra le trot, atteignant sans mal la hauteur de ses coéquipiers. Ainsi, une fois les trois compagnons réunis, ces derniers se mirent subséquemment à galoper, tel un trio fonçant au-devant de l'aventure.
En accord avec les prévisions du jeune prince, Alessio et ses compagnons commencèrent à distinguer, quoique partiellement, plusieurs signes d'activités humaines au bout d'approximativement une heure de route. Plus loin devant, de nombreux champs, pour la majorité de faible envergure, de blé mais également de maïs étaient observables, ainsi que de hautes fortifications identifiables au-delà. Celles-ci elles-mêmes dominées par cette imposante magnificence de la nature, surplombant le monde tel un maître tout-puissant, le Grand Od. Cette œuvre de la nature avait, disait-on, la réputation d'être la plus haute montagne d'Akham, et il fallait de toute évidence croire que les dires à son sujet n'étaient point infondés. Si à la sortie de la forêt, il avait été possible de la contempler dans sa quasi-totalité, il était à présent inimaginable de voir ne serait-ce qu'au-delà du pied de cette dernière.
A partir de là, les trois compagnons se mirent à ralentir le pas, privilégiant alors le petit trot vers ledit bourg, tout en prenant soin de contourner autant de champs que possible. Par bonheur pour eux, à l'instar de la capitale, cette petite ville comprenait plusieurs entrées, dont une située à l'est de cette dernière, que le groupe s'évertua à emprunter. Cependant, leur réjouissance ne fut, pour le coup, que de courte durée. En effet, une fois arrivée au seuil de celle-ci, deux imposantes gardes leur barrèrent promptement le passage tandis que deux arbalétriers, juchés sur les tours annexes, se mirent à les pointeurs de leurs armes chargées :
"Veuillez décliner rapidement votre identité !" Il se produit alors l'un des soldats postés devant eux.
Alors qu'Alessio s'apprêtait à lui répondre, Morgan lui coupa alors la parole d'un simple geste de main. Celui-ci descend ensuite de sa monture puis se dirigea vers le garde concerné. Une fois suffisamment proche de ce dernier, le mage sortit par la suite un manuscrit de son habitude et le lui tendit en ajoutant :
"Signé de la main du Roi Adonis lui-même."
Le chevalier, après s'en être saisi, puis avoir, en outre, pris connaissance de son contenu, ordonna à ses collègues de les laisser passer tout en remettant de nouveau à Morgan ledit manuscrit.
La ville, qui malgré les nombreux aspects visuels similaires à celle d'Odiis, possédait de surcroit ses caractéristiques propres. Pour commencer, sa population demeurait, il est vrai, étonnamment diversifiée, comprenant au sein de celle-ci iniriens, andoniens, mais également alianes, ce qui lui valut, au fil du temps, ce glorieux nom de « Cité des Cultures ». Pour continuer, cette dernière parvenait également à se distinguer de par son architecture tout aussi fascinante que singulière. Il fallait, en effet, savoir que les objets permettent en très grande partie de l'art des métaux. Il serait dès lors normal, aux premiers abords, de penser que la cité ne serait que peu attractive sur le plan visuel. Cependant, contre toute attente, il n'en était, dans les faits, rien de tel. En effet, malgré sa population forgeronne, la ville disposait d'une architecture tout à fait splendide, utilisant des matériaux tels que des tuiles ou même l'ardoise dans le mais de faire ressortir cette couleur blanchâtre, parfois même beige, présente sur de multiples édifices, le tout dans un style similaire à l'art préroman.
Plus loin devant, un marché avait lieu, regroupant plusieurs dizaines d'habitants, peut-être même une centaine. La circulation y était abondante, de même que la variété de produits importante.
"On dirait qu'ils n'ont pas encore été affectés par la menace grandiose, fit remarquer Morgan.
— Non, mais cela ne saurait tarder, lui répondit Florian, il faut donc se dépêcher. En parlant de ça, justement, on sait quelle direction prendre pour atteindre le château ?
— Si les infos communiquées étaient exactes, il devrait se trouver au sommet du mont.
"Quoi !!!, se dit alors Alessio*. Aussi haut. Je comprends maintenant pourquoi il n'a jamais été assailli. Qui voudrait grimper aussi haut, sachant que même prendre le bourg en lui-même était déjà un défi."*
Après avoir fait un tour rapide des lieux, afin de mieux s'imprégner du nouvel environnement les entourant, nos compagnons réprirent la route d'une allure pour le moins dynamique.
Après avoir parcouru moultes rues, ruelles ainsi que de multiples détours, le groupe déboucha finalement face à l'imposante éminence qu'était le Grand Od, celle-ci paraissant, de ce fait, bien plus considérable vu de près. De plus, tandis que ces derniers n'étaient jusque-là point discernables, de nombreux détails, bien que flagrants, se révélaient progressivement au fur et à mesure de leur avancée. Cela comprenait, en outre, une sorte de rail, tout aussi long que large, s'étendant à presque l'infini sur la paroi verticale du mont. Devant celui-ci encore, une sorte de haute cabine grise, d'envergure imposante à l'instar du rail, de même muni de vitres, demeurait visiblement rattaché à ce dernier. Sur les extrémités de cette dernière, quatre engrenages- deux en haut et deux en bas -faisaient office de support à quatre autres lourdes chaînes, s'élevant elles aussi au sommet, ou s'enfonçant pour les deux autres dans les profondeurs souterraines.
Pour finir, face à tout cela, un homme se tenait là, le regard pointé dans leur direction. Il était de grande taille, le visage de même plutôt mûr. Il avait également de mi-longs cheveux bruns, quoique attachés, formant ainsi une sorte de chignon, bien que discret. Pour ce qui était de sa tenue, celui-ci portait un tissu noir comprenant, par-dessus, un plastron en cuir de couleur marron clair. Il était également équipé de gants métalliques gris, ainsi que d'une splendide épée bâtarde accrochée à sa ceinture.
Le mystérieux homme avança après coup dans leur direction, se présentant, une fois sur place, sous le nom de Ser Libsel.
"Je suis un chevalier de la garde rapprochée de Sa Majesté. Saché que son Altesse vous attend en haut et qu'il m'envoie ici pour vous y conduire, alors, veuillez me suivre." Conclut-il en désignant l'ascenseur à l'aide de son bras gauche.
Les trois compagnons ne se firent point prier et avancèrent, comme énoncé, vers le monte-charge. Une fois à l'intérieur, Ser Libsel tendit sa main contre une sphère réfléchissante ancrée dans l'une des paroisses, l'enfonça pendant quelques secondes, puis la relâcha. Après cela, l'élévateur se mit en marche et l'ascension commença donc.
"Ceci, commença Libsel, est une sorte de cabine permettant de monter les différents étages de la montagne, bien trop haute et abrupte pour être gravie à pied.
— Différents étages ?! demanda Alessio, surprise.
— Oui, lui répondit le chevalier, le Grand Od est divisé en trois grands étages : l'Étage Minier, qui concentre toute la main d'œuvre chargée d'extraire les ressources premières, destinées à la production d'armes. L'Étage de la Forge, celui regroupant les ouvriers chargés de produire les armes. Et enfin, le Siège, qui est tout simplement l'emplacement du domaine royal, rendant ce dernier totalement imprenable.
Je vois." Lui dit-il pour seule réponse.
Alessio détourna ensuite le regard de Ser Libsel, privilégié pour le coup la sublime vue qu'offrait à présent le paysage. D'ici, le groupe surplombait la zone, brassant du regard l'intégralité de la lande ainsi qu'une bonne partie de la forêt. Cependant, plus ils gagnaient en altitude, plus ce fabuleux paysage disparaissait, laissant peu à peu place à d'épais nuages accompagnés de ce ciel d'un bleu azur. La plupart d'entre eux semblaient d'un aspect relativement commun, bien que de nombreux d'autres, quoique plus rares, s'orientaient vers des formes plus fantastiques, selon l'image que l'on se faisait d'eux dans notre esprit. Pour finir, il était essentiel de faire mention de la fraicheur plus ou moins élevée des lieux, celle-ci possiblement à mesure de leur ascension, que les visiteurs vissariens ne tardèrent point à ressentir.
Par hasard, le groupe finit, au bout de quelques instants, par arriver au-devant du château, s'empressant ainsi de pénétrer dans celui-ci. Les quatre continuèrent sur un couloir aboutissant sur un chemin dont trois issues s'offraient à eux. Ser Libsel emprunta alors sans hésiter celle de gauche, bifurqua à droite plusieurs mètres plus loin, avant de finalement aboutir sur l'entrée de la salle royale.
Une fois le seuil de cette dernière franchise, les trois compagnons firent face à une immense enceinte d'un blanc relativement uni, notamment accentué grâce aux vifs rayons du soleil. Sur cette dernière, plusieurs piliers somptueux sculptés se succédaient sur toute la longueur de la salle, accompagnés par ailleurs, de gravures ornant les murs, représentant ici plusieurs événements historiques. Au bout de ce dernier siège le trône, constitué en grande partie de merphorès, un métal bleuté très résistant, servant communément à l'élaboration de fabuleuses armes, dites indestructibles. Pour finir, derrière le siège royal, se trouve une grande mosaïque circulaire, décrivant un aigle royal, barré de deux épées, le tout sur fond bleu ciel.
Quelques instants plus tard, une personne fit son entrée, entourée de deux gardes armées : le prince Kersir en personne vint à leur rencontre, la mine plus que ravie à leur simple vue. Il était de grande taille, fin, quoique musclé, et possédait une peau d'une pâleur si prononcée que ce dernier semblait pour le coup atteint d'une maladie quelconque, bien qu'il n'en fût, dans les faits, rien de tél. Il possédait également de courts cheveux bruns, coiffés pour l'occasion, ainsi qu'une barbiche soigneusement délimitée. Quant à ses vêtements, celui se présentait ainsi aux convives vêtus d'un brocart d'argent ainsi que d'un bas s'accordant à son ensemble vestimentaire.
"Je vous rencontre enfin, des élites d'Odiis, dit-il de manière énergique et joyeuse.
— C'est également un honneur pour nous de vous faire face." Lui répondit Morgan en inclinant légèrement la tête, rapidement chanté par ses compagnons.
Une fois les formalités achevées, Kersir reprit la parole, adoptant cette fois-ci, un ton se voulant plus ferme et sérieux :
"Bien, allons droit au but : comme vous le savez très bien, notre royaume est actuellement en guerre face à Istarek, et depuis, nous ne faisons qu'enchaîner défaite sur défaite."
Celui-ci saisit au même instant une dague de sa grande habitude, se mettant par la suite à jongler avec ledit instrument.
" Si cela continue, nous finirons petit à petit par perdre nos terres conquises, reprit-il, et nous nous retrouverons au final sans défense face à l'ennemi, ce qui ne nous conduiras, en toute logique, à notre anéantissement pur et simple. Néanmoins, si cela devait se produire, nous ne tomberions pas sans nous battre.
A cet instant précis, Alessio et ses coéquipiers prêtèrent une oreille attentive aux paroles qui suivirent cette déclaration :
"Suite à des recherches avancées au sein de la capitale, nous avons pu découvrir l'existence de reliques antiques répondant au nom de "audarcs". Il s'agit là de stèles de pouvoirs, résidant au milieu de sanctuaire de ruines remontant à la nuit des temps, demeurées inactives, jusqu'à récemment. Comme nous sommes très limités en termes de connaissances sur leur sujet, votre mission sera donc d'en apprendre plus sur elles et leurs capacités Pour cela...
A peine eu-il achevé ses propos que celui-ci se vit interrompu en plein milieu de sa phrase. Tandis que son surin retombait pour la énième fois, celui-ci fut réception soudainné en plein vol par une mystérieuse personne postée derrière lui, cette dernière ayant fait irruption dans la conversation sans crier gare. Celle-ci pointa, afin de compléter son geste, la lame contre le gosier de Kersir, prête à lui trancher la gorge sans délai.
"Ne t'inquiète pas, dit-elle d'une voix calme, je me charge de leur expliquer la suite..."