POV Ava
Ma première journée à l'hôpital commençait sous les meilleurs auspices. L'équipe était chaleureuse, enthousiaste, et j'étais accueillie comme un médecin à part entière, loin des jugements condescendants auxquels j'avais été habituée dans la meute. Pour la première fois, je me sentais valorisée pour mes compétences. Cette reconnaissance m'offrait une bouffée d'air frais, un contraste frappant avec le sentiment d'être rabaissée dans ma propre meute.
Les urgences étaient agitées, entre les appels incessants et les patients qui arrivaient pour divers soucis. Vers 11 heures, un appel me fit quitter l'hôpital pour intervenir sur un cas d'empoisonnement au terrain d'entraînement. Quand j'arrivai et que je compris qu'Aron avait ingéré de l'aconit par « jeu », la colère m'envahit. Comment pouvait-on être aussi insensible et imprudent ? C'était censé être un entraînement, pas un bizutage insensé ! Et bien sûr, ni Jace ni Blaine n'avaient pris la peine de lire le dossier médical d'Aron, qui aurait révélé ses problèmes de santé.
Ce manque de considération me rappelait que rien n'avait changé ici. Jace et son entourage d'élite se croyaient toujours au-dessus des autres. La meute continuait à fonctionner comme une caste, où certains étaient relégués au rôle de simples serviteurs. Durant ces cinq années d'absence, j'avais espéré, même naïvement, qu'il aurait pris conscience de la valeur de chaque membre de la meute. Visiblement, j'avais tort.
Je suivis les deux guerriers qui transportaient Aron dans la salle médicale de la maison de la meute pour des soins plus poussés. Jenna, l'infirmière, une femme d'une cinquantaine d'années et membre respectée de l'équipe médicale, m'accueillit avec un sourire compatissant.
— « Pourquoi ne m'ont-ils pas appelée ? » demanda-t-elle en ajustant ses lunettes.
Je haussai les épaules, exaspérée.
— « Ils savaient la gravité de leur jeu et ont pensé qu'appeler un médecin en urgence serait plus rapide que d'attendre. »
Elle roula les yeux, visiblement familière avec les pratiques douteuses des jeunes recrues.
— « Ces jeunes… forts et séduisants, peut-être, mais ils manquent cruellement de bon sens ! Je parie qu'ils n'ont même pas consulté son dossier médical. »
Je laissai échapper un rire amer.
— « Bien vu. Vu leur tête, Jace et Blaine n'ont même pas envisagé cette possibilité. »
Aron commença à reprendre conscience, ses yeux papillonnant d'épuisement. Il me sourit faiblement, son regard empli de reconnaissance.
— « Merci, Ava… J'ai vraiment cru que j'allais y passer. »
Je souris en retour, tentant de détendre l'atmosphère. Aron habitait le même quartier que moi, et bien qu'il soit plus jeune, j'avais souvent pris soin de veiller sur lui, connaissant ses soucis de santé.
— « Eh oui, heureusement que j'étais là cette fois-ci, hein ? » plaisantai-je en lui donnant une tape amicale.
Nous éclatâmes de rire, mais notre bonne humeur s'évapora aussitôt que Jace et Blaine pénétrèrent dans la pièce. Jace nous observait avec un air que je n'aurais su décrire, mais son ton sec ne cachait pas son irritation.
— « Je vois que tu vas beaucoup mieux, Aron, » dit-il, une pointe d'agacement dans la voix.
J'haussai un sourcil, défiant, incapable de contenir la rancœur qui m'habitait.
— « Oui, et ce n'est certainement pas grâce à toi, » répliquai-je, mon regard brûlant d'indignation.
Il serra la mâchoire, ses yeux froids comme de l'acier.
— « Merci pour tes soins, Ava, mais je pense que tu as mieux à faire maintenant. »
Mon cœur se serra à ses mots tranchants, mais je refusai de céder à son autorité.
— « Je vais raccompagner Aron chez lui, » dis-je avec assurance, posant ma main sur l'épaule d'Aron pour le soutenir.
Alors que nous nous apprêtions à quitter la pièce, Jace s'avança, nous coupant la route. Son regard me transperça, plus sombre et intense que jamais.
— « Ava, retourne à l'hôpital. Je vais raccompagner Aron, » déclara-t-il d'un ton glacial.
Je pris une inspiration pour me calmer, sentant la colère monter.
— « J'ai terminé mon service, je peux le ramener, » insista-je, mes yeux ancrés dans les siens.
Il murmura mon nom, Ava, d'une voix plus rauque, presque envoûtante, et pour une fraction de seconde, son regard sembla vaciller. Mais je le vis : un éclat doré se mit à briller dans ses yeux, signe que son loup, Silver, n'était pas loin de la surface. Sa posture se durcit, son visage se ferma davantage.
Aron me lança un regard inquiet et, tout bas, me murmura :
— « C'est bon, Ava… je peux gérer. Va-t'en, s'il te plaît. »
À contrecœur, je relâchai l'épaule d'Aron et me détournai. Juste avant de sortir, je jetai un dernier regard à Jace, sentant la frustration bouillonner en moi.
— « Toujours aussi autoritaire et insensible, » lâchai-je à voix basse, mais suffisamment fort pour qu'il m'entende.
En sortant, je claquai la porte derrière moi. Le silence qui suivit résonna dans le couloir comme un coup de tonnerre, chargé d'une tension que je ne pouvais plus ignorer.