Chereads / Vissaris / Chapter 12 - 12- Œil pour œil, dent pour dent (Pt.2)

Chapter 12 - 12- Œil pour œil, dent pour dent (Pt.2)

Un auster modéré fit son apparition sur la localité, tandis que, sur place, la tension ne faisait que gagner en ampleur. En effet, en croisant le regard de Mathieu, Achille eut, à cet instant, le présentiment que ce dernier n'avait point dit son dernier mot. Et pour cause. Sans même crier gare, le traitre vissarien se dégagea sans grand mal de la portée de ses adversaires, et ce notamment par le billet d'un bond arrière tout aussi spectaculaire que véloce. Ajax, face à cet intimidant mouvement, n'eut pour seul réflexe que de porter la main au fourreau, tandis qu'Achille, se plaça de même en position, de toute évidence prêt à l'assaut.

Toutefois, à peine eurent-ils le temps d'agir, qu'un ressenti étrange vint leur prendre de court. Percevant ledit sentiment tel un soudain malaise, ces derniers discernèrent pareillement que celui-ci ne provenait non pas directement de leur corps, mais bien de l'environnement qui les entouraient. Plus les secondes s'écoulaient, plus les deux commandants éprouvaient cette impression d'étouffement, par ailleurs de moins en moins supportable, celle-ci ne tardant point à se traduire au moyen de diverses difficultés respiratoires. A plusieurs reprises, Achille se surprit en effet chancelant, manquant de peu de s'évanouir par moments. Cependant, ce dernier parvenait tout de même à garder la tête haute, revisualisant sans cesse l'image de l'ennemi lui faisant face ainsi que du devoir auquel son privilégié statut lui exposait.

Dans l'instant qui suivi, Achille sentit, il est vrai, une main se poser violemment sur son épaule, cette dernière lui faisant alors naturellement tourner la tête, pour le coup sur sa droite. Force lui fut alors de constater que même son frère subissait les conséquences de ce changement drastique, celui-ci même à présent accompagné d'un épais brouillard envahissant les environs.

Achille dirigea de nouveau ses yeux vers Riemonder qui, à présent, tenait un objet dans sa main. Le commandant constata, en y prêtant d'avantage attention, que la chose prenait une forme cylindrique, composée de verre, entourée de bronze. Sur la partie transparente de celle-ci, il put également distinguer, à travers elle, un fluide reflétant différentes teintes, le tout semblable à un arc en ciel compactée. Cependant, quoique beau en surface, cela semblait là aux yeux d'Achille un réel signe de catastrophe.

"Ajax, écoute-moi ! Je sais exactement ce qu'il s'apprête à faire, et les dégâts que cela engendrera seront bien plus colossaux que tu ne l'imagines. Alors, autant se répartir les tâches tant qu'on le peut encore.

— J'imagines que c'est notre seule issue pour le moment, alors, je t'écoute.

— Bien. Tu vois l'objet qu'il tient dans sa main ? Il s'agit d'un artefact du nom de "Cylindre de ruines". Il doit son nom au terrible pouvoir qu'il renferme.

— Et quel est ce pouvoir si puissant, allant jusqu'à t'affoler ?

— Au sein de cet objet est contenue une grande quantité d'énergie mystique. Néanmoins, comparé aux autres, l'énergie y est cette fois-ci comprimée. Une fois libérée, les ravages seront tels que la place, voire d'autres habitations voisines, n'y survivront pas.

— Je vois. En faisant cela, il espère nous poser un dilemme et ainsi faire pression sur nous.

— Ce n'est pas tout ! A te voir, je suppose que tu ressens également les effets de ce changement dans l'air. Tu l'as sans doute deviné : cela est également lié à ce qu'il prépare. Dans un premier temps, il espère que cela, dans le cas où cela ne nous étouffe pas, nous ralentisse au moins grandement dans nos mouvements. Pour finir, il compte utiliser cela comme avantage afin de libérer la véritable force de l'énergie mystique.

— Qu'est-ce que tu entends par "véritable force" ?"

Ajax observa alors son frère d'un œil discret, dans l'espoir sans doute d'obtenir une réponse. Cependant, voyant que celui-ci ne réagissait point à sa demande, Ajax détourna de ce fait le regard, grinçant dans un temps similaire des dents.

"Ne lui laisse pas cette chance, mon frère..." **Conclut alors Achille cette fois-ci à haute voix. ** Ajax, en retour à ces mots, lui sourit une dernière fois, avant de s'éclipser, tel un mirage dans le désert.

Achille demeurait désormais seul. Seul face à l'antagoniste. Celui-ci savait pertinemment à qui il avait à faire. Celui-ci savait que, pour en venir à bout, une attaque tout aussi rapide que précise serait là indispensable. Celui-ci savait que l'erreur n'était ici chose permise, car la moindre hésitation entrainerait à coup sûr sa perte, celle de son frère, mais en outre celle de son Roi ainsi que la chute de la capitale. C'était là, en effet, tout ce que Mathieu escomptait.

C'est ainsi que, l'épée brandit, à toute vitesse, Achille s'élança au-devant de sa cible, l'esprit à présent vidé de tout doute quelconque. Parallèlement à cela, Mathieu, d'allure confiante, leva à son tour, haut son bras, afin pour sûr de fracasser ladite artefact à même le sol. C'était maintenant que tout allait se jouer. Les dés furent dès lors jetés. La question était à présent la suivante : qui des deux acteurs de ce décisif affrontement parviendrait à ses fins ?

A mesure que les secondes défilaient, ces dernières semblables à une épée de Damoclès dont l'échéance ne saurait tarder, le suspense, de son côté, ne faisait que grandirent de façon exponentielle. Arriver à environ un mètre de son adversaire, Achille, l'espace de quelques centièmes de secondes, perçu alors comme une douleur au niveau de son cœur meurtri, ainsi qu'une larme s'échappé d'un de ces yeux.

"Moi qui pensais que tu comblerais le vide qu'elle m'a laissé..."

Puis, ce qui devait fatalement arriver, se produisit sans grande surprise. Le cylindre de ruines s'abattit de ce fait avec violence sur le sol, éparpillant ainsi une gigantesque quantité d'énergie mystique, celle-ci se déchainant par la suite de manière meurtrière. Dans un laps de temps équivalent à une fraction de secondes, le fluide multicolore parvint, il est vrai, à recouvrir, l'entièreté de l'espace, laissant là rapidement découvrir ce qui put, sur le coup, être défini comme un brasier d'une ampleur pour le moins démesuré. Rien, à l'intérieur de ladite flamme imposante, ne semblait dorénavant distinguable tant celle-ci parvenait, qui plus est avec aisance, à dissimuler son fond, cette dernière prenant par ailleurs rapidement une teinte bleutée. Il fallait dire également, que, face à un tel enchainement de catastrophe, ni homme ni bâtisse n'aurait pu y survivre. Cependant, cela n'était qu'un début, car ce serait bientôt la totalité de la capitale qui serait pris dans ces "flammes", d'une chaleur s'élevant vraisemblablement au-delà de l'extrême admis.

Mais alors que tout espoir semblait perdu, de ce même brasier jaillit soudain, telle la vapeur d'un geyser, un large rayon d'énergie d'un mauve tout aussi somptueux que les pétales de crocus sur la blancheur unie de la neige. La puissance de celui-ci fut telle, qu'il réussit sans mal à rivaliser, dans un premier temps, avec la précédente énergie, fusionnant finalement avec elle en une seule et même force de coloris pourpre.

A l'instar de toutes prévisions, il se trouva également que Mathieu avait miraculeusement survécu à tout cela. Parmi cette chaleur insoutenable, celui-ci tenta, pour sûr, de se relever, non sans grandes difficultés du fait de ses nombreuses brûlures et plaies, provoquées par l'explosion. Quelques secondes plus tard, un corps d'une couleur rouge aux teintes orangés, s'approchant, de toute évidence par la voie des airs- quoiqu'à très basse altitude, presque au ras du sol- à une vitesse ahurissante, fit également son apparition. Enfin, lorsque les deux entrèrent en collision, on eut, en effet, l'impression, de par la vitesse adoptée, que le corps d'une teinte de sang, le traversa, transperçant Riemonder de part en part.

Ce ne fut, certes, point le cas, mais cependant, l'effet que cela produisit à l'adversaire n'en resta pas moins visible, qui plus est, grave. Il est vrai, suite à cette brusque émergence, Riemonder s'écroula alors violement sur le dos, évanoui, laissant ainsi voir une monstrueuse et profonde entaille partant de la clavicule gauche, celle-ci se poursuivant jusqu'au côté droit de son bassin.

Peu après cela, Achille reparut au-devant de la scène, marchant cette fois-ci d'un pas assuré vers le corps inerte. Celui-ci n'avait visiblement plus aucun mal à respirer, à tel point que l'on aurait cru son corps à présent habitué à cet air impur. Au simple jugé de son allure, on pouvait là aisément constater que seuls ses vêtements avaient pris un sévère coup, le reste ne se résumant qu'à de bégnines égratignures. Au même moment, Ajax, en face, pénétra dans la masse d'énergie, celui-ci entouré d'une sphère transparente, trainant les huit corps, ceux-ci équitablement répartis sur chacune de ces mains. Ces derniers ruisselaient de sang, à telle enseigne que cela avait déteint sur sa peau de même que sur ces habits. C'est avec le regard sombre que le guerrier lâcha les corps sans vie, les laissant s'écrouler à même le bitume, et s'agenouilla face à l'individu pâmé.

"Mission accomplie.", déclara-t-il froidement

Cinq jours s'écoulèrent depuis le fameux affrontement. Cinq jours durant lesquels Cugeon s'acharnait avec conviction à penser les atrocités infligées au robuste corps de Riemonder, et ce notamment, en vue d'un futur procès de ce dernier. Les soins étaient, de circonstance, opérés au sein de sa cellule, ledit prisonnier ayant, pour sûr, l'interdiction formel d'en sortir.

Les conditions demeurèrent certes peu commodes, celles-ci aboutissant, sans grande surprise, à un résultat au-dessous des nombreuses espérances, bien que l'ex-capitaine parvint, malgré tout, à jouir de nouveau de sa lucidité, de même que de l'usage de ses jambes.

Pour ce qui le concernait, Adonis fit, entre-temps, parvenir aux oreilles de son banneret la conclusion des récents évènements, l'invitant de même à assister au jugement, tout en s'assurant de la bonne exécution des nombreuses formalités pour ce qui concernait le procès.

Et puis vint le jour tant attendu. Dans ce tribunal aux dimensions exagérées de même qu'aux couleurs tout aussi chaudes que vives, régnait une ambiance agitée ainsi qu'un monde plus qu'impatient de connaître le dénouement de cette affaire. Çà et là, de petits groupes de personnes débattaient entre eux, tantôt évoquant l'acte prémédité contre le Roi, tantôt émettant des suggestions quant à la manière dont le prisonnier serait châtié.

Pour ce qui concernait Achille, ce dernier se tenait quelque peu à l'écart de tout ce vacarme, observant et écoutant les convives avec attention. Celui-ci portait un haut bleu clair, lui-même parsemé de subtiles dorures, ainsi qu'un large pantalon de coloris blanc. Cependant, quelques minutes plus tard, après avoir, pour le grand nombre, cerné leurs majeures idées, le commandant se mit par la suite, à balayer la salle du regard, dans l'espoir de trouver une quelconque occupation, de préférence plus intéressante.

Ce dernier n'eut point à chercher longtemps, car, en effet, un cortège pénétra, l'instant suivant, dans la vaste salle, ne manquant pas d'attirer tous les regards sur eux, même ceux se voulant, en de telles circonstances, fort discret. Celui-ci, mené par une femme de grande taille, brune, mince, d'allure jeune, comprenait en outre Sa Majesté Adonis, suivi de près par l'accusé Riemonder, enchainé pour le coup au niveau des mains. Quant à l'homme qui fermait le rang, celui-ci demeurait, il est vrai, d'une étonnante pâleur. Malgré sa démarche sérieuse, ses yeux noirs n'inspiraient, de même, point confiance, suscitant là également de nombreux regards de travers.

En réponse à la subite entrée du groupe, les convives jugèrent alors distingué de s'écarter de part et d'autre de la salle, laissant alors l'intégralité de l'allée centrale dégagée. C'est ainsi que le petit groupe traversa cette dernière sous les regards avides de la foule, à travers un long tapis rouge se prolongeant jusqu' au fond de l'espace, auquel étaient alignés quatre sièges en arc de cercle ainsi qu'une longue table, située quelques peu en avant de ceux-ci. Derrière encore, résidait la place du juge, se présentant sous la forme d'une attribution, haute de deux mètres au moins, faite essentiellement, si ce n'était intégralement, de pierre. Pour finir, à l'arrière-plan, se trouvait une gigantesque peinture, représentant une épée dorée dans un axe vertical ainsi qu'une feuille de chêne, parfaitement symétrique. Il s'agissait là de deux symboles importants, servant respectivement d'allégorie à la justice et l'égalité, en accord à la culture vissarienne.

Entre-temps, Achille s'était avancé vers le fameux trône poli, tandis que les quatre autres personnes prenaient rapidement place sur leur siège attribué. Le commandant gravit, par la suite, les deux marches menant à ce dernier, s'installant alors à son tour, avec, à sa droite, Ajax et Varius, à l'opposé.

"Avant toute chose, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à tous. Comme vous le savez tous très bien, la situation auquel notre royaume fait actuellement face ne nous est guère favorable. C'est donc dans ce genre de situation qu'il est primordial de rester unis, afin de surmonter l'adversité et pouvoir ainsi espérer un futur paisible. C'est dans cette perspective que nous avons décidés de mettre en place ce procès, afin de traiter d'une affaire des plus urgentes : en effet, Mathieu Riemonder, ici présent, capitaine des armées vissariennes, est accusé de tentative de régicide envers Sa Majesté."

Achille se leva donc, la posture droite, de manière à portée sa voix vers l'auditoire, les mains de même révélées au public.

"En raison des circonstances particulières, Messire Adonis ne pourra occuper la fonction de juge. De ce fait, je me suis naturellement portée volontaire afin d'assurer ce poste à la perfection. Donc, que les choses soit claires : Je ne prendrai en aucun cas partie des deux camps, et je jure de faire preuve d'une neutralité totale ainsi que d'un jugement fondé, visant à l'équité de chacun. Aucun traitement de faveur ne sera alors pris en compte, et le verdict que le jury et moi-même prononcerons sera incontestable."

Une fois ces quelques paroles prononcées, ce dernier se rassit, engageant alors subséquemment le procès.

La première personne appelée fut ici Ser Towen. Celui-ci se dirigea, à ce titre, vers une petite estrade, délimitée de barreaux métalliques, située non loin d'Ajax, celle-ci faisant office de barre. Une fois l'interrogation d'Achille prononcée quant aux éléments qu'il savait au sujet de ladite affaire, ce dernier se mit à évoquer le jour où il avait découvert le corps sanguinolent du Roi, gisant à même le sol. Selon ses dires, il avait été si tétanisé, qu'il lui avait fallu plusieurs minutes avant d'appeler enfin Ajax, qui avait alors accouru immédiatement sur les lieux. Ajax lui avait ensuite ordonné de lui trouver au plus vite Achille, mais ce dernier avait été introuvable. Ce n'a été que plus tard, après de longues minutes de recherches, qu'il l'avait enfin aperçu, près de la herse principale, au dos de sa monture. Une fois qu'il avait eu connaissance des faits, celui-ci n'avait, depuis lors, quitté des yeux le corps de son frère aîné et Roi.

Lorsqu'il acheva de compter son récit, Achille le remercia de sa sincérité et renvoya Ser Towen à sa place, convoquant après quoi Adonis à la barre. Pour sa part, la victime lui confia qu'au moment des faits, ce dernier s'était trouvé dans sa chambre. Il avait ensuite senti une présence, très faible, au sein de celle-ci, mais, à peine avait-il eu le temps d'identifier l'individu, qu'il s'était fait brutalement attaquer, sans même avoir eu le temps de riposter. Il s'était, finalement retrouvé juché au sol, imbibé de son propre sang, s'étant, peu de temps après, évanoui du fait de la perte colossale d'hémoglobine. Pour le reste, celui-ci rapporta que, contrairement, à ce qu'avait antérieurement énoncé Ser Towen, Achille n'avait point continuellement été présent à ses côtés. Achille, il est vrai, s'était tenu auprès de lui, mais seulement à temps partiel. Pour le reste, c'était pour le coup Ajax, qui s'était occupé de cette tâche.

"Bien Messire, le jury et moi-même vous remercions pour votre témoignage pertinent."

Achille réexpédia de circonstance Sa Majesté à sa place. Après cela, celui-ci se leva de nouveau de son siège, puis se dirigea d'un pas lent vers l'accusé.

"Comme vous avez eu à l'entendre, deux versions des faits nous ont été adressées. Malgré certains points de divergences, ces dernières se complètent et toutes deux s'accordent à dire qu'un individu quelconque à bel et bien voulu attenter à la vie de notre Roi.

— Certes, mais cela ne justifie en rien le fait que mon client en soit effectivement l'auteur, riposta soudain l'homme à la peau pâle.

— Mon avis s'accorde en tout point au vôtre, Maître Dilen.

— Permission de prendre la parole, Vôtre Honneur, dit alors Maître Beyfer en levant la main de manière spontanée.

— Permission accordée."

La jeune femme se leva donc, tenant un manuscrit entre ses deux mains délicates. Celle- ci rajusta rapidement son épitoge, s'éclaircit la gorge, puis entama sa pensée :

"Je tiens ici, dans mes mains, le rapport que Messire Ajax Vissaris a rédigé, il y a de cela quatre jours, après la capture de monsieur Riemonder. Dans ce dernier, dit-elle en portant le regard sur ledit document, il y est mentionné la présence de plusieurs entailles sur de multiples zones du corps. De plus, des empreintes similaires ont été relevées sur le corps d'un homme du bas peuple retrouvé précédemment.

— Cela est tout à fait exact. Cependant, en quoi établir une corrélation entre les deux blessures témoignent d'une quelconque justification à l'égard de votre client ? Si je comprends bien, vous supposer que, de par la similarité des traces présentes sur les deux corps étudiés, Mathieu Riemonder ne serait là pas le véritable coupable de l'histoire mais bien Ser Achille Vissaris.

— Vous admettrez tout de même que leur style de tranchant demeure en effet très similaire.

— Alors celle-là c'est la meilleure de toutes. Vous vous appuyer sur des arguments tels que ceux-ci afin justifier votre thèse, tout cela dans le but d'accuser sans fondement véritable mon client.

— Ce n'est pas ma faute si vous ne savez pas défendre votre point de vue...

— De toute façon, ce n'est pas une femme qui va m'apprendre mon métier !

— Je vous demande pardon ?!" S'exclama-t-elle du tac au tac.

La jeune femme s'avança alors rapidement, à la hauteur Maître Dilen, affichant là une mine traduisant la colère qui sommeillait pour le coup en elle.

"Il SUFFIT !!!, s'exclama de justesse Achille. Maître Beyfer, retournez à votre place. Quant à vous, Maître Dilen, je vous serai grés de faire preuve de plus de bienséance envers le tribunal royal. Au risque de me répéter, je vous rappelle que l'un des principes fondamentaux de ce dernier est le respect de l'équité. Si vous souhaitez faire remonter un point, prononcez-vous dans les règles ou sinon, restez assis et respectez le bon déroulement de ce jugement.

— Puisque nous y sommes, je demande la permission de prendre la parole, Votre Honneur, rétorqua alors Maître Dilen.

— Mais comment..." Balbutia de son côté Maître Beyfer.

Achille leva la main, pour lui signifier de se taire, prêtant ainsi attention sur les paroles de Maître Dilen.

"Permission accordée."

"Voyons voir comment tu te défendras face à cela..." Pensa alors le commandant*.*

"Certes, les preuves sont incontestables, mais, savez-vous au moins, pourquoi a-t-il fait cela ?"

"Nous voilà au cœur du sujet ! Saura-t-il convaincre le jury par les sentiments ? En même temps, c'est bien là son seul rempart face à la mort..."

"Pour y répondre, laissez-moi, en outre, vous posez une autre, qui, ma foi, me semble des plus simple : Êtes-vous bien entourés ?"

Achille, à ce moment précis, croisa les bras, fronça les sourcils, prêta, qui plus est, une attention particulière à la scène qui suivit :

"La plupart des personnes ici présentes auraient eu tendance à répondre oui, et ce de manière aveugle. Cependant, comprenez bien que, si, pour vous, cela parait facile, cela n'est pas forcément le cas de tout le monde. Pour illustrer mon propos, je m'appuierai sur un exemple concret sous forme d'une petite histoire."

Celui-ci, à l'instar de son adversaire s'éclaircit la gorge, puis débuta le conte de son récit :

"C'est l'histoire de trois personnes, trois habitants de basse naissance : un jeune garçon de quinze ans, une fille du même âge, ainsi qu'un petit bout d'homme âgé de huit ans. Ces trois compagnons étaient, en effet, de très bon amis, et passaient énormément de temps ensemble, même si, en parallèle, tous avaient des occupations ou des fréquentations personnelles. Cependant, ce jour-ci fut loin d'être le plus plaisant pour les trois camarades. En effet, après une énième journée passée en groupe, la jeune fille, sur le chemin du retour, apprit, à travers des commères, que celui dont elle était amoureuse depuis plusieurs semaines, n'était pas intéressé par elle et était allé même jusqu'à l'insulter de tous les noms, tant il avait été dégoûté par cette dernière. La jeune fille, par tristesse et par réflexe, s'était précipitée vers d'anciennes amies de confiance, qui s'étaient chargée de la soutenir et de la réconforter. Au même moment, le jeune garçon, avait quant à lui trébuché, en essayant de courir plus vite qu'il ne l'avait pu, et ne tarda pas à se réfugier dans les bras de sa mère, en proie aux larmes. Quant au jeune homme, censé être mûre d'esprit, ce dernier s'était fait, encore une fois, battre violemment par son père, qui n'avait pas non plus hésité à le rabaisser verbalement. Malheureusement, contrairement à ses amis, celui-ci n'avait pu qu'encaisser encore une fois cette douleur qu'il subissait presque quotidiennement.

— Où voulez-vous donc en venir ? Questionna Achille en réponse à cette histoire.

— J'allais justement y venir. En conclusion, la fille, lorsque cette dernière a besoin de réconfort, peut alors naturellement compter sur ses amies, de même qu'un petit garçon peut compter sur la tendresse maternelle. Cependant, lorsqu'il s'agit d'un homme, sur qui celui-ci peut-il compter ? Personne. Personne, car les mœurs de notre société actuelle imposent aux hommes une force d'esprit à toutes épreuves, pouvant résister jusqu'aux sentiments les plus douloureux."

Maître Dilen détourna soudain le regard du juge, afin de se concentrer dès lors sur l'ensemble du public.

"Si nous analysons et observons de prêt le cas de monsieur Riemonder, nous pouvons alors constater que ce dernier se trouve dans une situation tout aussi similaire. En effet, comme me l'a conté mon client, il aurait, peu de temps avant son arrestation, confier à Ser Achille Vissaris une parole disant, je cite : " Malgré les services que j'ai fournis à la Couronne ainsi qu'au Royaume, nul ne me combla d'éloges ou me considéra un minimum, et de ce fait, je resta pendant longtemps l'Ombre du Héros." "

Les membres de l'assemblée échangèrent, à la suite de ces paroles, des regards étonnés, choqués pour ne dire que dans le vrai, observant l'accusé avec des yeux d'interrogation, de surprise, parfois même, de pitié.

" Vous comprenez enfin. L'objectif de Ser Riemonder, était, à la base, de pouvoir devenir le successeur de son commandant, Ser Achille Vissaris. Cependant, du fait que nul ne reconnaissait ses mérites, cela s'est vite transformé en une profonde tristesse. Pour certains, cela parait peut-être pour le moins ridicule, mais il s'agit là d'un cas bel et bien réel. Qu'auriez-vous fait à sa place ? Personnellement, je ne sais pas, mais, pour sa part, monsieur Riemonder a décidé de ne pas perdre son temps et de s'orienter vers d'autres horizons plus favorables, et, par chance, l'occasion s'est présenté rapidement..."

Achille fit alors un signe des mains et, presque aussitôt, la salle retrouva son calme.

"Merci pour les arguments que vous avez pu nous proposer, Maître Dilen, de même pour vous, Maître Beyfer. Nous ferons, à présent, en sorte de prendre ces derniers en compte, ainsi que les différents avis de l'assemblée."

Le juge se tourna à la suite de son propos, au reste du monde, adoptant là une posture adéquate afin d'émettre à ce dernier une puissante voix, comme pour signifier, de façon pour le moins subtile, sa présence non négligeable.

"En effet, comme je viens de l'énoncé, vous aussi, membres de l'assemblée, allez devoir donner votre opinion quant à l'affaire Riemonder. Cela se déroulera tel un vote. Une urne va être, d'ici peu, déposée dans cette même salle, afin que vous puissiez y déposer un petit papier où vous y mentionnerai, de manière anonyme, si l'accusé mérite, ou non, la rédemption. Le décompte des votes se déroulera dans deux jours, sur la Place du Fondateur. Sur ce, je déclare la séance levée."

Alors, que celui-ci s'apprêtait à quitter la salle, Achille sentit soudain une main discrète tapoter son épaule gauche. Ce dernier fit, alors tout naturellement, volte-face, apercevant, en réponse à ce geste, Varius, celui-ci le fixant d'un air néanmoins intrigué.

"Je peux te parler un instant ?" Demanda-t-il sans hésitation quelconque.

Achille n'eut alors d'autre choix que de le suivre. Les deux sortirent, en conséquence, de la pièce puis se dirigèrent au-devant dudit couloir relié à celui-ci, quoiqu'à l'écart des regards indiscrets.

"Dis-moi Achille, pourquoi avoir organisé un tel évènement ? Tu le sais toi-même : Mathieu Riemonder a voulu tenter d'assassiner notre Roi. Dans de telles circonstances, un procès n'est pas de mise et la peine capitale reste de loin la sanction appropriée.

— Je connais le règlement aussi bien que toi, sois en certain, mais...j'ai voulu...faire une exception pour cette fois.

— Pourquoi donc ?

— Vois-tu, si nous n'aurions simplement fait que l'exécuter sur le champ, même ses dernières paroles n'auraient pas eu d'impact sur ses pairs, car ces derniers n'auraient songé qu'à lui cribler de pierre, attendant son trépas avec la plus grande hâte. Or, dans le cadre d'un jugement, le respect de la parole de chacun est un principe fondamental. Dans ces conditions, Riemonder a pu s'exprimer librement, sans craintes de se faire malmener. De plus, j'avais espéré que l'assemblée fasse preuve d'indulgence pour un ex-membre de la garde vissarienne, mais tel que cela se présente actuellement, cette partie du résultat demeure loin d'être concluante. Mais, qui sait. Espérons."

Le commandant vissarien lâcha subséquemment un soupir tout en fixant, droit dans les yeux, le seigneur du Grand Odd.

"Rien que pour ma conscience, je me devais, de le faire."