Bien que le "dîner" avec Yang Min Seok se soit avéré plus agréable que ce que Se Ah avait prévu, quand il lui envoya un message le jour suivant pour lui proposer de se retrouver à nouveau pour un déjeuner, elle ne savait pas si elle voulait dire "oui" à cette offre. Elle n'était pas naïve, malgré sa personnalité généralement flirteuse et trompeuse, elle savait que Min Seok s'intéressait à elle et qu'il n'en avait pas honte, cependant, être courtisée par quelqu'un comme lui la mettait inconfortablement mal à l'aise, pour dire le moins, même si ce qu'il recherchait n'était rien de plus qu'une aventure sans signification. Elle se sentait partagée et agacée.
"Bon sang, qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Et alors si vous avez beaucoup de choses en commun ? C'est la deuxième fois que cet homme vous trouble l'esprit ainsi. Ne sois pas ridicule, Yoon Se Ah, reprends-toi."
Puisque Se Ah avait passé une bonne heure à réfléchir à la réponse à donner à la proposition de Min Seok, elle décida que simplement le laisser sans réponse serait perçu comme impoli, alors, elle inventa rapidement une excuse crédible et répondit enfin à son message. Une fois cette affaire réglée, Se Ah décida de s'habiller et de sortir marcher pour s'aérer l'esprit. Elle ne voulait pas l'admettre, mais rester dans une chambre d'hôtel, aussi agréable fut-elle, lui paraissait étouffant et oppressant. Ce n'était pas chez elle, tout était différent, presque étranger ; l'odeur générique de chaque chambre, le parfum unisexe laissé par Da Hye, un frigo inutilisable, les draps d'un blanc neige changés tous les jours par un personnel anonyme et sans visage... Il n'y avait rien qui lui appartenait. Tout appartenait à d'autres. Elle n'avait toujours rien.
Les dimanches semblaient être des jours de farniente pour tout le monde, peu importe leur richesse ou leur emploi du temps chargé. Lorsqu'elle atteignit le hall de l'hôtel, même les concierges baillaient et leurs mouvements étaient emprisonnés dans la léthargie, malgré l'heure avancée de la matinée. Les regarder la rendait à nouveau somnolente, c'était contagieux et elle avait désespérément besoin de sortir de là.
"Je suis dehors, et maintenant ? Devrais-je simplement me balader jusqu'à ce que j'aie faim ou sois fatiguée ?"
Ses réflexions ne durèrent pas longtemps. Au début, elle cru l'avoir imaginé, après tout, pourquoi quelqu'un l'appellerait par son nom ici, mais lorsqu'elle entendit une voix familière l'appeler une seconde fois, sa curiosité s'envola et elle n'eut d'autre choix que de se retourner pour enfin en voir la source de ses propres yeux.
"Mademoiselle Yoon!"
Lee Min Hyun agitait sa main en courant vers elle comme un enfant heureux qui court saluer ses parents, son visage excessivement excité brillait plus que le soleil reflété sur les feuilles oranges des grands arbres. Se Ah ressentit une sensation étrange et palpitante à la poitrine - était-ce à cause de ce gars ? Il courait contre le vent, sa chemise noire déboutonnée flottait, révélant un T-shirt d'un blanc éblouissant, et ses cheveux noirs brillants, qu'il coiffait d'habitude en imitant différents acteurs et idoles, étaient maintenant rejetés en arrière par les doigts impitoyables du vent, exposant son front lisse et ses sourcils soigneusement dessinés. C'était un spectacle à retenir. C'était étrangement hypnotisant.
"Regarde-le, on dirait qu'il tourne une publicité."
Le gars s'arrêta juste devant Se Ah, l'obligeant à faire un pas en arrière précipité qui faillit la déséquilibrer, mais Min Hyun fut rapide à réagir - il la saisit par la main et la redressa, l'aidant à retrouver son équilibre. Elle se sentit stupide, c'était véritablement une publicité très niaise et clichée.
"Que faites-vous ici ?"
Le stagiaire remit ses cheveux en place et sourit.
"Je devais rencontrer mon ami dans le coin, mais il n'a pas pu venir, alors je me baladais sans but. Puis je vous ai vu et me voici !"
"Je vois. Très bien, profitez de votre dimanche."
Elle hésita un instant comme si elle donnait à Min Hyun la chance de s'accrocher à nouveau à elle, mais soit à sa grande surprise, soit à sa déception, il ne le fit pas. Espérait-elle vraiment qu'il lui demanderait de l'accompagner ? Son esprit était de nouveau en désordre, et à l'instant même où elle décida finalement de partir, son téléphone se mit à sonner, et le numéro qu'elle espérait ne jamais voir s'affichait sur l'écran.
"Allo ?"
"Mademoiselle Yoon Se Ah ?"
Une voix féminine basse, plus froide qu'officielle, prononça son nom.
"Oui."
"Je m'appelle Eum Hee Kyung, je travaille au service comptabilité de l'Hôpital Psychiatrique de Gaehwa. Il y a eu un problème avec le paiement pour l'hébergement de votre mère, l'erreur indique que le compte est à découvert."
"Quoi ?"
Se Ah ne pouvait pas y croire, c'était la première fois depuis que sa mère était admise qu'un tel problème survenait. Cela ne pouvait pas être juste.
"Je suis désolée, il doit y avoir une erreur, je suis certaine qu'il y a suffisamment d'argent sur ce compte, pourriez-vous réessayer ?"
La voix froide et officielle devenait maintenant agacée.
"Mademoiselle Yoon, je ne veux pas être impolie, mais nous avons essayé de débiter votre compte depuis ce matin et le résultat est toujours le même. Veuillez le vérifier par vous-même et nous tenir informés d'ici la fin de la journée. Je vous rappelle que si vous ne pouvez pas payer, nous devrons libérer votre mère."
"... Très bien, je vous tiendrai au courant. Merci."
L'esprit de Se Ah devint vide. Comment était-ce possible ? Le compte bancaire lié aux factures de sa mère était le même que celui où étaient ses économies. Il contenait plus de quarante millions de wons et maintenant on lui disait qu'il n'y avait pas assez d'argent même pour un paiement mensuel à l'hôpital ? Cela n'avait tout simplement pas de sens.
Lee Min Hyun, qui était toujours à côté de Mademoiselle Yoon, se rapprocha et posa sa grande main sur son épaule tremblante.
"Mademoiselle Yoon ? Vous allez bien ? Vous avez soudainement pâli."
Bien qu'il ait l'air préoccupé, pour une raison ou une autre, à Se Ah, sa voix sonnait étrangement animée. Mais ce n'était pas le moment pour cela. Elle repoussa son épaule et commença à tapoter frénétiquement sur l'écran de son téléphone, cependant, ses doigts tremblants étaient difficiles à contrôler. Lorsqu'elle put finalement accéder à son compte bancaire via l'application, elle sentit son âme quitter son corps déjà froid.
"Ça ne peut pas être... Non, il doit y avoir une erreur, ce n'est pas possible."
Elle ferma et rouvrit l'application, rafraîchit l'écran, se déconnecta et reconnecta du compte, mais le résultat était toujours le même – il n'y avait plus d'argent. Tout avait disparu.